Quelle différence entre AOP, AOC, IGP ou encore STG ? Quels sont les différents labels destinés à protéger les produits du terroir ? Décryptage.
Depuis des années, une tendance de fond anime le marché des produits alimentaires : la montée des produits du terroir. Des labels émergent, des acteurs misent sur le concept, mais comment faire le tri dans ces sigles complexes ? Quels sont les labels et appellations alimentaires destinés à protéger les produits de terroir, le savoir-faire local et garantir au consommateur la qualité des produits composant son assiette ?
On fait le tour de la question !
Un devoir de protection des petits exploitants agricoles
Agriculture et territoire sont initimement liés et contribuent à préserver le lien entre les Hommes, les produits et la terre. L’agriculture au sein des petites exploitations françaises relève bien souvent d’un chemin de passionnés, en quête de perpétuer des pratiques de qualité et de transmettre un savoir-faire ancestral.
Aujourd’hui, en plus des conditions parfois difficiles inhérentes au terrain comme l’agriculture de montagne viennent s’ajouter des difficultés liées à la mondialisation. La conjoncture locale s’efface au profit d’un nouveau modèle où les territoires s’homogénéisent et deviennent interdépendants, et où l’échelon national se ré-articule autour de l’international.
Les petits exploitants se retrouvent alors dans un équilibre précaire face à ces nouveaux enjeux : réussir à vivre de son travail et assurer la pérennité économique de son exploitation, à réaliser des produits de qualité dans un cadre réglementaire et sanitaire de plus en plus strict tout en faisant face à la concurrence relève du défi.
L’environnement est lui aussi affecté par les logiques de concurrence afférentes à la mondialisation. L’agriculture intensive, l’utilisation de produits phytosanitaires en quantités parfois dangereuses pour l’homme et la biodiversité, et les multiples pollutions engendrées par ce mode de production se répercutent sur l’environnement.
A la fois pour protéger le savoir-faire des petits exploitants, protéger le milieu, et répondre aux éxigences des consommateurs, souhaitant de plus en plus acheter en circuit court, de saison, à un prix juste pour le producteur, les instances de l’exécutif se sont mobilisées et ont créé des signes distinctifs encadrant à la fois l’origine, la qualité, le respect de l’environnement.
Des logos pour garantir l’origine, la qualité ou encore le respect de l’environnement
Les appellations d’origine pour protéger les produits de terroir
C’est la notion de terroir qui fonde le concept des appellations d’origine. Un terroir est une zone géographique particulière où une production tire son originalité directement des spécificités de son aire de production.
On distingue d’abord l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), qui désigne un produit dont toutes les étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique, qui donne ses caractéristiques au produit.
L’AOC a été ouverte à l’ensemble des produits agricoles en 1990. Elle permet une protection de la dénomination sur le territoire français (ce qui permet notamment d’éviter la fraude et l’usurpation des appellations) en attendant son enregistrement et sa protection au niveau européen, où le produit devient alors AOP, équivalent européen de l’AOC. L’Appellation d’Origine Protégée protège le nom d’un produit dans tous les pays de l’Union européenne.
Le fromage Bleu du Vercors-Sassenage produit spécifiquement dans le parc naturel régional du Vercors ou encore la Noix de Grenoble sont deux AOP, témoin de la reconnaissance officielle de l’histoire de ces produits et de leur ancrage territorial.
L’IGP pour Indication Géographique Protégée, créée en 1992, désigne également un produit répondant à un cahier des charges précis dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique dans lequel se déroule au moins sa production ou sa transformation selon des conditions bien déterminées. Elle reste moins contraignante que l’AOP-AOC.
Label Rouge et mention STG : garantir la qualité
D’autres signes comme le Label rouge ou encore la mention STG pour Spécialité traditionnelle garantie, datant de 1992, valorisent la qualité d’un produit. Le signe français Label rouge créé en 1960 est par exemple apposé sur un produit dont les conditions de production ou de fabrication ont un niveau de qualité supérieur aux autres produits similaires et répondant à un chaier des charges précis.
