Pour cet épisode de Triple A, Camille Morel, chercheuse en relations internationales associée à l’Institut d’études de stratégie et de défense (IESD) de l’université Jean Moulin Lyon III et au Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM) et autrice de l’ouvrage Les câbles sous-marins publié en 2023 aux éditions du CNRS nous explique la position stratégique des câbles sous-marins et les risques géopolitiques et naturels auxquels ils sont vulnérables.
Près de 500 câbles reposent au fond des océans. Malgré une grande discrétion dans l’espace public, ce réseau de 1,4 million de kilomètres est d’une importance capitale pour les États, les citoyens et les entreprises. Au-delà de l’aspect informationnel – 98% du trafic Internet transite par les câbles sous-marins, les câbles sont indispensables pour le contrôle d’infrastructures vitales, barrages, centrales électriques, usines d’eau potable, « dont le système de gestion est automatisé », souligne un article de Camille Valero pour l’Institut supérieur d’économie maritime Nantes – Saint-Nazaire (Isemar).
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Les sujets abordés dans le podcast
- 00:49 – Pourquoi les câbles sous-marins sont-ils si stratégiques ?
- 01:31 – À quels risques les câbles sous-marins sont-ils vulnérables ?
- 03:59 – Quelles sont les conséquences du changement climatique sur ces infrastructures ?
- 05:51 – Que font les acteurs du milieu pour réduire leur empreinte environnementale ?
- 08:41 – Existe-t-il des alternatives aux câbles sous-marins ?
- 09:31 – La législation peut-elle protéger les fonds marins sur ces sujets ?
- 10:49 – Quelle est la place des géants du numérique dans ce secteur ?
- 13:36 – Les câbles sous-marins, un levier pour réduire l’empreinte du numérique ?
- 15:15 – Quelles sont les prévisions d’évolution du secteur ?
- 16:50 – Qu’en est-il de la stratégie européenne pour les câbles sous-marins ?
Les câbles sous-marins, des infrastructures à risque
Il y aurait chaque année une centaine de pannes par an, comme l’explique la note de l’Isemar, dues à des ancres de navires, des filets de chaluts, des tremblements de terre et glissements de terrain sous-marins, qui représentent 70% des dommages. 30% des pannes seraient cependant inexplicables : ce sont « des coupures qui seraient volontaires, ou dont on n’a pas déterminé l’origine », précise Camille Morel lors d’un échange à l’occasion de l’édition 2024 des conférences USI (Unexpected sources of inspiration). En d’autres termes, des décisions politiques prises par certains États pour isoler des régions du globe, ou bien des sabotages résultant d’un conflit armée ou d’une crise politique.
Les conséquences d’une panne du réseau peuvent être catastrophiques pour un pays ou une région qui dépendent entre autres de la capacité de la région à pouvoir dévier le trafic sur de nouveaux câbles, mais également du niveau de numérisation de la population concernée. « À titre d’illustration, à Mayotte, en octobre 2018, une interruption du trafic sur le câble Lion 2 reliant le Kenya à Madagascar a provoqué un ralentissement de l’activité numérique sur l’île, ainsi que des difficultés bancaires », précise l’ouvrage de Camille Morel.
Des infrastructures sensibles au changement climatique
Cachés au fond des océans, il pourrait paraître étonnant que le changement climatique ait de quelconques conséquences sur les câbles sous-marins. Et pourtant, c’est un risque bien réel. L’élévation du niveau de la mer, l’érosion des côtes et les submersion sont les premières menaces identifiées lorsqu’on parle de risques liés au changement climatique.
En savoir + : Comprendre le changement climatique
Si les câbles eux, sont bien immergés, ils rejoignent un réseau d’infrastructures terrestres (centres de données, points de présence opérateur, stations de câble, équipements d’alimentation électrique…) vulnérables en cas d’augmentation de ces phénomènes climatiques extrêmes.
Un deuxième effet, moins évident et encore hypothétique, concerne les mouvements des fonds marins, « si les effets des tempêtes et ouragans sont souvent anticipés sur terre, leurs conséquences sur la stabilité des fonds marins, et notamment sur le plateau, continental, le sont moins », explique Camille Morel. Or, « ces éléments naturels pourraient, sur le long terme, exposer davantage les câbles à l’abrasion et aux suspensions, ainsi qu’aux glissements de terrain sous-marins et courants de turbidité« .
Les câbles sous-marins, Camille Morel, CNRS Éditions, 2023, p. 200, 10€.