Publié le 13 avril 2023
Le label ISR (Investissement Socialement Responsable) est-il une garantie pour des fonds plus verts, ou meilleurs pour le climat ? Pas forcément, d’après la Banque de France.
Dans le monde complexe de la finance responsable, il existe de nombreux labels qui offrent des garanties très variables en termes d’impact environnemental et social. Parmi les plus connu, le label ISR pour Investissement Socialement Responsable, un label créé par le Ministère de l’Économie. Sa promesse : permettre « des placements durables et responsables ».
Mais les fonds labellisés ISR sont-ils réellement plus verts que les autres ? Pas tellement, d’après une note de la Banque de France, qui a analysé l’impact de ces fonds sur le climat par rapport aux fonds non-labellisés.
Les fonds ISR : à peine meilleurs pour le climat
En étudiant l’intensité carbone des actifs des fonds labellisés ISR et en les comparant à ceux des fonds non labellisés, on peut avoir une idée de l’intérêt climatique des fonds ISR. Que constate-t-on ? En moyenne, l’intensité carbone des portefeuilles labellisés ISR est 14% plus faible que les actifs non labellisés sur les scopes 1 et 2. Certes, pour avoir une idée vraiment précise de l’impact carbone des fonds, il faudrait les analyser au niveau du scope 3, qui recoupe les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de la chaîne de valeurs.
Ces données n’étant pas disponibles dans l’étude mise en lumière par la Banque de France, on se contentera de ce chiffre de 14% sur le scope 1-2, qui montre que les fonds ISR sont légèrement plus performants sur le plan climatique que les fonds non-labellisés. Mais alors, cela prouve-t-il que les fonds ISR sont « verts » ou « bons pour le climat » ? Pas forcément. Car faire un peu mieux que la moyenne des fonds financiers est très loin d’être suffisant pour pouvoir prétendre avoir un impact positif sur le climat. En réalité, la particularité des fonds ISR, c’est qu’ils évitent les 10% des actifs les plus polluants. En dehors de ces actifs particuliers, l’intensité carbone des fonds ISR est assez similaire à celle des fonds non labellisés.
Dans 47% des cas, les fonds ISR moins verts que les fonds classiques
Les chiffres publiés par la Banque de France montrent par ailleurs que dans certains cas, les fonds labellisés ISR sont même moins performants sur le plan climatique que les fonds classiques. La Banque de France précise ainsi que si l’on compare au hasard un fond labellisé et un fond sans label, « il y a 47 % de risque que le fonds labellisé soit « moins vert » que celui non labellisé ».
Cela montre que le label ISR n’offre pas de garantie à l’investisseur que les fonds soient réellement plus positifs du point de vue climatique. On pouvait s’y attendre, car le label ISR n’a pas pour vocation de sélectionner des fonds selon le critère climatique, mais impose plutôt aux fonds d’investissement de respecter un certain nombre de méthodologies d’évaluation et de sélection sur des critères ESG globaux. Dans le label ISR, il n’y a pas des critères d’exclusion ou des critères ESG stricto-sensu, et on peut donc y retrouver tous types d’investissements, y compris des investissements dans les énergies fossiles.
Voir aussi : Neutralité carbone et greenwashing
Quel avenir pour un label ISR peu contraignant ?
Cette approche peu contraignante a eu l’avantage, ces dernières années, de permettre le développement rapide du label ISR, qui était, fin 2022, le premier label européen en nombre de fonds et en volume d’encours. Point positif : cela veut dire qu’un nombre croissant de fonds ont mis en place des méthodologies d’évaluation et de sélection d’actifs sur des critères ESG.
Mais les données de la Banque de France invitent aussi à se questionner sur la pertinence d’une approche très laxiste de la labellisation financière. Alors que le label donne l’impression qu’il permet des placements durables, la réalité montre que ce n’est pas nécessairement le cas dans la pratique, et cela pourrait accentuer encore le fou qui entoure le monde de la finance responsable.
L’AMF réclamait d’ailleurs que les exigences du label ISR soient renforcées, et que soient inclues dans les critères de sélections des mécaniques d’exclusion sectorielles plus clairement définis. Pour l’heure, le sujet est en discussion : les gestionnaires du label ont proposé des orientations pour une réforme du label ISR, qui pourrait inclure ces mécanismes. On en saura plus dans les mois à venir.
Photo de micheile henderson sur Unsplash
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