On parle sans cesse d’énergies renouvelables et de transition énergétique pour résoudre les problèmes environnementaux. Mais est-ce vraiment la solution ? Quels sont les avantages mais aussi les problèmes cachés par les énergies renouvelables ?
Une bonne partie des problèmes écologiques contemporains sont liés à des questions énergétiques. Le changement climatique et toutes ses conséquences sur la planète, par exemple, sont essentiellement liés à la la façon dont nous produisons notre énergie, puisque ce sont les énergies que nous utilisons (notamment les énergies fossiles) qui créent le problème de l’effet de serre et des émissions de CO2.
La pollution de l’air est également une question énergétique, puisque ce sont encore ces énergies qui produisent les particules fines et la plupart des gaz polluants. Notre consommation d’énergie utilise également de nombreuses ressources, minéraux, matériaux plus ou moins rares, qu’il faut produire.
Les énergies renouvelables : des avantages écologiques pour le futur
Pour résoudre ces problèmes, une solution est régulièrement mise en avant : les énergies renouvelables. Ces dernières années, les énergies renouvelables (l’énergie éolienne, l’énergie solaire, l’énergie marine, l’hydraulique, l’hydrogène « vert » ou renouvelable ou encore la biomasse) se sont développées partout dans le monde. Sur le papier l’idée paraît excellente : contrairement aux centrales à charbon, une éolienne ou un panneau solaire produisent de l’électricité sans émettre de CO2. Il suffit que le vent fasse tourner l’hélice ou que le soleil atteigne le panneau. Ainsi, si l’on prend en compte l’ensemble du cycle de vie d’une source de production d’électricité d’origine éolienne (de sa fabrication à sa fin de vie), elle génèrera environ 11 g de CO2 par kWh d’électricité produite, contre plus de 800 pour une centrale à charbon !
De même, du gaz produit à partir de déchets végétaux (des ressources renouvelables) permettrait en théorie de dégager moins de CO2 et moins de pollutions.
Les promesses du renouvelable sont donc nombreuses : produire de l’énergie sans émettre de CO2, sans déchets radioactifs dangereux, en n’utilisant que des ressources plus ou moins infinies (le vent ou le soleil, la biomasse). Selon les calculs de plusieurs études, on pourrait théoriquement alimenter la planète entière en électricité avec seulement 500 000 km carré de panneaux solaires par exemple (soit à peine la surface de l’Espagne). En théorie, il serait donc relativement simple d’investir massivement dans les énergies renouvelables, pour produire enfin une énergie propre et non polluante.
Mais les énergies renouvelables n’ont pas que des avantages. Toutes les sources de production d’énergie dites renouvelables ont des impacts environnementaux et leur production n’est pas toujours si simple qu’il n’y paraît.
Les énergies renouvelables ne remplacent pas toujours le pétrole
D’abord, la plupart des énergies renouvelables, que ce soit le solaire, l’éolien ou même les énergies marines, produisent une seule énergie : l’électricité. Or l’électricité n’est pas la seule énergie que nos sociétés utilisent. En France par exemple, l’électricité ne représente que 24% de l’énergie totale que nous consommons. En plus de l’électricité, nous utilisons beaucoup de pétrole (42% de notre consommation énergétique) mais aussi d’autres sources d’énergie comme le gaz ou le charbon. Dans l’absolu il serait possible de remplacer certaines de ces énergies par de l’électricité (par exemple, faire du chauffage électrique plutôt que du chauffage au gaz, ou remplacer les voitures à essence et diesel par des voitures électriques). Mais ce n’est pas possible partout et tout le temps. Par exemple, nous utilisons du pétrole notamment pour certains processus industriels, mais aussi pour le transport aérien, et il nous est pour l’instant très difficile de remplacer cette énergie par de l’électricité.
Si les énergies renouvelables permettent de rendre notre production électrique plus durable, cela ne résout donc que 25% du problème ! Il faut encore résoudre la question du pétrole, qui représente presque la moitié de nos consommations énergétiques. Bien évidemment, il existe aussi des alternatives « renouvelables » aux énergies fossiles comme le pétrole : c’est le cas notamment du biogaz (du gaz issu de la biomasse) ou de l’hydrogène renouvelable (produit à partir d’électricité renouvelable). Mais pour l’heure, ces sources d’énergie sont difficiles à produire, et ne permettent pas toujours de remplacer techniquement les énergies fossiles : on ne sait pas, par exemple, faire voler d’avion grâce à l’hydrogène aujourd’hui.
Les énergies renouvelables ne sont pas 100% propres
Le deuxième problème, c’est qu’on associe souvent énergie renouvelable avec énergie propre. Or ce n’est pas tout à fait le cas. En effet, si les éoliennes ou les panneaux solaires permettent de produire de l’électricité sans émettre de CO2, la production de ces éoliennes et de ces panneaux solaires, elle, émet du CO2 et un certain nombre de pollutions. En effet, il faut extraire les matières premières, fabriquer les éoliennes ou les panneaux solaires, transporter les matériaux et les pièces, les assembler. Durant ce processus, on consomme du pétrole et de l’énergie, et donc on produit du CO2, on utilise des matériaux, qu’il faut extraire, ce qui génère des déchets et des polluants.
