Quarante-six ans après la première édition en 1977 de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, une nouvelle session s’est tenue à New-York entre le 22 mars et le 24 mars 2023. L’objectif était de trouver des solutions pertinentes à la crise mondiale de l’eau. Sans succès.
Dans les pays les plus riches, l’eau coule de l’eau du robinet à la demande, chauffe d’un simple geste de main et est potable à la consommation. Elle est utilisée à tout va, pour la consommation personnelle, pour les piscines privées, pour que la pelouse soit verte en été, pour faire tourner des industries polluantes…
Mais n’avons nous pas tendance à oublier que c’est une ressource rare, précieuse, et menacée ? On peut sincèrement se le demander, quand on voit qu’il aura fallu 46 ans aux instances internationales pour organiser la seconde Conférence des Nations Unies sur l’eau. 46 ans après la conférence de Mar del Plata en 1977, c’est à New-York que s’est tenue, quelques semaines après la sortie du rapport de synthèse du GIEC, une conférence qui devait relancer le débat sur la protection des ressources en eau.
Mais alors, que retenir de cet évènement ? Qu’a-t-on décidé à la conférence sur l’eau après 46 ans d’attente ? Pas grand chose, et le bilan reste très décevant face à une crise de l’eau qui s’intensifie.
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Le Programme d’Action pour l’Eau, quelles solutions à la crise de l’eau ?
Cette rencontre internationale, qui a réuni pas moins de 170 pays et une foule de 6500 personnes, constituées de décideurs politiques et de scientifiques, aurait dû permettre de trouver des solutions à la résolution de cette crise de l’eau, ce qui n’a pas été le cas. On espérait une réelle impulsion des pays en matière de gestion et de protection de la ressource en eau. Mais à l’image de nombreuses rencontre internationales, comme les COP et leurs déclinaisons (COP15 sur la biodiversité, COP27 sur le climat, désertification…), les gouvernements sont restés frileux et prudents dans leurs engagements.
Pour le moment un simple livrable a été produit dans le cadre de la conférence, le Programme d’Action pour l’Eau (Water Action Agenda) composé de 708 engagements, pris par les différents gouvernements face à la crise de l’eau. Problème, la pertinence et la valeur de ces engagements varient grandement d’une proposition à une autre. Selon le World Ressource Institute, près de 70% des engagements pris sont en décalage avec les risques climatiques et écologiques globaux, et la plupart ne sont pas assortis de modes de financements adéquats. Et surtout, aucun de ces engagements n’est contraignant.
Une proposition, celle de nommer d’un Envoyé spécial des Nations Unies pour l’eau, censé organiser et encadrer les futures discussions, était sur la table. Mais rien de déterminant n’a été décidé en ce sens. Malgré le soutien de 150 États pour la création de ce poste, les négociations n’auront pas permis de voir le projet se concrétiser. Même l’appel de quelques pays à renouveler l’expérience, et à préparer d’autres rencontres dans le futur n’a pas été entendu. Il n’y aura donc pas de COP sur l’eau, pour le moment en tout cas.
Voir également : D’où vient l’eau sur Terre ?
Quels progrès depuis la dernière Conférence sur l’eau ?
Près de cinq décennies après la Conférence sur l’eau en 1977 à Mar del Plata, une ville côtière de l’Argentine, les choses n’ont donc pas fondamentalement changé. À l’époque, l’enjeu était déjà de prévenir la future crise de la ressource en eau en améliorant l’accès à l’eau potable, l’assainissement et en modifiant les usages.
Déjà à l’époque, certains pays, notamment parmi les pays en développement, militaient pour avoir accès à des financements, justement pour développer des infrastructures adaptées et pour anticiper la crise de l’eau. Ils ont été gentiment remerciés par les pays développés, qui ont préféré à l’époque leur offrir une étude sur le développement et le financement des projets hydrauliques, comme le relatait en 1977 Robert Stein, membre de l’Institut International pour l’Environnement et le Développement, dans un article de la revue Nature.
