Brexit : quelles conséquences sur l’environnement et les politiques environnementales en Europe et au Royaume-Uni ? Tentative de décryptage d’une situation plus que jamais floue.

Le 24 juin 2016, c’est le choc en Europe. Le Royaume-Uni vient de voter par référendum sa sortie de l’Union Européenne à près de 52%. Dès l’annonce des premiers résultats, la livre sterling plonge de plus de 10%, se retrouvant avant même l’ouverture de la bourse de Londres à son plus bas niveau depuis 1985. Déjà les économistes et les politiques s’interrogent sur les conséquences de cette sortie sur l’économie et sur l’Union Européenne.

Mais une autre question préoccupante accompagne la sortie de l’Union Européenne du Royaume-Uni : celle du développement durable. Quelles conséquences du Brexit sur la politique environnementale du pays ? Sur les professionnels du développement durable et de la RSE au Royaume-Uni et en Europe ? Décryptage.

Brexit : l’érosion de la réglementation « développement durable » ?

Avant toute chose, il faut savoir que les relations entre un pays membre de l’Union Européenne et l’Union Européenne en matière de développement durable sont complexes. La plupart des lois effectives à l’heure actuelle dans les pays membres de l’UE sur les questions environnementales (comme la gestion des déchets électroniques) et mêmes sociales (comme les conditions de travail) sont issues de directives européennes. Concrètement, cela signifie que beaucoup de lois environnementales, sociales et sociétales britanniques sont des traductions nationales de lois européennes. Cependant, la sortie de l’Union Européenne pour le Royaume-Uni ne signifie pas que ces lois ne seront plus en vigueur, puisqu’elles ont été traduites dans le droit national. L’enjeu principal sera de savoir justement ce que le Royaume-Uni fera de ces lois une fois sorti effectivement de l’Union. Et le problème, c’est qu’à l’heure actuelle, personne ne sait ce qu’il va advenir de ces lois : vont-elles être conservées ? Modifiées ? Supprimées au profit de politiques plus libérales ?

D’autre part, il existe une autre catégorie de lois européennes qui risque de poser problème : les règlements. Dans le droit européen, lorsque l’Europe émet un règlement, il s’applique automatiquement dans le droit des pays membres, sans que ceux-ci n’aient besoin de créer une loi spécifique pour qu’il soit effectif. C’est le cas par exemple de la réglementation REACH, qui vise à protéger la santé des consommateurs en réglementant l’usage des produits chimiques dans les industries européennes. Quand le Royaume-Uni sera sorti de l’UE, ce règlement n’existera virtuellement plus pour les industries du Royaume-Uni. Que vont-ils faire ? Refaire une loi similaire en droit britannique ? Se passer de cette réglementation ? Là encore, il y a une grosse incertitude.

En fait, beaucoup de choses dépendent du statut que va désormais avoir le Royaume-Uni en Europe. Restera-t-il comme la Norvège, membre de l’Espace Economique Européen ? Dans ce cas le Royaume-Uni sera de facto forcé d’adopter les réglementations européennes sur le développement durable pour que ses produits puissent circuler sur le marché, et peu de choses changeront du point de vue réglementaire. Si d’autres modalités sont trouvées (comme un maintien dans la zone de libre-échange avec accord commercial bilatéral), ce sont les modalités de ces nouveaux accords qui détermineront la suite.

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Brexit : moins de protection de l’environnement ? Incertitudes contre certitudes

Toujours est-il que, sous l’impulsion de l’Europe, le Royaume-Uni a aujourd’hui une réglementation environnementale et de développement durable assez forte. D’ailleurs, depuis les années 1990, le Royaume-Uni est l’un des grands pays d’Europe de l’Ouest a avoir le plus réduit ses émissions de CO2. Malgré tout, selon un sondage mené au Royaume-Uni, 60% des professionnels du développement durable britanniques estiment qu’en cas de sortie de l’Union européenne, la réglementation environnementale notament va se dégrader dans le pays et que la biodiversité ou la vie sauvage risquent d’être moins bien protégés.

Un groupe d’environnementalistes britanniques pro-européen déclarait dans le Guardian ces dernières semaines que sans la réglementation Européenne, le Royaume-Uni redeviendrait « l’homme pollué » de l’Europe. En effet, le Royaume-Uni, n’a jamais réellement poussé la réglementation européenne dans le domaine environnemental. Au contraire, le pays a plutôt adopté une position libérale sur la question et a souvent tenté d’éviter que des réglementations puissent freiner l’activité des entreprises. Il est donc possible que sans la contrainte de l’UE, le Royaume-Uni adopte des postures moins strictes sur les réglementations environnementales.

Il y a donc incertitude sur ce qui se passera une fois la sortie actée sur le plan réglementaire : le pays continuera-t-il à renforcer sa législation comme l’Europe le poussait à le faire, ou se contentera-t-il de conserver ce qui existe ? Impossible de savoir car, si sur certains domaines le Royaume-Uni a souvent freiné la politique environnementale, sur d’autres il a parfois été à l’avant garde (comme sur la question du charbon ces dernières années).

Contre cette incertitude, il y a en revanche une certitude : comme sur le plan de l’intégration économique et sociale, l’Europe avancera probablement plus rapidement sans le Royaume-Uni sur la question environnementale. En effet, le Brexit signifie que le Royaume-Uni n’aura plus son mot à dire sur les réglementations existantes et futures, et ne pourra donc plus freiner les avancées proposées par les pays du Nord ou les Allemands. Le problème qui subsiste en revanche, est que sans le Royaume-Uni, des pays très « pro-industriels » et souvent réticents à adopter des lois de protection environnementale (comme la Pologne) vont proportionnellement gagner en importance dans les institutions européennes…

Et pour les entreprises ?

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La dernière question que pose ce Brexit du point de vue environnemental, c’est ce qu’il va se passer pour les entreprises investies dans le développement durable. De nombreux accords entre les entreprises européennes et britanniques existent : sur la livraison et le développement de parcs éoliens (pour lesquels le Royaume-Uni est un acteur énorme sur le marché européen), sur le développement des centrales nucléaires d’EDF au Royaume-Uni et même sur le solaire. Toutes les grandes entreprises investies dans le développement durable ou les énergies renouvelables et qui ont des partenariats et des filiales au Royaume-Uni vont devoir faire face à l’incertitude réglementaire : que va-t-il se passer au niveau des droits de douane ? Quels accords commerciaux vont-être passés ?

Cette incertitude globale risque à court et à moyen terme de ralentir le secteur et de mettre sur pause beaucoup de projets engagés par ces acteurs. D’une manière générale, avec une monnaie en baisse et une situation économique chaotique à la suite de la sortie, les investissements dans ce type de secteurs (innovants, encore en construction, peu stables et soumis aux subventions) risquent de baisser au profit de valeurs refuges.

 

Incertitude, c’est donc le mot qui domine sur la question du développement durable et de l’environnement après ce Brexit. Mais beaucoup d’experts craignent d’ores et déjà que la situation environnementale se dégrade au Royaume-Uni sans la chape protectrice des lois de l’Union Européenne.