Chaque semaine, Youmatter revient sur l’actualité RSE en chiffres. Aujourd’hui, on se penche sur les difficultés liées à la gestion des données dans le cadre de la CSRD. 70% des entreprises interrogées dans une étude Tennaxia-Traace disent ainsi leurs inquiétudes sur le processus de collecte de données.

La CSRD, levier de transformation de l’entreprise ? Certainement, mais à court terme, les entreprises concernées doivent encore lever quelques freins pour en faire un outil au service de la stratégie écologique et sociale. C’est ce que montre l’étude Tennaxia-Traace en partenariat avec LCL et Bpifrance sur la CSRD. Celle-ci a obtenu les réponses de plus de 200 responsables RSE ou DAF en charge du reporting de durabilité dans leur entreprise. 

Parmi ces freins: la gestion des données, qui apparaît essentielle. D’abord en termes de collecte. « Alors que la collecte de données, en masse, peut prendre des mois », selon le co-fondateur de TRAACE, Thomas Guyot, plus d’un tiers (36%) des entreprises interrogées admettent ainsi ne pas encore localiser l’intégralité des données nécessaires à leur reporting CSRD. Certes, c’est le cas pour seulement 7% des entreprises concernées dès 2025 (sachant que l’audit porte sur l’exercice 2024), mais cela montre que « malgré les progrès réalisés, la gestion des données ESG reste un défi majeur », selon les porteurs du rapport. 

Si les données sur le carbone sont aujourd’hui plutôt bien appréhendées et sur un scope de plus en plus large (91% des entreprises interrogées ont entamé la mesure du scope 3 contre 55% en 2019), c’est beaucoup moins le cas sur les données sociales de la chaîne d’approvisionnement. De fait, même si son implication commence à émerger, la direction des achats est jusqu’alors restée trop en retrait de la CSRD alors qu’elle détient de nombreuses données…

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CSRD : 70% des entreprises expriment des inquiétudes sur leur processus de collecte de données

Par ailleurs, les outils de gestion de la donnée restent très hétérogènes et doivent surtout gagner en fiabilité. 35% des entreprises stockent leurs données sur Excel, 28% dans des systèmes d’information (de type SIRH -gestion du personnel d’une entreprise) et 17% dans des logiciels ERP (ex: Oracle, SAP, SAGE…). Mais encore 5% des entreprises déclarent utiliser des documents papier ! 

Il y un vrai problème de gouvernance des données, un sujet pourtant « clé car une bonne gestion des données ESG n’est pas seulement une obligation légale, mais aussi un avantage compétitif », soulignait ainsi Solène Garcin-Charcosset, directrice business line de Tennaxia, lors de la présentation de l’étude à Produrable. 67% des entreprises n’ont pas mis en place de gouvernance de la donnée ou ne prévoient pas de le faire. « On ne sait donc pas qui est responsable, qui collecte, qui valide la donnée », s’alarme-t-elle. C’est d’autant plus inquiétant que parmi les entreprises concernées en 2025 et qui n’envisagent pas de mettre en place une solution logicielle (13%), la moitié déclare ne pas avoir confiance dans la fiabilité de leurs données…

La collecte et la structuration des données est ainsi identifiée comme le « principal défi » de Delpharm, une entreprise pharmaceutique concernée à partir de l’exercice 2026. « A l’exception du domaine financier, il n’y a pas une grande culture de reporting, malgré nos 6500 employés répartis sur 19 sites. L’important va être de suivre des définitions claires pour éviter les incohérences », témoigne l’entreprise. 

La fiabilité des données et leur traçabilité seront pourtant au cœur des audits par les commissaires aux comptes (CAC) ou Organismes Tiers Indépendants (OTI), qui doivent certifier le reporting de durabilité nouvelle génération. Pour l’instant, seules 14% des entreprises répondantes envisagent de se faire auditer par un OTI, la plupart choisissant de faire appel au même commissaire aux comptes que pour leurs données financières. 

Les banques, investisseurs et donneurs d’ordres/clients se disent également en attente de données précises pour pouvoir affiner les taux de prêts, leur analyse de portefeuille ou certifier leur processus RSE (B corp, Ecovadis…). 89% des entreprises devront ainsi partager ces données dans d’autres cadres réglementaires que la CSRD. Bref, il va falloir s’y mettre !

Illustration : Canva

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