Un sondage de plusieurs grandes université anglaises affirme que c’est en passant par des politiques centrées sur le climat et l’écologie que l’on relancera le mieux les économies frappées par la crise du Covid-19.

Alors qu’un peu partout en Europe les débuts du déconfinement commencent à arriver, beaucoup se demandent à quoi ressemblera la suite. S’il faut continuer activement à lutter contre l’épidémie, il va aussi falloir, tôt ou tard, se préoccuper de la situation économique dégradée dans de nombreux pays.

En effet, face aux difficultés économiques engendrées par le confinement, on risque de voir augmenter à la fois le taux de chômage, le taux de faillite des entreprises, la dette publique, et peut-être l’inflation. Mais alors, comment faire pour retrouver une situation économique favorable sans tomber dans une relance économique effrénée qui dégraderait l’environnement ? Comment penser une reprise sociale et écologique ? Ce sont les questions qui seront bientôt sur toutes les lèvres.

Et selon une étude menée par plusieurs grandes universités anglaises (Oxford, Columbia, Cambridge, London School of Economics), une relance centrée sur des programmes d’investissements écologiques pourrait être la solution.

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Un sondage mené auprès de responsables économiques internationaux

L’étude est en fait plus précisément un sondage, mené auprès de plus de 200 grands responsables économiques, issus de banques centrales, de ministères des finances ou de grands organismes économiques dans les pays du G20.

Les chercheurs leur ont proposé d’analyser l’impact de différentes mesures fiscales et économiques susceptibles de relancer la croissance économique après le Covid-19. Certains de ces outils peuvent être considérés comme « propres » ou « verts » (soutien aux technologies décarbonées, éco-construction ou éco-conception, investissement dans la recherche et développement à visée écologique) ou plus conventionnels, avec le soutien aux industries classiques et polluantes (trafic aérien et automobile, énergies fossiles…). Les chercheurs ont demandé à ces experts de noter ces différentes mesures selon 3 critères : leur rapidité de mise en place, leur capacité à dégager des bénéfices économiques de long terme, et leur impact écologique (climatique en particulier).

Résultat ? Il apparaît que la majorité des grands experts économiques interrogés considèrent les politiques de relance « propres » comme les mieux à même de produire une relance économique de qualité et de long terme après la crise du confinement.

5 grands secteurs écologiques à prioriser

D’après l’étude, cinq secteurs en particulier pourraient permettre aux économies affectées par le Covid-19 de se relever rapidement tout en améliorant leurs impacts climatiques.

Le premier est la création d’infrastructures écologiques : énergies décarbonées, amélioration des systèmes de stockage de l’énergie, gestion intelligente des réseaux électriques et de chaleur, mobilité décarbonée… En investissant plus massivement dans ces secteurs, à l’image de ce que proposent certains défenseurs du Green New Deal, on pourrait relancer l’activité tout en ayant un impact plus positif sur les indicateurs écologiques.

Vient ensuite l’investissement dans la rénovation énergétique : c’est un chantier particulièrement important, notamment en France où l’électricité est déjà majoritairement décarbonée. C’est là que se joue l’essentiel des économies de CO2 en lien avec l’énergie résidentielle. Investir pour permettre des rénovations de qualité permettrait à la fois de relancer le secteur de la construction et de la rénovation, ainsi que tous les emplois qui leur sont liés dans la recherche et le développement ou les services, tout en améliorant considérablement notre bilan environnemental.

Autre secteur prioritaire : l’éducation. Il s’agirait d’investir dans un vrai programme de transition des compétences, pour former des travailleurs aux métiers de demain, dans la transition énergétique, dans l’agriculture durable, dans les métiers des services écologiques. Objectif : limiter la hausse du chômage en créant de nouvelles compétences.

L’investissement dans le « capital naturel » apparaît aussi critique : restauration des écosystèmes et des forêts, travail sur la restauration des sols, l’agriculture durable et les services écosystémiques en général. Là encore, une priorité pour améliorer notre bilan écologique.

Enfin, les experts estiment aussi qu’il faut miser sur la R&D, mais particulièrement dans les secteurs écolo-compatibles : énergies, stockage, réduction des gaspillages et économie circulaire, étude des écosystèmes… Là encore, pour développer de nouvelles façons de répondre à nos besoins en respectant les limites planétaires.

On notera aussi qu’une majorité d’experts considère le sauvetage des compagnies aériennes comme peu souhaitable, ainsi que l’investissement dans les énergies fossiles.

Parmi les autres sujets abordés, les sondés estiment que cette relance doit être l’opportunité d’ancrer dans le long terme des changements de pratiques. Sur la mobilité et le transport, le Covid-19 a permis de faire émerger de nouvelles façons de faire : télétravail, transports décarbonés, limitation des déplacements inutiles. Ce sont des habitudes qu’il faut tenter de conserver et d’amplifier. De même en termes de gouvernance : connexion avec les acteurs locaux, dialogue avec les scientifiques, décentralisation quand c’est pertinent…

Vers un changement de paradigme ?

Cette étude dénote un certain changement de paradigme dans les sphères technocratiques du monde économique. De plus en plus de cadres dans les organismes économiques conseillent désormais de se pencher le plus rapidement possible sur des mesures de relance portant sur l’écologie, l’éducation et la lutte contre les inégalités.

C’est un changement majeur par rapport aux logiques qui opéraient encore massivement au moment de la crise de 2008 : relance par l’offre, investissement massif dans les secteurs polluants…

Néanmoins, pour qu’un tel changement de paradigme s’opère, il faudra à un moment où on autre un indicateur pour mesurer de tels progrès. Or dans un monde économique encore largement dominé par l’omniprésence d’indicateurs uniquement financiers (à l’image du PIB), il sera certainement difficile d’évaluer les multiples retombées de telles politiques d’investissement. À charge aux sociétés en crise de trouver de meilleures manières de mesurer leurs progrès, en incluant les données sociales et environnementale à leur comptabilité…

Photo par Benjamin Davies sur Unsplash