La transition énergétique va faire augmenter nos besoins en cuivre. Qu’est-ce que cela implique ? Risque-t-on de manquer ? Quels enjeux écologiques ? On fait le point.

Lorsque l’on parle de métaux et de transition énergétique, on parle souvent du lithium. Aura-t-on assez de lithium pour les batteries nécessaires à la transition énergétique ? Risque-t-on la pénurie ? Quels sont les enjeux de la production de lithium à grande échelle ? Si ces questions sont légitimes, d’autres pourraient se poser de façon encore plus précise concernant d’autres métaux. C’est le cas du cuivre.

On l’oublie parfois, mais le cuivre est le métal de base de toute infrastructure électrique. Le cuivre est un métal qui conduit très bien l’électricité, et il est donc utilisé à grande échelle pour tous les dispositifs transportant l’électricité (fils et réseaux électriques, par exemple). Le cuivre est donc indispensable pour toutes les technologies basées sur l’électricité et à ce titre, il a un rôle particulièrement fondamental dans la transition énergétique. Par exemple, pour fabriquer une voiture électrique, ce sont près de 80 kg de cuivres qui sont nécessaires, contre « seulement » 20 pour une voiture thermique.

Alors, avec le développement des énergies renouvelables, qu’il faut raccorder au réseau, le déploiement des mobilités électriques, des technologies de chauffage électriques et de tous les autres usages électriques, le cuivre ne risque-t-il pas de devenir un matériau en tension ? Quels sont les enjeux de l’exploitation du cuivre dans la transition énergétique ? On vous explique.

Le cuivre : métal critique pour la production et la consommation électrique

Dans le monde, le cuivre est le métal utilisé dans les plus grandes quantités après l’aluminium et le fer. Ce sont près de 20 millions de tonnes de cuivre qui sont produites chaque année dans le monde, et près de 60% de la production est utilisée pour produire des fils électriques, ou des bobines pour des générateurs de production électrique.

En d’autres termes, pratiquement tous les usages fondés sur l’électricité requièrent d’utiliser du cuivre. Or pour lutter contre le réchauffement climatique, ces usages risquent d’augmenter de façon significative. Prenons la mobilité et le transport par exemple. Actuellement, une grande majorité de nos déplacements sont faits avec des voitures thermiques, et pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, il va falloir limiter l’usage de ces véhicules polluants. Pour cela, il faut avant tout repenser notre mobilité, penser à la sobriété dans nos déplacements, se tourner vers les transports en commun. Mais pour certains déplacements, qui ne peuvent pas être évités, il faudra bien continuer à utiliser des véhicules. Les véhicules électriques sont alors une alternative intéressante car ils permettent de diviser par 2 ou 3 nos émissions de gaz à effet de serre. Mais si dans l’avenir il faut développer massivement les véhicules électriques dans le monde, cela signifie qu’il faudra considérablement augmenter notre production de cuivre, dans la mesure où les voitures électriques en nécessitent beaucoup plus que les véhicules thermiques. Cela signifie aussi qu’il faudra développer des bornes de recharge, à domicile et sur le territoire. À chaque fois, il faudra du cuivre.

Même chose pour les énergies renouvelables. Remplacer une centrale à charbon ou une centrale nucléaire par des unités de production d’énergie renouvelables (éoliennes, panneaux solaires) nous oblige à raccorder plus d’installations au réseau électrique, à multiplier les bobines de générateur. Cela nous oblige aussi à disposer d’infrastructures de stockage ou de gestion de l’intermittence électrique, qui elles aussi demandent du cuivre. Selon les données de la Copper Alliance (le lobby de l’industrie du cuivre), les systèmes fondés sur les énergies renouvelables utilisent jusqu’à 12 fois plus de cuivre que les systèmes énergétiques conventionnels (fossiles notamment).

La hausse de la demande de cuivre et la transition énergétique : vers la pénurie ?

La transition énergétique devrait donc considérablement augmenter nos besoins en cuivre. Selon les analyses de la Commission Européenne, la demande mondiale en cuivre pourrait être multipliée par 2 à 3.5 d’ici 2050. En cause, le développement économique global (et donc le développement massif des usages de l’électricité) mais aussi le déploiement des technologies liées à la transition énergétique.

Selon l’Institut Français pour les Énergies Nouvelles (IFPEN), 90% des réserves connues aujourd’hui pour le cuivre seraient épuisées d’ici 2100 en comptant le développement économique, le déploiement de nouvelles technologies, et la mise en oeuvre d’une transition énergétique susceptible de nous maintenir sous les 2 degrés de réchauffement climatique. Une autre étude, menée cette fois par un groupe de chercheurs néerlandais, estimait que toutes les réserves connues seraient épuisées d’ici 2100, quels que soient les scénarios de développement étudiés.

En résumé : il sera probablement difficile de maintenir une croissance élevée tout en déployant les énergies renouvelables et les technologies « bas carbone » sans épuiser les ressources en cuivre connues aujourd’hui.

Ressources, recyclage, évolutions technologiques : quels espoirs pour le cuivre ?

