Le Parlement européen a rejeté le 18 octobre 2023 la proposition de résolution visant à rendre moins contraignantes les normes de reporting de durabilité de la CSRD, les normes ESRS. Elles sont donc définitivement adoptées et entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2024.
C’est la conclusion d’un combat de longue haleine qui s’est tenue le 18 octobre 2023 lors de la plénière du Parlement européen. La proposition de résolution sur l’European Sustainability Reporting Standards (ESRS), portée par un groupe d’eurodéputés (Renew / Parti populaire européen) issus de la droite et de l’extrême droite Allemande et Tchèque, a été rejetée par le Parlement européen à 359 voix « contre », 261 voix « pour » et 11 abstentions.
Elle visait à réduire les exigences des normes de reporting extra-financier sur le sol européen.
Le rejet de cette résolution est une grande étape, puisqu’elle signe la mise en vigueur prochaine de ces nouvelles normes de reporting dans la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), un outil choyé par l’Europe pour la transformation écologique des entreprises et des acteurs de la finance puisque la CSRD les oblige à plus de transparence sur leurs activités et leurs investissements.
Ces normes entreront donc en vigueur dès le début de l’année 2024 pour toutes les grandes entreprises de plus de 500 employés ayant une activité sur le sol européen. Elles devront de ce fait publier leurs informations extra-financières l’année d’après en 2025. Les autres grandes entreprises de moins de 500 employés devront prendre en compte les nouvelles normes en 2025 et publier leur reporting en 2026. Les PME cotées sur un marché réglementé auront jusqu’en 2027, avec une option de décalage de deux ans pour publier leur premier reporting. Enfin, les entreprises étrangères avec filiale européenne devront faire leurs déclarations en 2029.
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Des normes extra-financières trop lourdes pour les entreprises ?
Dans leur résolution publiée le 11 octobre 2023, le groupe de 40 députés PPE / Renew critiquait le texte validé le 31 juillet 2023 par la Commission européenne fixant 12 normes ESG (environnemental, social et de gouvernance) pour pousser les entreprises et les gestionnaires d’actifs à plus de transparence sur leurs activités. Les eurodéputés regrettaient ainsi « une charge administrative » trop élevée pour les entreprises. Ils considèrent que les normes sont trop complexes, trop exigeantes en termes de ressources, plus particulièrement pour les petites entreprises, et qu’il « compromet l’intention de la Commission de réduire de 25 % les formalités administratives et les obligations d’information » des organismes.
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La coalition PPE / Renew proposait ainsi de « réduire considérablement la complexité des normes d’information en termes de durabilité » en introduisant des indicateurs pour chaque norme. Jusque là, le texte initial validé par la Commission européenne prend déjà en compte des indicateurs pour chacune des 12 normes, mais les eurodéputés considèrent que ces normes ne sont pas adaptées aux indicateurs clés de performance (ICP) déjà existants.
La résolution visait également à « réduire considérablement la quantité des normes d’informations » sur six domaines liés aux facteurs environnementaux, soit :
- l’atténuation du changement climatique, y compris en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre de catégorie 1, de catégorie 2 et, le cas échéant, de catégorie 3 ;
- l’adaptation au changement climatique ;
- les ressources aquatiques et marines ;
- l’utilisation des ressources et l’économie circulaire ;
- la pollution ;
- la biodiversité et les écosystèmes.
Les eurodéputés souhaitaient en outre que les petites et moyennes entreprises (PME) ne soient plus concernées par la CSRD. Qu’elles ne soient pas sollicitées par les grandes entreprises lors de la réalisation de leur reporting, et qu’elles suivent des normes volontaires, donc non obligatoires. Pour enfoncer le clou, la résolution demandait à la Commission de modifier le texte pour que toutes les entreprises avec moins de 500 employés soient considérées comme une PME, soit près du double du seuil limite actuelle fixé à 250 salariés.
Par ces propositions, la résolution permettait, d’une pierre deux coups, de réduire drastiquement le champ d’action de la CSRD sur le secteur privé, sachant que même avec le seuil fixé à 250 salariés, les PME représentent en Europe 99% des entreprises.
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Quantifier l’impact du secteur privé sur l’environnement
Les contraintes en matière de reporting de durabilité de l’ESRS avaient déjà été revues à la baisse entre la version proposée par l’Efrag, un organisme de conseil pour la Commission européenne, et le texte finalement validé par cette dernière en juillet 2023. La motion de résolution déposée par le groupe d’eurodéputés est donc une véritable fronde contre l’environnement.
L’ajout de ces quelques lignes par la coalition PPE / Renew avait pour effet de réduire drastiquement le champ d’action de la CSRD, et de le rendre encore moins efficient dans la lutte contre la destruction d’environnement. Car, si la CSRD peut effectivement représenter un poids administratif, voire un casse-tête pour les entreprises, il n’en reste pas moins que le reporting des critères extra-financiers sur le mode de gouvernance de l’entreprise, et les répercussions de ses activités sur l’environnement ou la société sont tout autant indispensables pour sa prospérité
En effet, plus la crise environnementale s’aggrave, plus il devient complexe pour les entreprises d’assurer le bon déroulement de leurs activités, et donc, plus les coûts sur la société et les entreprises seront importants. La société d’assurance Swiss-Re estime ainsi que la France pourrait perdre de 1 à 10% de son produit intérieur brut tous les ans entre 2050 et 2070 si la température mondiale atteint les +2 °C.
Si la CSRD est une première étape importante dans le processus de décarbonation, elle ne sera pas suffisante. La transformation de l’économie dans sa globalité nécessite une prise en considération de la part des entreprises des enjeux sociaux et environnementaux, et une fine compréhension de l’impact de leurs activités sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
Photo de Artur Roman, Plexels.