Et si vous profitiez des vacances pour en savoir plus sur la sensibilité des poulpes, notre avenir face à l’effondrement de la biodiversité ou la façon de mieux intégrer le non humain au travail ? C’est ce que l’on vous propose avec trois livres, essais ou fictions, parfois un peu des deux, qui ont en commun de nous faire réfléchir sur notre relation au vivant.
Travail : comment mieux collaborer avec le vivant ?
Des animaux qui travaillent aux côtés d’humains pour assurer la sécurité des populations, des terres que l’on assèche pour construire, des plantes que l’on cultive pour nous nourrir…Tous les jours, nous exploitons économiquement la nature mais avec quels retours ? Dans un essai pluridisciplinaire où se mêle la biologie, la philosophie, l’anthropologie, la sociologie, le droit ou les sciences de gestion, le sociologue des organisations Frantz Gault nous invite à repenser la nature au travail (natura laborata) et à lui « donner voix au chapitre en imaginant de nouvelles façons de gouverner ». En explorant les différentes pistes qui se font jour depuis plusieurs années pour mieux intégrer le non humain dans notre économie, il apporte une clarification intellectuelle et une méthodologie pragmatique à travers trois scénarios : la nature salariée, la nature partie prenante et la nature actionnaire. En les détaillant, il interroge notre anthropomorphisme et plus largement les fondements de la pensée occidentale selon laquelle l’Homme utilise et s’appuie sur la nature sans véritablement nouer de relations avec le monde vivant dans son ensemble.
Dans cet essai érudit et iconoclaste, l’auteur met en synergie les travaux de l’anthropologue Philippe Descola ou des juristes de l’environnement comme Marine Yzquierdo avec celui qu’il a longtemps mené auprès de différentes entreprises sur l’avenir du travail. Après Apocalypse Work où il postule que la crise écologique est en partie la conséquence de notre fanatisme pour le travail, son nouvel essai donne ainsi des pistes de réflexion et d’action pour créer un nouveau contrat social avec le non humain, un impensé pourtant indispensable à l’heure de l’anthropocène.
Approfondir avec notre article : Faut-il salarier la nature ?
De la fiction scientifique pour penser l’avenir du vivant
2046: six siècles après avoir semé la terreur dans les rues de la capitale, les loups sont revenus dans Paris. Mais cette fois, leur venue est anticipée pour faire cohabiter ces animaux sauvages avec les habitants, imagine la chercheuse en géographie et urbanisme Morgane Flégeau. Une vision plutôt optimiste de l’avenir qui détonne avec celle du spécialiste du droit de l’environnement et de l’aménagement, Philippe Billet, pour qui nos sens vont progressivement s’éteindre face à l’extinction du vivant. A travers douze nouvelles qui se dévorent en quelques heures, treize scientifiques nous invitent à explorer les relations entre l’humanité et son environnement au sens large à travers les époques passées et à venir. Toutes sont liées par un fil rouge : la passion de Sécotine Fluet, une scientifique qui se bat inlassablement pour rétablir un équilibre harmonieux entre notre espèce et l’ensemble du vivant.
La fiction, appuyée par la rigueur scientifique, nous permet de nous plonger plus facilement dans les différentes facettes des problématiques qui entourent l’effondrement de la biodiversité : le point de vue de l’animal ; la dépossession des savoirs autochtones, l’appropriation du vivant pour nos propres intérêts (économiques, sanitaires…) jusqu’à épuisement, la cohabitation avec le « sauvage », la remise en question de la notion de progrès et ses conséquences environnementales et sociales…Si la vision de l’avenir de ces scientifiques est rarement rose, tous montrent qu’il s’agit avant tout d’une question de choix collectif et politique.
Biodiversité : No(s) futur(es), une odyssée spatio-temporelle pour un futur durable, par un collectif de douze scientifiques (Hélène Soubelet, Agnès Hallosserie, Bernard Commère, Marilda Dhaskali…) travaillant ou ayant travaillé pour la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, éditions Utopia, 2024, 197 pages, 10 €.
Ames animales
Savez-vous que les animaux ont une âme d’artiste ? Que les wombats ont une spiritualité qui se manifeste dans des constructions cosmologiques à partir de leurs fèces cubiques ? Que les araignées tentent de communiquer avec nous et que les poulpes nous alertent en vain sur nos pratiques délétères (surpêche et pollution) qui les empêchent de se réincarner dans d’autres individus de leur espèce ? Et si les autres espèces n’étaient finalement pas si différentes de nous ? Et si, par orgueil et une utilisation erronée de la science, nous nous étions trompé de voie sur la connaissance de la faune et de la flore ?
En convoquant philosophie, science et fiction, Vinciane Despret nous embarque dans un voyage littéraire et poétique de l’autre côté du miroir: celui des autres espèces…qui ont tellement de choses à nous apprendre. Une fiction hybride qui nous fait vivre des expérimentations aussi audacieuses qu’enthousiasmantes, à emporter sans faute dans ses bagages.
Autobiographie d’un poulpe et autres récits d’anticipation, Vinciane Despret, Actes Sud, 2021, 147 pages, 20 €. A compléter avec l’essai Un monde immense : comment les animaux perçoivent le monde, du journaliste scientifique Ed Young, Les liens qui libèrent, 2024.
Illustration : cottonbro studio