Tourisme durable, territoires et paix : un choix politique avant tout !

Corinne Girardot - Consultant - Industrialisation de la veille et suivi du secteur Tourisme

RSE Lib

Conseil et indépendante depuis 1988 auprès de petites et grandes entreprises, Corinne Girardot intervient dans le cadre de projets d’évolution des métiers en contexte numérique. Témoin et acteur de l’évolution des méthodes de management et des nouvelles formes d’organisations, elle étudie, avec RSE Lib, les opportunités de développement et amélioration des résultats des entreprises grâce à la RSE.

Tout afficher

2017 a été proclamée « Année internationale du tourisme durable pour le développement » par les Nations Unies en mettant en avant sa contribution à la paix dans le monde. RSE Lib s’est interrogée, courant mai, sur l’impact de cette année 2017 marquée par des changements importants au niveau politique à l’échelle de différents territoires. Dans une année de sortie de crise pour le tourisme français, comment les territoires s’emparent-ils du tourisme durable ? Réponse avec Corinne Girardot, consultant Industrialisation de la veille et suivi du secteur tourisme pour RSE Lib.

Cet article revient sur les principaux sujets évoqués au cours d’un atelier comme l’association en propose régulièrement à un public de professionnels, sympathisants de la RSE, chercheurs et étudiants. 

Dès 1967, le tourisme a été associé à l’idée de paix et ce qui s’appelait l’Année internationale du tourisme avait pour slogan « Tourisme, passeport pour la paix ». En 1987, le rapport Brundland amorce la réflexion autour de l’environnement et de la responsabilité et 1995 voit naître la « Charte du tourisme durable » de Lanzarote. En 2002, entre écologie et tourisme, l’année est placée sous le signe de l’écotourisme. Il faut attendre 2017 pour que les piliers de l’économie, du social et de l’environnemental soient mis en avant dans une perspective de développement durable.

Depuis 1967, conflits, attentats, crises ethniques, pauvreté, COP21 et situation écologique dégradée rendent difficilement lisible la capacité du tourisme à favoriser une croissance harmonieuse et partagée. Toutefois, la réussite du Costa Rica en matière de tourisme durable, qui lui vaut d’être cité en exemple, démontre qu’il est possible de concilier développement économique, préservation de la biodiversité, amélioration des conditions de vie locales et accueil de touristes responsabilisés.

Le tourisme se doit d’être durable comme toute industrie

Il n’est désormais plus possible d’ignorer les impacts environnementaux, sociaux et politiques d’une activité touristique totalement mondialisée. Les consommateurs eux, n’ignorent plus les contextes politiques des pays ou régions qu’ils visitent. Ils sont informés des dérives environnementales lointaines générées par leur consommation locale (cas de l’huile de palme) et ils souhaitent davantage de proximité avec la nature et de rencontres avec les populations autochtones.

Mais la multiplication des sites ou des propositions de voyage n’engendre pas toujours le développement attendu par des populations qui perçoivent ces masses de touristes comme des « envahisseurs » ou mettent en garde contre les perturbations environnementales générées par une trop grande proximité avec la vie sauvage.

Pour répondre à une demande grandissante d’une autre façon de voyager tout en préservant et améliorant la vie économique et sociale des locaux, cinq leviers ont été déterminés :

  • Croissance économique inclusive et durable ;
  • Inclusion sociale, emploi et réduction de la pauvreté ;
  • Utilisation rationnelle des ressources, protection de l’environnement et changements climatiques ;
  • Valeurs culturelles, diversité et patrimoine ;
  • Compréhension mutuelle, paix et sécurité.

Et bien que de nombreuses initiatives de tourisme s’attachent à favoriser un ou plusieurs de ces leviers (tourisme équitable, solidaire, social, responsable, vert, éthique, etc.), prendre en compte toutes les dimensions du tourisme durable impose de pouvoir rassembler et faire travailler ensemble toutes les parties prenantes sur un territoire donné.

Territoires et politique comme éléments clés du tourisme durable

L’année 2017 est riche en initiatives qui placent le tourisme au premier plan en matière de développement ou pacification de territoires. L’Iran s’appuie sur le tourisme pour doper sa croissance, la Colombie veut intégrer d’anciens combattants au travers d’une offre touristique à créer, l’Algérie en plein essor de son tourisme d’affaire affiche un objectif durable pour son 18e salon international du tourisme, l’Afghanistan instaure un ministère du tourisme, etc.

Que ce soit pour les loisirs ou les affaires, le voyageur impacte par son comportement un ensemble d’acteurs touristiques ou d’autres secteurs et la synergie entre ceux-ci permet de maximiser les retombées. Mais pour créer cette dynamique de développement, il faut assurer une cohérence des orientations et des actions qui ne peut s’instaurer qu’à l’échelle d’un territoire, que ce soit un quartier, une métropole, un département, une région et à fortiori un pays comme a pu l’expérimenter le Costa Rica.

