Le Réseau Action Climat (RAC), en partenariat avec l’ADEME, s’est emparé du changement climatique et de ses conséquences sur les régions françaises. Il publie un rapport d’une centaine de pages qui cartographie dans toutes les régions de France et à partir des données du GIEC les conséquences du changement climatique sur le territoire français et ses secteurs économiques clefs. Et le bilan est sans appel : l’ensemble du pays est menacé. Le point par région.

Cartographie des risques climatiques – Réseau action climat

Dans les Alpes, les glaciers disparaîtront d’ici 2100 au plus tard

« La région Auvergne-Rhône-Alpes est l’une des plus touchées par la hausse des températures », souligne dès les premières pages le rapport. Lors des saisons estivales, le mercure s’est élevé de +3,3 °C en moyenne entre 1963 et 2022. Face à la hausse des températures, les premiers à flancher sont ces grands sommets blancs emblématiques de la région.

« Et pour cause : dans les Alpes, les glaciers ont perdu 70 % de leur volume depuis 1850, dont 10 à 20 % après 1980 », rappelle le RAC. Pire, ces étendues de glace « éternelles » devraient tous disparaître d’ici 2100 au plus tard si les émissions actuelles continuent leur progression. La « mer de Glace », le plus grand glacier de France situé à 2100 m d’altitude, perd en moyenne 4 m d’épaisseur par an depuis les années 1980. 

Mais pas besoin d’aller aussi haut pour observer les effets du changement climatique. Les habitants des régions montagneuses ne peuvent observer qu’une diminution continue de l’enneigement en moyenne montagne. « Si on n’observe pas de tendance générale sur la quantité de précipitations, celles-ci tombent de moins en moins sous forme neigeuse », précise le rapport. Au-delà de la catastrophe écologique, cette disparition progressive de la neige laisse toute une économie liée à l’hiver et au ski exsangue. Plusieurs dizaines de stations de ski ont déjà mis la clef sous la porte. 

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Adieu aux vins de Bourgogne ?

Que serait la région Bourgogne-Franche-Comté sans ses vignobles ? Rassurez-vous, les vignobles ne vont pas disparaître tout de suite, mais le changement climatique a des conséquences directes tant sur les pratiques agricoles que sur la composition du vin. « Cela a déjà beaucoup évolué depuis les années 1970, puisque les dates de vendanges ont déjà avancé de 3 semaines à un mois, et les vins sont naturellement plus sucrés et plus alcoolisés », précise le rapport.  Si le poids des grappes et le rendement ont augmenté grâce à la hausse des températures moyennes, c’est au prix de la qualité du vin. 

En outre, le gel tardif, dû à l’instabilité météorologique, menace grandement les récoltes. Ces dernières années, les vignerons français ont malheureusement pu éprouver à leurs dépens les conséquences de ces gels tardifs. Selon un rapport d’Alterre Bourgogne-Franche-Comté, en 2019, ce phénomène climatique aurait entraîné des dommages sur les vignes de Bourgogne estimés à 1,5 million d’euros.

Les fondations des châteaux de la Loire fragilisés…ainsi que les logements

Qui aurait cru que les sécheresses feraient trembler les vieilles pierres ? C’est pourtant le cas pour les châteaux centenaires de la Loire. Si les guerres en ont fait tomber quelques-uns, le changement climatique pourrait bien endommager les châteaux de la Loire existants. La région, à l’instar des autres régions de France, devrait subir des sécheresses estivales plus fortes à cause de la « hausse de l’évaporation des sols et de la transpiration des végétaux ». Ces épisodes de sécheresse seront, selon les modèles climatiques, plus fréquents, plus longs et plus intenses.  

