Le gouvernement a lancé, ce jeudi 27 mai, la plateforme Impact qui permet aux entreprises d’informer sur leur durabilité. Anticiper la réglementation européenne, objectif de transparence : décryptons ce nouvel outil.

Nous vous en parlions récemment : la Commission européenne a décidé de réformer le reporting extra financier. Cette réforme prévoit la mise en place de critères communs à toutes les entreprises ce qui permettrait de comparer leur performance extra-financière. A partir de janvier 2023, 49 000 entreprises dans tout l’Union Européenne devront présenter ce rapport extra-financier. Pour anticiper cette nouvelle réglementation, le gouvernement a lancé ce jeudi 27 mai la plateforme Impact qui collecte et publie les données ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance) de toute entreprise volontaire, de la PME au CAC40. Olivia Grégoire, la Secrétaire d’Etat chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable est responsable de ce projet. Elle justifie ainsi la création de la plateforme : “L’entreprise ne peut maîtriser que ce qu’elle peut mesurer précisément et elle a tout à gagner à la transparence”. 

En savoir plus : Plateforme Impact, c’est quoi ?

En quoi consiste la plateforme Impact du gouvernement ?

La plateforme en ligne propose 47 indicateurs concernant l’environnement (bilan carbone, consommation d’énergie, gestion des déchets, impact sur la biodiversité…), le social (bien être des salariés, parité, équité des salaires, accessibilité…) et la gouvernance (activité RSE, labels, raison d’être…). Actuellement, 133 entreprises ont rejoint la plateforme et 67 ont renseigné leurs données ESG. Les entreprises complètent tout ou partie des indicateurs et peuvent également en proposer de nouveaux. La plateforme met également à disposition des ressources leur permettant d’améliorer leurs connaissances en matière d’ESG et d’évaluer leurs pratiques. 

Un objectif de transparence

Les données collectées seront ensuite rendues publiques en open data. Elles seront accessibles à tous ceux qui le souhaitent (citoyens, ONG, investisseurs, médias…). “Je crois sincèrement que la mère de toutes les batailles, c’est l’accès à l’information”, confirme Olivia Grégoire. L’information est essentielle, non seulement pour les citoyens qui pourront ainsi faire des choix éclairés mais aussi pour les entreprises. La plateforme Impact se veut, en effet, un espace d’échange sur les bonnes pratiques et d’inspiration pour les entreprises. 

Le gouvernement rendra public l’ensemble des indicateurs renseignés par les entreprises, dans les semaines à venir. La plateforme sera également améliorée avec la publication de ressources supplémentaires, la possibilité de publier des indicateurs pré-remplis à partir des données dont dispose déjà l’administration, la possibilité pour les entreprises de publier des informations sectorielles ou individuelles, ou encore la mise à disposition d’un tableau de bord personnalisé de la performance extra-financière. 

Quelles perspectives pour la plateforme Impact ?

Anticiper la réglementation européenne

La page d’accueil du site de la plateforme proclame cet objectif : anticiper l’évolution de la réglementation européenne en matière de reporting extra-financier. C’est une intention louable puisque dès janvier 2023, près de 50 000 entreprises européennes seront tenues de publier leurs informations en matière de durabilité. Cependant, les normes en matière de reporting extra-financier n’ont pas encore été définies par la Commission européenne et ne seront adoptées que d’ici à octobre 2022 (voir p.11 de cette note à la Commission Européenne). Le site de la plateforme Impact précise d’ailleurs que l’équipe affinera les méthodologies de calcul des indicateurs, dans les prochains mois, en accord avec les travaux européens. Plutôt que d’anticiper, il y a donc le risque que les entreprises se retrouvent à devoir renseigner deux fois leurs données ESG selon des critères et des méthodologies différentes. 

Une démarche basée sur la confiance et le volontariat

La plateforme Impact se base sur un principe de confiance. Ainsi, l’administration ne contrôlera pas les informations renseignées par les entreprises. La publication des indicateurs ne donnera pas non plus lieu à l’attribution d’un score par les services gouvernementaux. Il n’y a donc pas de vérification par un tiers ni de notation harmonisée permettant de comparer les politiques RSE… Il sera alors difficile pour le citoyen de s’y retrouver. A moins que les ONG ne se chargent elles-mêmes de faire le tri dans les informations de la plateforme.

Finalement, il n’y a pas, non plus, de garantie que la publication de toutes ces données ESG débouche sur une véritable transformation des entreprises puisque la démarche dépend uniquement du volontariat.

La biodiversité : éternelle oubliée 

Un rapide regard sur les critères pour l’instant disponible fait ressortir l’absence d’indicateurs en lien avec la biodiversité. Si le climat bénéficie de 6 critères spécifiques (émissions de gaz à effet de serre, Scope 1,2 et 3, consommation d’énergie…), la biodiversité ne dispose que d’un indicateur : “activités ayant un impact négatif sur la biodiversité des zones sensibles”. Le terme “zone sensible” est d’ailleurs assez peu précis. S’agit-il seulement des réserves naturelles ou est-ce que cela prend également en compte les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux ? Il manquerait, par exemple, des indicateurs sur l’artificialisation des sols, la perte de biodiversité dans les zones d’activité de l’entreprise, la perturbation des processus écologiques…

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