Il n’y a donc pas eu de politique internationale cohérente de gestion de l’eau, pas de financements réellement débloqués. Certes, des efforts significatifs pour l’accès à l’eau dans le monde auront permis en 20 ans, entre 2000 et 2020, d’offrir de l’eau potable à un nombre croissant de personnes. Mais en même temps, l’eau n’a jamais été aussi gaspillée, sur-utilisée, polluée et la crise climatique et environnementale fait craindre de graves pénuries dans le futur.
Une crise de l’eau toujours présente et qui s’aggrave
Les difficultés d’accès à une eau potable sont le quotidien, encore aujourd’hui, de près de 2 milliards de personnes en Afrique subsaharienne – où 70 % de la population ont un accès limité à l’eau potable –, en Afrique de l’Est, en Asie centrale et du Sud, et enfin au Moyen-Orient. Ils seraient en outre 3,6 milliards à ne pas bénéficier d’un accès à des toilettes.
La crise environnementale n’arrange en rien les problèmes de sécheresse dans certaines zones déjà fragiles d’Afrique Sub-saharienne, d’Afrique de l’Est ou du Moyen-Orient. De nombreuses ressources en eau ont été dégradées, un peu partout dans le monde.
L’exemple le plus parlant ? L’assèchement de la mer d’Aral, ce lac d’Asie centrale symbole des difficultés et des conflits liées à l’usage de l’eau. Les Soviétiques ont fait le choix dans les années 1960 de détourner une partie des fleuves qui alimentait la mer d’Aral afin de cultiver les vastes steppes des deux pays voisins, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Le lac a été vidé, à tel point que lors du XXe siècle, la mer a perdu 75% de sa surface. La pêche commerciale dans la zone s’est effondrée, malgré une population locales qui a fortement augmenté aux abords de la mer. Cette décision catastrophiques pour les écosystèmes, la biodiversité locale, les habitants de la région en payent d’autant plus le prix aujourd’hui avec le changement climatique.
Même constats au lac Tchad, ou au lac Ourmia, et même dans le chateau d’eau de l’Asie, le Tibet, où les ressources en eau se dégradent avec le réchauffement climatique. La crise de l’eau est encore et toujours là.
Quelle gestion pour l’eau, cette ressource commune essentielle ?
La question de la gestion de l’eau n’a donc jamais été aussi fondamentale. C’est pourquoi António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, rappelait à l’ouverture de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, que la ressource doit être perçue et gérée comme un bien commun dont les pouvoirs publics doivent s’emparer afin d’offrir un accès équitable à toutes et tous. Désormais, même les pays développés, en particulier ceux du Nord, commencent à entrevoir les premières répercussions majeures du changement climatique sur les ressources en eau de leur territoire. Les épisodes climatiques extrêmes, plus récurrents et plus violents depuis quelques années, donnent déjà un aperçu des défis liés à l’usage de l’eau dans un monde qui se réchauffe : sécheresses, pénuries d’eau, débat sur les méga-bassines.
Pourtant, nous ne parvenons pas à décider ensemble comment mettre en place une gouvernance écologique de cette ressource commune. Les intérêts économiques continuent de dominer les intérêts communs, même lorsque l’on parle de ressource vitale comme l’eau. Les grandes puissances, l’agro-business, ou encore l’industrie continuent de s’accaparer ou de privatiser ces ressources en eau et il semble impossible de mettre en place une gestion résiliente.
La conférence de 2023 est le symbole de cet échec. Alors face au déni des gouvernements, face aux mouvements de privatisation de cette ressource indispensable, et face au spectre de sa financiarisation, les populations s’organisent par elle-même pour se réapproprier la ressource en eau, et ne pas la laisser à une minorité influente. Car faute de politiques publiques vraiment ambitieuses, les conflits se multiplieront à mesure que les sécheresses s’aggravent et que les restrictions s’étendent, comme en France avec les mégabassines agricoles dans les Deux-Sèvres et en Vienne, qui font l’objet d’une lutte acharnée depuis l’automne 2022 pour que l’eau reste un bien commun.
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