Quel rapport avec les châteaux de la Loire ? D’ici 2050, « le débit moyen annuel des cours d’eau du bassin Loire-Bretagne devrait chuter de 10 à 40 %, et le débit de la Loire en période d’étiage de 25 à 50 % », souligne le rapport. Or, certains châteaux, notamment celui de Chenonceau ou celui de Sully-sur-Loire, voient leurs fondations se fragiliser en période de sécheresse, faute d’eau. En effet, les fondations doivent rester immergées en tout temps pour rester en bon état. Autre point, « plusieurs châteaux sont situés en zone à risque “modéré” de retrait-gonflement des argiles : le Clos-Lucé, Blois, Chenonceau, Azay-le-Rideau… Ces deux derniers étant en plus situés en zone à risque d’inondation », précise le rapport.

La région Centre-Val de Loire est la région où la population est la plus exposée aux risques de retrait-gonflement des argiles (RGA), « 67 % des habitants sont en zone d’aléa fort ou moyen, soit 1,720 millions de personnes ».

Les régions d’outre-mer, entre vulnérabilité économique et environnementale

La lutte contre la « vie chère » est devenue un mouvement de protestation et de revendication majeur en fin d’année 2024, que ce soit en Martinique ou à la Réunion. La précarité est le quotidien de nombreuses familles d’outre-mer : le taux de pauvreté y est deux fois (Guadeloupe, Martinique) à cinq fois (Mayotte) plus important que dans l’Hexagone.

À ces difficultés économiques s’ajoutent des aléas climatiques extrêmes récurrents (Cyclones, fortes précipitations) qui devraient s’intensifier avec le changement climatique d’après le GIEC. En 2017, l’ouragan Irma qui a frappé Saint-Martin et les autres îles des Caraïbes a été « le plus fort jamais enregistré dans cette région et est considéré comme représentatif de ce que seront les ouragans du futur », précise le RAC. Des vagues de 10 m de hauteur et des rafales de vent de 360 km/h ont dévasté la région, provoquant la mort de 136 personnes, plus d’un million de blessés, la destruction et dégradation de 95% des bâtiments et de la biodiversité. 

+2 m d’ici 2100, les littoraux bretons grignotés par l’océan

« À Brest, le niveau de la mer a connu une hausse de 20 cm depuis 1850 – 1900 (dont 13 cm environ depuis 1970) », indique le RAC. 20 cm, cela peut sembler anecdotique. Et pourtant, les conséquences sur les littoraux sont déjà visibles : près de 130 000 Bretons sont menacés par des risques de submersion, plus particulièrement la cité corsaire de Saint-Malo et ses 25 000 habitants qui vivent sous le niveau de la mer. 

Globalement, la montée des eaux participe à l’érosion de 400 des 2000 km de côte bretonne. Plus de 50 cm sont grignotés chaque année. Mais ce sont également les écosystèmes, côtiers et agricoles, qui sont touchés par ce phénomène, plus précisément à cause du sel marin, toxique pour la faune et la flore. « Selon un décret publié le 31 juillet 2023, parmi les 242 communes françaises qui doivent prendre des mesures d’urbanisme et d’aménagement contre l’érosion du littoral, 93 sont situées en Bretagne, dont 52 dans le Finistère », note le rapport. 

Mais pour comprendre l’ampleur du phénomène, il faut aussi se projeter dans le futur. Quel que soit le scénario, la hausse du niveau des océans s’accélèrera et continuera malgré les efforts. Si l’humanité parvient à respecter l’Accord de Paris (rester sous la barre des +2 °C et si possible 1,5°C), le niveau de la mer devrait augmenter d’un mètre d’ici 2100, et de deux mètres d’ici 2150. Dans les pires des scénarios, les 2 mètres pourraient être atteints dès 2100 dans la région.

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En Corse, « 70% du récif corallien de la réserve naturelle de Scandola » a disparu

Connue pour ses paysages bucoliques, la Corse regorge d’une biodiversité foisonnante, avec de nombreuses espèces endémiques (salamandre de Corse, le mouflon corse). L’île de Beauté, située au cœur de la méditerranée, devrait connaître dans les prochaines décennies une hausse importante des températures moyennes, et les dangers qui vont avec… Le stress hydrique, la baisse des débits des cours d’eau, les feux de forêt, la hausse de la température de l’eau, les submersions vont métamorphoser les paysages corses et compromettre l’accès à de nombreuses aménités « naturelles ». C’est ce qu’indique un rapport de l’UICN de 2018, « les conséquences du changement climatique provoqueront la disparition des principaux ‘monuments naturels’ de Corse ».

