Quel est l’impact environnemental du vin ? La viticulture détruit-elle l’environnement ? Quel est l’empreinte écologique de votre petit verre de vin au restaurant ? Voici toutes les réponses.
L’impact environnemental de la viticulture est entré au coeur des sujets d’actualité cette année, suite à la diffusion d’un Cash Investigation, l’émission d’Elise Lucet diffusée sur France 2 en Février 2016 et consacré aux pesticides. Une carte montrant les ventes nationales de pesticides par région y était notamment présentée et trois des plus grandes régions viticoles françaises – Gironde, Marne et Loire-Atlantique- figuraient parmi les départements les plus concernés. Il était surtout révélé qu’« en France, les cultures de vignes représentent 20% des pesticides utilisés alors qu’elles n’occupent que 3 % de la surface agricole française ».
Alors, le vin, ce breuvage si français, si tendance et tellement apprécié, détruit-il notre planète et notre environnement ? Enquête.
Vin et environnement : la viticulture conventionnelle parmi les plus polluantes des activités agricoles
Le vin et l’empreinte écologique et sanitaire liée aux pesticides
La viticulture conventionnelle et productiviste est l’une des activités agricoles les plus consommatrices en produits phytosanitaires (fongicides et pesticides). En effet, la vigne, la Vitis vinifera est une plante très sensible aux maladies, notamment en cas de forte humidité, propice au développement de champignons (mildiou, oïdium, black rot …). De ce fait, pour protéger leurs vignes, beaucoup de viticulteurs se reposent encore largement sur les pesticides et autres fongicides. Cela explique qu’en matière de viticulture, les régions les plus consommatrices de produits phytosanitaires se situent à l’Ouest de l’hexagone, qui jouit d’un climat océanique, plus humide que le reste du pays.
Surtout, les mauvaises pratiques en matière de pesticides sont encore légion dans la viticulture – même si heureusement la situation s’améliore. En effet, entre les années 1950 et les années 1990 les vignes étaient systématiquement traitées toute l’année, indépendamment de leur état, de manière préventive et non curative, dans une grande partie des exploitations viticoles.
Du point de vue environnemental, cela a des conséquences importantes. L’utilisation des pesticides dans les vignes entraine pollution des sols et des eaux, appauvrissement de la biodiversité locale… Mais le problème vient aussi de la fragilisation des sols ! Une vigne désherbée à grands coups d’herbicides et traitée à grands coups de fongicides, donne un sol pauvre, fragile, privé de ses qualités organiques. Et quand un sol est pauvre, il a besoin d’encore plus d’intrants pour être productif.
D’un autre côté, le risque est aussi sanitaire, que ce soit pour les consommateurs, les riverains et surtout les travailleurs des exploitations viticoles qui utilisent massivement ces pesticides. Pour les travailleurs viticoles, l’exposition aux pesticides a été liée à d’importantes pertes de capacités cognitives. L’agence nationale française de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), a ainsi publié un rapport nommé Phytoner en 2012, où elle présente les résultats d’une grande étude menée entre 1997 et 2009 sur les effets de l’exposition professionnelle aux pesticides chez les ouvriers viticoles girondins. Ses résultats ont démontré que les ouvriers viticoles exposés aux pesticides présentaient des performances altérées aux tests neurocomportementaux par rapport aux sujets témoins. Ces altérations toucheraient « les fonctions les plus fines de la cognition, qui permettent au cerveau de gérer les liens entre les informations entrantes et sortantes : attention, conceptualisation et attention contrôlée… « . Cette étude d’envergure se poursuit, notamment pour étudier l’apparition de maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson.
Plus récemment, une exposition potentielle a aussi été mise en lumière pour les enfants, notamment ceux allant dans des écoles proches de vignes traitées aux pesticides. L’équipe de Cash Investigation a prélevé et fait analyser les cheveux de 20 enfants de quatre écoles primaires girondines et les résultats ont comptabilisé jusqu’à 44 pesticides, autorisés ou non. Bien que l’on ne dispose pas de suffisamment d’informations pour dire si la méthode et l’analyse sont pertinentes, cela peut sembler préoccupant.
Il faut tout de même souligner les efforts qui ont été faits pour réduire les pesticides dans tous les produits agricoles, notamment au niveau européen : en 2008, l’Union Européenne a réduit de plus de la moitié le nombre de produits phytosanitaires autorisés (passant de 700 à 300). Pour ce qui est de la viticulture, toutes les dernières études démontrent que les résidus de pesticides sont en baisse dans les vins.