Bien sûr, les énergies renouvelables restent globalement bien plus écologiques que le gaz naturel, le pétrole ou le charbon, notamment du point de vue climatique : selon le rapport du GIEC de 2011, des panneaux solaires émettent 10 fois moins de CO2 par kWh d’électricité produite que le gaz naturel, et 20 fois moins que le charbon ou les produits pétroliers. Pour l’éolien les chiffres sont encore meilleurs puisqu’il émet 4 fois moins que le photovoltaïque. Mais il ne faut pas croire que ces énergies sont 100% propres pour autant. D’ailleurs, des études ont montré que si elles étaient meilleures pour le climat, les énergies renouvelables pourraient s’avérer plus nocives pour la biodiversité et les écosystèmes que les énergies fossiles.
Énergies renouvelables : la question des ressources
Cet impact sur la biodiversité est notamment lié au fait que les énergies renouvelables demandent énormément de ressources, notamment minérales. Pour construire des panneaux solaires, des éoliennes, ou pour produire des piles à combustible et des batteries pour les véhicules électriques ou à hydrogène, il faut des métaux, des matières premières : lithium, cobalt, cuivre, terres rares et lanthanides, or, nickel, etc. Il faut donc des mines, qui constituent un problème environnemental majeur.
Mais surtout, cette dépendance aux ressources pose la question de la disponibilité des matières premières : aura-t-on assez de lithium pour faire la transition énergétique ? Les ressources en cuivre seront-elles suffisantes pour la transition vers les énergies renouvelables ? Comment va-t-on gérer la dépendance à ces ressources qui sont bien souvent produites dans un nombre restreints de pays ? Autant de questions qui sont à la fois écologiques, sociales et économiques, et qu’il faut bien garder à l’esprit quand on évoque la transition énergétique globale.
L’intermittence et l’efficacité énergétique des énergies renouvelables
Enfin, le dernier problème des énergies renouvelables, c’est que leurs modes de production sont beaucoup plus complexes que ceux des énergies fossiles. Pour utiliser du gaz, du charbon ou du pétrole, il suffit d’extraire ces ressources, et d’en faire la combustion dans une centrale ou dans un moteur. Pour les énergies renouvelables, c’est beaucoup plus difficile. Pour la production électrique par exemple, les sources d’énergie comme l’éolien ou le solaire ont la particularité d’être irrégulières, ou plutôt « intermittentes ». Concrètement, pour qu’un panneau photovoltaïque fonctionne, il faut qu’il y ait du soleil. S’il n’y en a pas, le panneau ne produit pas d’électricité. Idem pour l’éolien. Généralement, on admet que l’éolien est en capacité de produire de l’électricité environ 2600 heures par an (30% du temps) et le solaire environ 1200 heures par an (15% du temps), dans un pays avec un climat similaire à la France. Avec l’hydraulique, il est possible de contrôler en partie la production, puisque l’eau est stockée dans un barrage et que la production peut donc être « activée » à volonté.
Mais si l’on veut généraliser l’utilisation de l’énergie renouvelable avec des panneaux solaires et des éoliennes, il faut être capable de stocker l’énergie pour en disposer lorsqu’il n’y a pas de vent ou pas de soleil. Or à l’heure actuelle, il est très difficile et très coûteux de stocker l’électricité. Il faut fabriquer des batteries, qui utilisent énormément de ressources (métaux précieux, terres rares, lithium), sont relativement coûteuses en termes environnementaux, et dont le fonctionnement n’est pas encore optimisé.
La plupart des pays engagés dans une transition énergétique centrées sur les énergies renouvelables font face au problème de l’intermittence. Cette année le Portugal a alimenté 100% de son réseau électrique grâce aux renouvelables pendant 5 jours. Mais cela n’a été possible que grâce à une conjonction de facteurs favorables : ces 5 jours ont eu lieu à une période où la demande énergétique était basse (fin mai, avec des températures élevées, des journées très ensoleillées qui limitent les besoins en éclairage et en chauffage), et où dans le même temps la production était élevée (grâce à la présence du soleil notamment). De plus le Portugal a pu compter sur son important réseau hydroélectrique qui permet une production stable.