70% du récif corallien de la réserve naturelle de Scandola a déjà été perdu, en raison du phénomène de blanchissement, comme l’indique le dossier du RAC. Autre exemple, les truites sont menacées par l’arrivée d’anguilles, plus habituées aux eaux chaudes, qui remontent petit à petit les cours d’eau.

Les industries chamboulées dans le Grand Est

Dans la région Grand Est, c’est un immense bassin industriel qui devrait être perturbé par le changement climatique. D’abord, en raison des pénuries d’eau. L’industrie est le premier secteur de prélèvement d’eau dans la région, il représente plus de la moitié (54%) des prélèvements réalisés dans le Grand Est. Comme le rappelle le RAC, « un tiers des entreprises de l’agroalimentaire ont déjà dû limiter leur production à cause d’un arrêté sécheresse ». Et le constat est similaire dans les autres industries. 

Les événements climatiques extrêmes (tempêtes, inondations, sécheresses, fortes chaleurs) limitent les capacités de production des industries. La production d’énergie hydraulique s’est effondrée de 21% en France lors des sécheresses de 2022. Et ces risques sont similaires pour la production d’électricité issue du nucléaire qui représente 70% de la production d’énergie du Grand Est, notamment en raison de la baisse des débits des cours d’eau. « À l’horizon 2050, les centrales en bord de cours d’eau, dont Chooz, Cattenom et Nogent, pourraient être contraintes de produire 2 à 3 fois moins d’énergie », complète le RAC.

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Les évènements climatiques menacent par ailleurs les sites industriels à risques, par exemple les sites SEVESO (production et stockage des substances pouvant être dangereuses pour l’homme et l’environnement) dans lesquels les incidents graves sont désastreux pour les travailleurs, les riverains et les écosystèmes proches.

Les Hauts-de-France, les pieds dans les l’eau

Déjà très touché par les inondations depuis quelques années, le territoire des Hauts de France risque de les voir se multiplier à l’avenir. « 6 communes sur 10 et 2,2 millions d’habitants sont menacées par le risque d’inondation en Hauts-de-France », souligne le rapport. Car cette région densément peuplée du nord de la France possède à la fois des zones côtières avec des risques de submersion, et des paysages qui facilitent les risques d’inondation, à l’instar du Pas-de-Calais, un territoire très plat et en proie à des inondations régulières. 

Si les aléas climatiques ont évidemment une importance, par exemple le volume de précipitations et  la saturation des sols en eau, ces inondations sont aussi le résultat d’une artificialisation des sols notable qui a marqué le territoire. « 9,2 % des sols sont artificialisés du fait de l’urbanisation », pointe l’association.

Île-de-France : Paris, ville la plus mortelle d’Europe ?

Impossible de passer à côté de la métropole de Paris pour comprendre la dynamique climatique de la région Île-de-France. Cette immense aire urbaine est particulièrement vulnérable à la hausse des températures. Selon un rapport du Conseil de Paris, les 50 °C sur le thermomètre pourraient être atteints dans la capitale d’ici la fin du siècle si la trajectoire d’émissions de GES actuelle se poursuit.

Lors des périodes de fortes chaleurs, Paris devient une fournaise pour ses habitants. Dans la ville, beaucoup de choses sont à revoir selon le RAC. L’urbanisation omniprésente, les matériaux inadaptés (béton, zinc sur les toits, asphalte…), les sols imperméables, le manque de végétalisation, la forte densité, bref, pour l’association environnementale : « la région cumule de nombreux facteurs qui favorisent l’effet d’îlot de chaleur urbain, qui intensifie les effets de la chaleur », et donc, la surmortalité également.