Alors bien-sûr, ces analyses reposent sur un certain nombre d’hypothèses et de projections. Notamment sur la question des réserves de cuivre. Formellement, il est impossible de dire avec certitude comment vont évoluer les réserves connues de cuivre. Théoriquement, il est possible que l’on découvre dans les années à venir de nouveaux gisements exploitables de cuivre. Les réserves connues ont d’ailleurs considérablement augmenté depuis 1950, grâce aux progrès technologiques qui ont permis de détecter de nouvelles ressources et d’exploiter des réserves jugées jusqu’ici inexploitables.

Les projections dépendent aussi de notre capacité à recycler le métal. Si l’on pouvait récupérer le cuivre en fin de vie, lorsque les infrastructures et objets qui en contiennent ne sont plus utilisées, on pourrait ralentir l’épuisement des ressources. Seulement, aujourd’hui, la majorité du cuivre n’est pas recyclée. D’abord, car une bonne partie du cuivre utilisé dans le monde l’est pour de très longues durées. Par exemple, lorsque l’on raccorde un bâtiment en électricité, on utilise du cuivre qui restera dans ce bâtiment des dizaines d’années. Ce cuivre n’est donc pas récupérable pour être recyclé et réutilisé tant que le bâtiment est en usage. Ensuite, une bonne partie du cuivre qui pourrait être recyclé ne l’est pas, tout simplement car la collecte du cuivre n’est pas toujours rentable. Par exemple, collecter tous les téléphones usagés et récupérer le cuivre, présent parfois en micro-quantités, est à la fois complexe et cher. Lorsque le cuivre est utilisé sous forme d’alliage (laiton, bronze), il faut aussi séparer le cuivre des autres métaux par des processus chimiques, ce qui n’est pas simple.

Cela dit, à l’heure actuelle, le cuivre est tout de même l’un des métaux les plus et les mieux recyclés. Selon la Copper Alliance, jusqu’à 30% du cuivre consommé sur la dernière décennie provenait de sources recyclées dans le monde, avec des écarts très importants selon les secteurs et les régions. Il y a donc des marges d’amélioration, mais il n’est pas certain que l’amélioration du taux de recyclage du cuivre soit suffisante pour éviter des tensions sur cette ressource critique face à la hausse de la demande.

La géopolitique du cuivre et la transition énergétique

En tout état de cause, les sociétés mondiales vont devoir sérieusement se poser la question de la gestion des ressources en cuivre dans les prochaines années. Et ce, d’autant plus que le métal rouge n’est pas disponible de façon uniforme sur la planète. Près de 40% des ressources mondiales sont concentrées en Amérique Latine, et notamment au Chili, qui représente à lui seul entre 20 et 30% des réserves. Ailleurs dans le monde, on trouve des ressources en cuivre au Pérou, en Australie, mais aussi en Russie et en Chine. L’Europe, elle, est assez peu pourvue, même si elle dispose de quelques mines en Pologne, en Roumanie, en Serbie ou encore en Finlande.

Cette concentration géographique du cuivre impose de s’interroger sur un certain nombre d’interdépendances et de problématiques : le commerce du cuivre restera-t-il aussi libre qu’aujourd’hui dans un contexte où le métal deviendra de plus en plus critique ? Certains pays n’auront-ils pas intérêt, à terme, à limiter, orienter ou changer leurs exportations ? Comment éviter de se retrouver dépendants des pays producteurs de cuivre ?

Dans ce jeu géopolitique qui se dessine, il y aura nécessairement des gagnants et des perdants. D’où l’importance d’anticiper pour ne pas se retrouver, demain, au pied du mur comme l’Europe l’est aujourd’hui avec le gaz russe, par exemple. Et parmi les perdants de la hausse globale de la production de cuivre, on comptera certainement les écosystèmes. Car il ne faut pas oublier que si le cuivre contribue à la transition énergétique qui nous permet de faire baisser nos émissions de CO2, son exploitation, bien souvent dans des mines géantes à ciel ouvert, reste une pression immense sur les écosystèmes et la biodiversité, et génère des pollutions énormes.

Pour une gestion durable du cuivre dans la transition énergétique

Il semble donc urgent de mettre en place des stratégies permettant de mieux gérer notre consommation et notre production de cuivre. Il s’agit bien-sûr de mieux recycler le cuivre, de mieux collecter les débris, de nous inscrire dans une démarche d’économie circulaire. Mais il s’agit aussi de nous interroger sur nos stratégies en matière de transition énergétique.

La question du cuivre souligne l’importance de ne pas envisager la transition vers les technologies bas carbone comme l’alpha et l’omega de la transition écologique, car bien souvent, derrière ces solutions se cachent d’autres problèmes. La disponibilité des métaux, l’impact environnemental, social et économique de leur extraction, tout cela doit amener à adopter une posture nuancée vis-à-vis de la transition énergétique, qui ne doit pas être un prétexte pour maintenir à flot un système de surproduction économique incapable d’anticiper ses externalités environnementales.

L’enjeu, avant tout le reste, est bien de faire la transition vers un système économique tourné vers la sobriété, la limitation des productions, et donc la décroissance de l’exploitation des ressources. Réduire nos besoins énergétiques, pour réduire nos besoins en cuivre : voilà le premier levier pour éviter une tension sur ce matériau, qui pourrait rapidement faire face à des tensions importantes.

Photo par Ra Dragon sur Unsplash

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