Alors que les directions de l’engagement se multiplient dans les entreprises, mêlant RSE et mécénat, quelles sont les bonnes pratiques à adopter pour faire converger les deux politiques au service de la transformation durable de l’entreprise sans verser dans le greenwashing ou la confusion des genres ? L’Open Lab s’est penché sur le sujet. 

Après avoir évolué en parallèle, les démarches de mécénat et de RSE commencent à se rapprocher, notamment par le biais de directions de l’engagement dont le nombre explose ces dernières années, selon le baromètre Carenews/KPMG. On voit aussi de nouvelles initiatives hybrides émerger comme le dividende social mis en place par la Maif ou le Crédit Mutuel et où une partie du résultat net de l’entreprise est consacré à un fonds pour la transition écologique et sociale. Et 29% des entreprises mécènes interrogées dans le dernier baromètre du mécénat d’entreprise Admical/IFOP (2022) disent vouloir orienter leur action philanthropique dans un domaine lié à leur secteur d’activité. 

Pour autant, cette convergence n’est pas sans poser de question. Le mécénat est en effet censé financer des actions désintéressées qui bénéficient à la société, sans lien direct avec l’entreprise quand la RSE est liée à des engagements et actions liés aux impacts propres des activités core business de l’entreprise sur l’environnement ou la société. Dès lors, le risque, en mêlant les deux, est notamment de verser dans la confusion des genres voire le greenwashing. 

C’est pour éviter ce type de « confusions » et « poser les bases d’une articulation du mécénat et de la RSE  respectueuse du cadre légal, fiscal et déontologique », que plusieurs acteurs du secteur de la philanthropie – Admical, en partenariat avec Equanity, la Fondation de France et le Palais de Tokyo- ont créé l’Open Lab. Après avoir auditionné une trentaine de personnalités, celui-ci vient de sortir son premier rapport. Il donne les bonnes pratiques et les barrières à ne pas franchir pour opérer des synergies entre mécénat et RSE. 

Les do et don’t de la synergie RSE & philanthropie

Le mécénat ne peut pas compenser une action RSE déficiente

De nombreuses questions ont agité les différents groupes de travail répartis entre les décideurs des fonds (entreprises), bénéficiaires et opérateurs (associations). « Comment faire pour trouver la juste place entre ces deux dimensions ? Quelles sont les lignes rouges à ne pas franchir ? Comment faire pour articuler les KPI du mécénat et ceux de la RSE », soulevait Sarah Huisman-Coridian, l’animatrice du groupe « décideurs » et présidente d’Equanity lors de la restitution du rapport à l’occasion du Sommet sur la mesure d’impact. 

Les actions de mécénat peuvent être alignées avec les impacts majeurs de l’entreprise à la suite de l’analyse de matérialité. Dans ce cas, « le mécénat peut prolonger les actions RSE et les deux équipes se nourrir l’une l’autre des enseignements et du réseau tissé », souligne Gaëlle Cheriaux, Responsable RSO au centre des Musées nationaux et animatrice du groupe opérateur. Mais trouver le juste équilibre n’est pas forcément évident. Pour EDF par exemple, « des recouvrements me semblent possibles dans le domaine de l’égalité des chances, de l’accès à l’emploi, car c’est un territoire légitime pour une entreprise dans laquelle l’engagement RSE peut venir maximiser l’effet de ses actions dans le domaine du mécénat » mais pas « dans le domaine de l’environnement (gestion de l’eau, pollutions, carbone, etc.) et celui de la précarité énergétique », trop proches des activités de l’entreprise, témoigne Alexandre Perra, délégué général de la fondation EDF dans le rapport.

La définition d’une « muraille de Chine » doit ainsi être définie en collaboration avec les différentes directions. « L’une des lignes rouges est que le mécénat ne peut pas compenser une RSE déficiente par exemple en plantant des arbres alors que l’entreprise a déforesté des hectares de forêts », précise Sarah Huisman-Coridian. 

Pour valider la stratégie de mécénat, l’Open lab imagine aussi un « say on responsibility/philantropy » sur le modèle du say on climate. « Cette dynamique engagerait la responsabilité sociétale des actionnaires vis-à-vis des choix des dirigeants et pousserait ces derniers à considérer le mécénat comme un élément essentiel de leur pérennité dans l’entreprise », souligne le rapport. 

L’engagement de l’entreprise, peu visible auprès des salariés. 

4 salariés sur 10 ne sont pas en mesure de dire si leur entreprise est engagée dans une démarche de mécénat ou de RSE, selon le sondage Ifop réalisé à l’occasion du rapport. 32% seulement disent avoir connaissance d’une démarche de RSE et 13% d’une démarche de mécénat. Les plus jeunes [moins de 35 ans) et les personnes avec des responsabilités d’encadrement sont cependant plus attentifs aux engagements des entreprises et sont plus enclins à vouloir y participer (46%), souligne un sondage Ifop pour l’Open Lab, réalisé auprès d’un échantillon de 1 000 salariés du privé et d’entreprises publiques, représentatif de la population salariée des secteurs privé et public.

Illustration : Canva