Mais en Allemagne par exemple, la nature intermittente des énergies renouvelables oblige le pays à disposer d’autres sources d’énergie. Dans les périodes difficiles (comme en hiver, où la demande en électricité est forte, et où la production via le renouvelable est faible par manque de soleil), l’Allemagne est forcée d’importer son énergie, ou d’utiliser en renfort ses centrales à charbon. Peu après le début de la fameuse Energiewende (la transition énergétique et l’arrêt du nucléaire en Allemagne), les émissions de CO2 du pays ont augmenté car l’utilisation du charbon a augmenté pour compenser l’intermittence des renouvelables. En 2015, le charbon a fourni la moitié de l’électricité allemande, et les émissions du pays ont augmenté de 1.1%. Depuis, le pays a développé son infrastructure de production, et grâce aux échanges d’électricité avec ses voisins, elle a pu se passer progressivement d’une partie de sa production fossile d’électricité et ses émissions ont baissé. Mais le défi est encore loin d’être résolu pour les grands pays comme l’Allemagne qui souhaitent se convertir aux énergies renouvelables.
De même, l’hydrogène est une énergie (ou plutôt, un vecteur énergétique) difficile à produire : pour qu’il soit « vert » ou « renouvelable » il faut produire cet hydrogène en utilisant de l’électricité renouvelable (elle même difficile à produire) grâce à des électrolyseurs. Puis il faut stocker et transporter cet hydrogène, et l’utiliser, par exemple dans des piles à combustible. À chaque étape, on enregistre des pertes énergétiques, on dit alors que l’efficacité énergétique de l’hydrogène n’est pas très bonne. Et cela signifie que l’hydrogène n’est pas si écologique que ça, in fine.
Rendre les renouvelables viables : c’est possible ?
Finalement, on voit que les énergies renouvelables ne peuvent pas constituer à elles seules une solution miracle à nos problèmes environnementaux. À l’heure actuelle, les énergies renouvelables sont les énergies les moins polluantes en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Mais de nombreux problèmes rendent encore leur généralisation complexe. D’abord, les énergies renouvelables ne permettent pas encore de remplacer totalement les consommations de pétrole du transport ou de l’industrie. Ensuite, l’intermittence pose un gros problème aux grands pays qui ne disposent pas d’hydroélectricité ou de nucléaire pour stabiliser leurs productions d’énergie.
Généraliser les énergies renouvelables dans un grand pays industrialisé est donc un défi gigantesque, qu’il faut anticiper pour ne pas qu’il provoque d’autres problèmes environnementaux (usage des ressources, destruction des écosystèmes, etc.). Pour que les renouvelables soient une solution écologique viable, il faut réunir plusieurs facteurs.
D’abord et en priorité, une réduction massive de nos consommations énergétiques : c’est la sobriété énergétique. Le plus grand des défis est sans doute dans le secteur des transports, où il faut opérer une réduction massive de l’utilisation d’énergie. Cela veut dire que l’on ne pourra certainement pas continuer à rouler tous, tous les jours, en voiture individuelle, très énergivore, et ce, même si ces voitures sont électriques. Une bonne politique de mobilité durable doit passer par une réduction de la dépendance à la voiture. (Voir aussi : La voiture électrique est-elle écologique ? et La voiture à hydrogène est-elle écologique ?)
Ensuite, il faut viser une réduction nette généralisée de notre consommation énergétique, afin d’atteindre des besoins énergétiques que les renouvelables pourront satisfaire plus facilement. Cela implique bien sûr de veiller à l’efficacité énergétique, aux économies d’énergie, mais aussi de repenser notre modèle économique pour développer des industries moins énergivores, voire en réduisant notre production industrielle.
Il faudra ensuite développer des manières de contrer l’intermittence. C’est pour cela que la question du stockage d’électricité est l’un des gros enjeux du secteur du renouvelable. Mais pour résoudre la question du stockage, il faut des innovations afin de fabriquer des batteries efficientes et plus durables, et il faut aussi résoudre la question des matières premières… Dans le cas où l’on y parviendrait pas, il faudra miser sur des énergies plus stables comme l’hydroélectrique, avec le problème qu’elle n’est pas accessible partout. On peut aussi penser au nucléaire, une énergie qui émet très peu de CO2 (moins que le solaire), mais qui pose d’autres problèmes (sécurité, gestion des déchets…).
L’avenir des énergies renouvelables … ?
En conclusion, les énergies renouvelables sont probablement la source d’énergie la plus prometteuse en termes écologiques. D’une part, ce sont les énergies les moins émettrices de CO2, ce qui est essentiel du point de vue climatique. Et de toute façon, en plus d’être catastrophiques du point de vue environnemental, les énergies fossiles n’ont plus d’avenir à moyen terme car les réserves s’épuisent. Une transition vers le renouvelable sera donc inévitable. Mais pour parvenir à un modèle viable grâce aux énergies renouvelables, il ne suffit pas d’investir et de construire toujours plus d’éoliennes ou de panneaux solaires. Il faut un vrai projet de société, une société qui consomme moins d’énergie, beaucoup moins d’énergie. Il faut aussi être capable de stocker cette énergie et de mieux en gérer les flux de manière plus efficiente et décentralisée.
Bref, c’est un projet qui demande du temps et surtout un vrai investissement politique et économique, un vrai choix qui implique tout le monde, du consommateur en passant par les grandes et les petites entreprises et surtout, les pouvoirs publics.
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