A l’heure de l’IA générative et de la surconnexion, on profite des vacances d’été pour zapper les écrans et se plonger dans des livres ou BD de SF qui nous font réfléchir sur notre rapport à la technologie…et la nature de l’humanité. 

Communication avec l’au-delà

En 1967, alors que la révolution culturelle bat son plein en Chine, la scientifique Ye Wenjie intègre la base militaire secrète et isolée de Côte Rouge. Ye Wenjie, qui avait été recrutée pour le développement d’une arme de grand calibre, se rend compte lors de sa résidence que sa mission est tout autre. Elle participe en fait à la première communication avec l’espace. 

Le problème à trois corps est le premier tome de la trilogie écrite par l’auteur chinois de science-fiction Liu Cixin. La série, mainte fois récompensée, raconte l’histoire de l’Humanité face à une menace sans précédent. Elle, qui se pensait comme l’espèce unique dans cet univers, n’est finalement qu’une colonie de fourmis, presque insignifiantes aux yeux des grands prédateurs. Liu Cixin dévoile ainsi l’entrée des sociétés humaines dans la cour des grands ainsi que les défis techniques et sociaux que cette ouverture à l’Univers implique. Un voyage de plusieurs millénaires qui questionne la place de l’Humanité dans ce monde, et les conflits éthiques et moraux que la technologie et la technique engendrent. 

Plusieurs adaptations de l’œuvre de Liu Cixin sont disponibles, « Trois corps » diffusée en 2023 et réalisée par l’entreprise chinoise Tencent Video (disponible gratuitement sur Rakuten Viki), et l’adaptation de Netflix plus récente de 2024, « Le problème à 3 corps ».

Le problème à trois corps, Liu Cixin, Actes Sud, 2016, 432 pages, 23 €

A l’heure de l’IA, quelle place pour l’humanité ? 

En 2046, les chercheurs de la Tomorrow foundation créent deux androïdes, Carbone et silicium, nourris par l’ensemble des connaissances du réseau numérique. Prototypes d’une nouvelle génération de robots sensibles, destinés notamment à pallier le déficit d’aidants auprès d’une population vieillissante, ils vont comme toutes « créatures » aller bien au-delà des attendus de leurs créateurs…

En traitant de la technologie, de l’intelligence artificielle ou de transhumanisme du point de vue de la « machine », Mathieu Blabet nous plonge en réalité dans une réflexion sur la place de l’être humain dans la société, sa gestion collective de la planète et de sa propre pérennité, mais aussi ce qui définit sa spécificité en tant qu’espèce, la place des émotions, du corps et de l’individualité. Un roman graphique fleuve et foisonnant, à dévorer.

Carbone et silicium, Mathieu Bablet, éditions Ankama, 2020? 272 pages, 23,90 €

A quoi doit nous servir la technologie ? 

Après plus d’une centaine d’années de voyage interstellaire, le Homeward, vient d’atterrir sur la Terre. L’équipage s’attend à trouver une planète dominatrice, où la technologie est reine. Mais au milieu du deuxième millénaire, la société travaille la terre comme au début du XXème siècle, l’autogestion prime au sein de petites communautés où le moteur de chacun semble être l’épanouissement individuel et collectif. Pourquoi et comment cette civilisation qui était pourtant sur la voie du progrès scientifique n’est-elle pas plus « avancée » se demande l’équipage ?

Ecrit en 1955, ce petit livre d’une centaine de pages ne vaut pas pour sa qualité littéraire mais le questionnement très actuel qu’il pose sur la place de la technologie et notre vision du « progrès » et surtout pour ses pistes de réponse. Un roman de science-fiction qui sort aussi du champ rebattu de la dystopie et qui fait figure, avec Ecotopia, de livre incontournable pour penser un futur soutenable.  

La vague montante, Marion Zimmer Bradley, le passager clandestin, 2019, 144 pages, 10 €.

Et si la révolution verte avait eu lieu ?

XXIIème siècle à Paris. Point de taxis volants mais des calèches cahotant dans la boue, pas d’objets connectés mais des « révélateurs » qui scrutent nos faits et gestes pour calculer notre empreinte carbone en temps réel (et agir en conséquence sur notre compte en banque), plus vraiment d’Etats mais un système global contrôlé par une créature mi femme-mi IA. Au XXIIème siècle, notre inconséquence a donné lieu à une révolution verte où les low techs côtoient les technologies de pointe sur fond de dictature. Pouvait-il en aller autrement face à la dévastation du vivant entraînée par notre consommation effrénée des siècles précédents ? Mais la révolte gronde. Les « humanistes » veulent reprendre le contrôle d’une planète où ils ne sont désormais qu’une espèce parmi d’autres. Les privations imposées sont-elles d’ailleurs si nécessaires puisque le GIEC (dans sa version du XXIIème siècle) lui-même le proclame : le vivant commence à se régénérer ?

Sous forme d’épopée d’anticipation, Sébastien Garnier offre un roman où le blanc & le noir est supplanté par des nuances de gris (sombres). Il y livre une réflexion intéressante sur notre avenir économique, social et démocratique à l’heure de l’urgence écologique.

Le dernier soulèvement, Sébastien Garnier, IGB anticipation, 2023, 403 pages, 19 €.

Illustration générée par DALL.E