Planter des arbres dans les déserts pour lutter contre le réchauffement climatique ? Une idée défendue depuis des années, mais qui pourrait s’avérer très peu efficace, selon une étude israélienne.
Face au réchauffement climatique, la plantation d’arbres, ou la reforestation, est souvent présentée comme une solution de premier plan. L’idée : planter des arbres par millions, afin qu’ils absorbent le CO2 excédentaire présent dans l’atmosphère pour leur croissance.
Localement, certains proposent même de planter des arbres dans les zones arides ou désertiques, pour faire d’une pierre deux coups. À la fois capter du CO2 et lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi transformer des zones naturelles désertiques en zones plus vertes, donc plus utiles aux sociétés humaines.
Pourtant, planter des arbres dans le désert pourrait finalement être une fausse bonne idée face au réchauffement climatique. C’est en tout cas ce que conclue une étude menée par deux universités israéliennes et publiée dans la revue Science. En cause : l’effet de la végétation sur l’albédo.
Reboiser les déserts : quel potentiel face au réchauffement climatique ?
Les chercheurs ont voulu étudier le potentiel d’atténuation du réchauffement climatique qui pourrait être atteint en plantant des arbres dans des zones désertiques. À l’aide de données satellites, ils ont quantifié les zones désertiques dans lesquelles il serait possible de planter des arbres de façon soutenable (c’est-à-dire les zones où les arbres seraient susceptibles de survivre). À partir de ces données, ils ont pu estimer quelle quantité de gaz à effet de serre serait stockée si l’on plantait des arbres dans les zones désertiques.
Au premier abord, les résultats sont encourageants. Sur Terre, près de 448 millions d’hectares de zones arides pourraient être « afforestées » avec différentes espèces d’arbres. Ce faisant, on pourrait absorber environ 32 milliards de tonnes de CO2 sur une période de 80 ans. Pourtant, les chercheurs estiment que ce potentiel d’absorption aurait en fait peu d’impact en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Pourquoi ? Tout simplement car ce carbone absorbé serait en grande partie compensé par la hausse des températures engendrées par la présence des arbres.
Planter des arbres, absorber plus de chaleur
Cela peut en effet paraître contre-intuitif, mais dans certaines situations, la présence de végétaux peut faire augmenter la température localement, à cause d’une modification de l’albédo. L’albédo, c’est en quelque sorte la capacité d’une surface à réfléchir l’énergie (la lumière, la chaleur). Plus une surface réfléchit la chaleur, moins elle l’absorbe, et inversement. C’est ce que l’on observe avec les revêtements des bâtiments : un revêtement sombre, noir par exemple, réfléchit moins la chaleur, il l’absorbe plus, qu’un revêtement blanc. En conséquence, il fait souvent plus chaud autour des surfaces sombres.
C’est la même chose avec les végétaux. Si l’on remplace une surface claire, avec un fort pouvoir réfléchissant, par une surface plus sombre, on augmente la quantité de chaleur absorbée par l’écosystème, et donc, les températures augmentent localement. Or, la plupart des zones arides et des déserts sont claires, et réfléchissent donc beaucoup la chaleur. En plantant des arbres (généralement de couleur sombre) sur ces surfaces, on augmente donc la quantité de chaleur absorbée par la Terre.
Un effet minime sur le climat, des écosystèmes transformés
C’est cet effet que les chercheurs ont voulu mesurer. Ils ont donc mis en place des simulations permettant d’estimer comment l’albédo serait modifié si l’on plantait des arbres dans les zones désertiques, en fonction des espèces d’arbres, des types de sols, etc.
Selon leurs estimations, la chaleur supplémentaire absorbée par les écosystèmes si l’on plantait des arbres dans les déserts serait très significative. L’équivalent d’environ 2/3 des émissions de gaz absorbées par les arbres seraient ainsi « compensées » par la hausse de chaleur, soit 22 milliards de tonnes sur 32.
Si l’on plantait des arbres dans toutes les zones désertiques identifiées, le bénéfice en termes d’émissions nettes équivalentes ne serait que de 1% des émissions globales sur la période. Un effet minime sur le climat, donc, mais un effet potentiellement gigantesque sur les écosystèmes mondiaux. Les déserts abritent en effet une biodiversité unique, et leur existence impacte les écosystèmes voisins en régulant certains flux et cycles naturels (eau, vents, etc…). Les transformer pourrait donc avoir des conséquences importantes et imprévisibles sur le reste des écosystèmes mondiaux.
L’illusion du miracle de la reforestation
Cette étude est une nouvelle illustration du fait qu’il ne faut pas tout miser sur des solutions miracles clé en main comme la reforestation ou la compensation carbone. Planter des arbres, reforester, restaurer les écosystèmes naturels sont autant de potentielles solutions pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique. Mais ces solutions sont très partielles et parfois plus complexes qu’on ne le pense : on savait déjà que la reforestation perturbait le cycle de l’eau, on sait désormais qu’elle modifie aussi l’albédo. On ne sauvera pas le climat en plantant des arbres, mais bien en réduisant à la source nos émissions de CO2 dans les secteurs qui en génèrent le plus (transports, production d’énergie, production alimentaire).
Surtout, cette étude illustre encore la complexité des interventions humaines sur la nature. La reforestation est une problématique aux enjeux pluriels, à la fois climatiques, écosystémiques, économiques, sociaux. Avant de mettre en oeuvre des programmes de plantation d’arbres, il convient donc de prendre en compte l’ensemble de ces dimensions pour éviter les dérives et les dysfonctionnements.
Voir aussi : Entreprises : arrêtez de planter des arbres !