[box]Pour plus d’informations voir :
- Définition de l’agriculture biologique
- L’agriculture régénérative
- Agriculture bio et pesticides : qu’est-ce qui est autorisé ?[/box]
Les aspects moins connus de l’impact environnemental du vin
Bien que le problème des pesticides soit certainement le plus médiatique pour la viticulture, ce n’est la seule source de pollution de cette activité. En effet, certains aspects du travail de viticulteur, mais aussi la mise en bouteille ou le transport, font que le vin est encore une activité agricole relativement polluante.
Palissage et impact environnemental du vin
Une étude menée par le Journal of Cleaner Production (journal pluridisciplinaire spécialisé dans l’étude des méthodes de production industrielles et agricoles durables) a ainsi tenté de faire une approximation de l’impact environnemental du vin tout au long de sa chaîne de production (en réalisant une ACV, Analyse de Cycle de Vie). Résultats ? Contre toute attente, les chercheurs ont constaté que la fabrication du support sur lequel la vigne repose (constitué de pics de bois et de fil de fer) représente jusqu’à 50% de la toxicité induite par la vigne sur l’éco-système, à cause entre autre du traitement des poteaux de bois à l’aide d’arséniate de cuivre chromé, produit extrêmement toxique, et désormais interdit dans de nombreux Etats américains.
La bouteille et l’empreinte carbone du vin
La bouteille est également un gros poste de pollutions et d’émissions de gaz à effet de serre ! Une autre ACV menée sur les vins de Sardaigne montre que la fabrication de la bouteille et du bouchon étaient le plus gros poste de pollutions de la production viticole, notamment en termes d’émissions de CO2. Une autre étude menée sur un vin espagnol (un Rueda) montre par exemple que 46% de l’impact carbone de ce vin est due au packaging. Et pour les Champagnes, l’impact environnemental est encore plus important, puisque les bouteilles pèsent presque deux fois plus que les bouteilles de vin classique.
Vin, transport et environnement
A cela, il faut aussi ajouter l’impact environnemental du transport ! Lorsque l’on consomme un vin qui vient de l’autre bout du monde (du Chili ou d’Australie par exemple), cela peut faire grimper la facture carbone et donc le réchauffement climatique. Heureusement, la majorité des vins sont transportés par cargo, qui émet relativement peu de CO2 comparé au transport routier, ou pire aérien. Mais ce n’est tout de même pas négligeable.
Au total, les chercheurs ont estimé que chaque bouteille de vin représente entre 1.2 kg et 1.5 kg d’équivalent CO2 en plus dans l’atmosphère. C’est environ 200 g de CO2 dans l’atmosphère pour chaque verre de vin que vous dégustez ! Vous devriez rouler environ 2 km en voiture pour polluer autant !
Boire du vin, comme presque tout ce que l’on consomme n’est donc pas anodin pour l’environnement … Le vin est un produit dont la fabrication et la commercialisation ont un impact fort sur l’environnement. Heureusement, certains viticulteurs prennent en compte l’écologie, et le vin devient de plus en plus green. Les labels bio et biodynamie sont d’ailleurs en plein essor dans la viticulture, qui semble depuis quelques temps être de plus en plus concernée par son impact environnemental. Voir à ce sujet nos article : Le boom des certifications environnementales dans le vin et Vin bio, nature, biodynamique : comment choisir un vin plus écolo ?
[box]Sources :
- Observatoire des Pesticides, Usages et pratiques des pesticides, Consulté le 12/09/2016
- ANSES, Exposition des professionnels aux pesticides en agriculture, Rapport d’expertise collective, Juillet 2016
- La Revue des Vins de France, « Pesticides, les grands vins passés au crible », 2010
- Point, E., Tyedmers, P., and Naugler, C. 2012. Life cycle environmental impacts of wine production and consumption in Nova Scotia, Canada. Journal of Cleaner Production 27: 11-20.
- Matarromera, Carbon Footprint Audit, Consulté le 12/09/2016
- Fusi A, Guidetti R, Benedetto G, Delving into the environmental aspect of a Sardinian white wine: from partial to total life cycle assessment. Science of The Total Environment Volume 472, 15 February 2014[/box]