La mention STG, quant à elle, est garante d’un savoir-faire traditionnel : ce signe européen permet de protéger les dénominations de produits à caractère traditionnel qui ne présentent pas ou plus de lien avec leur origine géographique. Le produit doit soit être fabriqué à partir de matières premières traditionnelles, soit présenter une composition traditionnelle ou un mode de production et/ou de transformation traditionnel. La moule de bouchot élevée sur pieux est le seul produit français bénéficiant depuis 2013 de la mention Spécialité traditionnelle garantie, mais ils sont plus d’une cinquantaine de produits à l’échelle européenne à en bénéficier.
L’agriculture biologique, label « pêche durable » : la volonté de saluer les démarches plus respectueuses de l’environnement
Si l’histoire officielle de l’agriculture biologique commence en France en 1980 avec la reconnaissance dans la loi d’orientation agricole d’une agriculture « n’utilisant pas de produits chimiques de synthèse », l’agriculture biologique a fait son apparition en France au début des années 1950, notamment avec le refus de l’intensification agricole et de l’utilisation excessive de pesticides et d’engrais chimiques.
On trouve plusieurs labels Agriculture biologique : le label AB à l’échelle de la France, et l’Eurofeuille à l’échelle européenne (feuille d’arbre blanche sur fond vert). Ils sont fondés sur l’interdiction d’utilisation d’engrais et pesticides de synthèse, mais un cahier des charges bien plus vaste s’applique aux produits issus de ce type d’agriculture. Rotation des cultures pour la régénération des sols, lutte contre les nuisibles par des agents biologiques, élevage extensif avec alimentation bio et priorité aux médecines douces et à la prévention font partie des critères supplémentaires par exemple. Finalement, l’agriculture biologique garantit un mode de production et de transformation plus respectueux de l’environnement et du bien-être animal.
D’autres écolabels publics existent comme « Pêche Durable« , un signe de qualité qui valorise la pêche dite durable c’est-à-dire répondant à des exigences environnementales, économiques et sociales.
Les autres sigles
Au-delà de ces sigles d’initiative publique, d’autres sont d’initiative privée ou associative comme les labels « Fairtrade », « Equitable », « Ecocert », « Producteurs paysans »… Ils offrent d’autres garanties, notamment sociales, comme des revenus plus justes aux producteurs par exemple. On les rattache au concept de commerce équitable.
Mais la méfiance reste de mise pour les symboles « marketing » qui se multiplient sans toujours offrir de réelles garanties et qui finissent par noyer l’information et la compréhension des signes.
Une qualité parfois menacée : les enjeux du terroir face à la mondialisation
En 2016, certains parlaient de « fromages sacrifiés sur le plateau du libre-échange » face aux nombreux fromages AOP non protégés par les accords du CETA, accords de Libre-Echange entre l’Europe et le Canada, et signifiant que ces fromages pouvaient être fabriqués au Canada sans que les producteurs n’y aient rien à redire, malgré certains fromages AOP.
En 2021, nouveau débat avec le projet de révision du cahier des charges du camembert de Normandie AOP avec LA grande question : faut-il autoriser la pasteurisation du lait pour la fabrication du camembert ? Traditionnellement fabriqué à partir de lait cru, plusieurs opérateurs de la filière étaient vent debout pour protester contre cette révision du texte initial, bénéficiant notamment aux industriels puisque la pasteurisation facilite la conservation (mais généralement au détriment du goût).
Si les interactions politiques, économiques et la mondialisation peuvent nous enrichir, elles peuvent aussi porter atteinte à des secteurs, et notamment au monde agricole. Gardons à l’esprit que l’agriculture locale et l’importance de la nature dans notre alimentation demandent une vigilance citoyenne et quotidienne de chacun.
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