Œuvrer pour un tourisme durable pour le développement impose donc une concertation de multiples interlocuteurs autour d’une vision commune qui évalue chaque proposition en fonction des bénéfices attendus au regard des dégradations possibles, que ce soit sur le plan économique, social ou environnemental. Le tout accompagné d’une communication destinée à informer et responsabiliser le plus possible les voyageurs et habitants de la démarche et de leur implication directe.

Qu’en est-il en France ?

Actuellement, le tourisme ne fait l’objet ni d’un ministère, ni d’un secrétariat d’état. S’il relève du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, le terme n’est jamais cité dans la composition du gouvernement. Faut-il y voir la marque de la reconnaissance du tourisme en tant qu’industrie à part entière logée à la même enseigne que l’automobile ou l’aéronautique ?

Peu d’écho de cette « année internationale du tourisme durable pour le développement » au salon international du tourisme de Paris qui se déroulait en mars. L’organe officiel de promotion du tourisme Atout-France.fr et sa version grand public France.fr n’affichent aucune communication relative à une politique ouvertement durable pour le tourisme. Le pays qui proclame volontiers être la première destination touristique au monde met en avant de multiples labels ou initiatives locales ou associatives mais sans pour autant valoriser l’adéquation avec les objectifs du développement durable et de la responsabilité.

Pourtant, des réalisations et des projets indiquent clairement une tendance à répondre au-delà des enjeux du tourisme responsable à une vision durable du marché. Les touristes d’abord qui manifestent auprès des associations telles que ATD (Acteurs du tourisme durable) une demande de voyages, découvertes et rencontres selon une approche responsable et durable. De fait, de plus en plus de professionnels s’intéressent aux labels, certifications et formes d’engagement qui sont compatibles avec leurs contraintes économiques et améliorent leur visibilité. Des quartiers ou des villes s’engagent sur des actions durables comme l’expérience du 6b à Saint Denis où la création artistique et la concertation élargie permettent de revitaliser un quartier de bord de Seine.

La réforme territoriale ou loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de République) est un élément essentiel d’une mobilisation et d’une concertation innovante autour du tourisme durable. En effet, les régions sont désormais nommées chef de file du tourisme et le code du tourisme a été modifié en conséquence. Premier effet, les Offices de Tourisme dépendent désormais des régions et non des communes. Un bouleversement destiné à donner davantage de visibilité à l’ensemble des offres que peuvent proposer des territoires facilement identifiables tant pour les touristes nationaux que pour les visiteurs étrangers.

Les régions bougent, à l’image de la Nouvelle Aquitaine qui élabore un schéma de Développement touristique et des Loisirs » par une co-construction du « tourisme de demain ». Des ateliers et rencontres sont organisés et balaient l’ensemble du territoire pour rassembler acteurs, institutions, associations et habitants autour de projets concertés et soutenus par tous. Un travail de longue haleine qui, même s’il ne revendique pas son ambition durable, œuvre en fait déjà selon les axes de l’ODD.

Enfin, des dispositifs comme les EPIC (Etablissements Publics à Caractère Industriel ou Commercial) rattachés à un territoire de tutelle permettent à l’ensemble des intervenants d’adopter une vision commune qui équilibre les efforts et les bénéfices comme pour le Mont-Saint-Michel où la décision politique de l’Etat doit permettre de satisfaire visiteurs et habitants.

Le tourisme français deviendrait durable mais en toute discrétion !

Le tourisme durable n’est pas une utopie, il existe et des états en font leur priorité.

Mais comme l’évoque l’agence Safaree Dream, venue témoigner de son expérience lors de notre atelier en mai dernier, l’offre de voyage responsable doit gagner en visibilité. Or les labels, s’ils rassurent les clients, ne clarifient pas pour autant une profusion de concepts et ne répondent pas toujours à toutes les interrogations du futur voyageur. Une occasion de rappeler l’importance du numérique dans le tourisme durable. Après la maîtrise des canaux de commercialisation, et une hausse très sensible des ventes en ligne au premier trimestre, la maîtrise de la communication et l’apport de réels services à valeur ajoutée tant aux professionnels qu’aux touristes et résidents peuvent mettre en avant les nouveaux comportements. Combien de sites touristiques sont compatibles avec les normes d’accessibilité numériques ? Quelle startup du Welcome City Lab permettra de choisir un séjour en connaissant la nature exacte des relations entre les parties prenantes pour que la trace laissée par le voyage soit la plus positive possible ?

Sous la pression des concurrences de plateformes étrangères et d’une course au prix imbattable, il semble que le tourisme soit en situation de prendre un virage durable, garant de la pérennisation des activités d’une industrie en situation difficile. Des décisions sont prises au niveau européen, des think tank s’organisent mais l’essentiel n’est-il pas de faire comprendre que le tourisme durable n’est pas que l’affaire des pays en voie de développement mais bien l’avenir des pays développés et de la première destination touristique au monde.

Crédit photo : Chart drawn on the sand sur Shuttersock

A votre tour de passer à l'action !
Ces informations vous sont utiles ? Montrez-le !
Share to raise awareness
S'inscrire Rejoignez le mouvement pour ne rien manquer