Notre société en mutation participe à remanier les relations entre le monde des associations et celui des entreprises, jusqu’à créer de nouvelles structures hybrides. Dans cet épisode de Triple A, Mathilde Renault-Tinacci nous décrit cette transformation du lien qui unit les associations et les entreprises. 

L’État, à l’aide de nombreuses politiques publiques, déploie sur son territoire de nombreuses incitations à « l’engagement tout au long de la vie », des jeunes générations jusqu’à la retraite. On compte plusieurs formes d’engagement, le bénévolat, le volontariat, le service national universel, le mécénat de compétences… Comment ces différentes formes d’engagement peuvent permettre aux associations et entreprises d’avancer ensemble face aux crises ? 

On en parle avec Mathilde Renault-Tinacci, docteure en sociologie et chargée de recherche  l’INJEP, l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire, dans le podcast Triple A. 

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Les sujets abordés dans le podcast 

01:17 : Secteur associatif et secteur privé, le défi écologique permet-il de dresser des passerelles entre les deux ?

04:36 : Les jeunes et leur rapport au monde associatif.

17:31: Le mécénat de compétence, une réponse aux dysfonctionnements du marché du travail.

30:41: Le brouillage des frontières entre le monde associatif et lucratif.

42:49: Défaillance des associations : le cas des grèves d’Emmaüs Nord.

50:27: Vers quel(s) modèle(s) aller pour réduire cette crise actuelle du monde associatif ?

Une jeunesse active dans les associations

 « Après le Covid, les enquêtes ont montré un gros décrochage de l’engagement des seniors dans les associations, explique la sociologue. Au contraire, on a observé une montée de l’engagement chez les jeunes. Une chose qu’on n’avait jamais eue jusqu’à présent ». Mais, pourquoi est-ce que la jeunesse s’engage ? Notamment pour retrouver du sens dans leur quotidien, être plus en accord avec leur valeur, souligne Mathilde Renault-Tinacci Une chose que certains jeunes peinent à trouver dans leur emploi. 

Le mécénat de compétences, entre quête de sens et remède aux maux du travail

Le mécénat de compétences est fortement encouragé par les entreprises, plus particulièrement les grandes entreprises. Cet exercice d’accompagnement des associations est apprécié par les salariés puisqu’il permet un engagement dans une « cause juste », qu’elle soit sociale et / ou environnementale. Mais le mécénat de compétences représente aussi pour les employés vulnérables un échappatoire, un moyen de fuir les « dysfonctionnements du marché du travail », comme l’explique la chargée de recherche. Entre autres, des « souffrances qu’ils peuvent subir en entreprise, qu’elles soient éthiques, comme un manque d’utilité sociale et de sens, mais aussi physiques ou mentales, comme le burn-out ».

Un brouillage des frontières entre associations et entreprises

Les associations permettent de donner une bouffée d’air aux salariés, mais le tissu associatif est lui aussi fragile. Pendant longtemps, les associations sont restées éloignées de la sphère économique. Elles géraient à la fois les activités trop peu lucratives pour le secteur privé, et celles qui sortaient du champ d’action de l’État. Le changement de paradigme apporté par la nouvelle gestion publique dès les années 90 force un rapprochement entre le monde associatif et le secteur lucratif en France. 

De nouvelles structures hybrides sont apparues. Les associations partagent des marchés devenus lucratifs, à l’instar du marché de la seconde main, mais aussi parfois reprendre des codes de performances propres à l’entreprise et parfois antinomiques avec les objectifs sociaux qu’elles défendent.

Mettre des garde fous pour préserver les associations

Cette recomposition du tissu associatif, ajoutée à une montée en puissance des crises sociales, économiques, et environnementales tend cependant à précariser les travailleurs les plus vulnérables. Pour Mathilde Renault-Tinacci s’il ne doit pas forcément y avoir opposition entre monde marchand et monde associatif, qui peuvent travailler ensemble, « il faut toutefois mettre en place des garde-fous pour préserver les associations, peut-être en trouvant des conventions pour penser la réciprocité dans le partenariat entre ces deux mondes »