C’est du moins le constat d’une étude du Lancet Planetary Health à la suite des fortes chaleurs de 2022 qui considère Paris comme la ville avec le risque relatif de surmortalité lié à la chaleur le plus élevé parmi 854 villes européennes étudiées. « Santé Publique France comptabilise ainsi une surmortalité relative de + 21 % en Ile de France, en 2019 comme en 2022 », pointe le rapport du Conseil de Paris.

En Normandie, la première région agricole française au pied du mur

L’agriculture couvre dans la région de Normandie 2 millions d’hectares, soit 70% du territoire. Ce qui fait d’elle, la plus grande région agricole de France. Cependant, le changement climatique va perturber les pratiques agricoles. 

Si les cultures de betteraves semblent se satisfaire de ces nouvelles conditions climatiques, le reste des cultures sont grandement menacées. D’abord à cause des sécheresses et de la baisse de la disponibilité en eau, mais également en raison des fortes chaleurs pour les cultures et les cheptels, de la destruction et la pollution des terres, des précipitations intenses ou des ravageurs et pathogènes, favorisés par la hausse des températures. « D’ici la fin du siècle, les secteurs les plus éloignés de la Manche connaîtront de 60 à 90 jours de chaleur par an (+ ou = à 25 °C, ndlr) », complète le dossier, contre seulement 13,6 jours en moyenne sur la période 1976 – 2005.

Voir le dossier sur la crise de l’eau : Comprendre la crise de l’eau

En Nouvelle-Aquitaine, le recul du trait de côte menace le littoral 

La destruction en février 2023 de l’immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer avait fait grand bruit dans les médias. Construit en 1967 au plus près des plages de l’Atlantique, c’est le changement climatique et le recul du trait de côte qui ont obligé les autorités locales à engager la destruction du bloc de logement. Ses habitants font partie de ces premiers « réfugiés climatiques » en France. Une réalité que de nombreux habitants doivent faire face sur le territoire français, plus particulièrement dans les régions d’outre-mer.

« Entre 1967 et 2013, le trait de côte a reculé de 4,3 mètres par an en moyenne, s’approchant dangereusement des fondations du bâtiment », retrace le dossier du RAC. Mais c’est la tempête de l’hiver 2013 – 2014 qui met le dernier coup d’estoc au « Signal ». Le trait de côte a connu un recul de plus de 30 mètres lors de cette période. 

Pourra-t-on encore voguer sur le canal du Midi ? 

Le canal du Midi, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et reliant Toulouse à la Méditerranée, est de plus en plus affecté par les sécheresses liées au changement climatique. Ces épisodes climatiques perturbent l’ouverture au public de ce site touristique majeur de la région. En 2023, la saison a été repoussée à mi-mars au lieu de mi-février, et l’ouverture devrait arriver de plus en plus tard dans les prochaines années. Le canal est également au centre de tensions liées à la gestion de l’eau, « une partie est dédiée à l’eau potable, et plus de 60 % à l’irrigation agricole », explique une note du dossier. Ces conflits se sont intensifiés en 2023, quand des agriculteurs, confrontés à la sécheresse, ont bloqué des écluses pour réclamer plus d’eau pour l’irrigation.

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Les projections du GIEC indiquent que les périodes de sécheresse vont s’intensifier dans le sud de la France et le pourtour méditerranéen, exacerbant la concurrence pour l’eau et menaçant à la fois l’agriculture, le tourisme et les écosystèmes locaux.

Disparition des marais salants, la fin d’un métier millénaire ?

Les marais salants des Pays de la Loire, notamment à Guérande, sont menacés à long terme par le changement climatique. « Vieux de plus de 2000 ans, le métier de paludier qui consiste à récolter le sel dans les marais salants pourrait disparaître avec le changement climatique », constate le RAC. 

Bien que la hausse des températures favorise temporairement la production de sel grâce à une évaporation plus rapide, l’élévation du niveau de la mer constitue une menace majeure. En effet, les digues protégeant ces marais risquent de ne pas résister à une montée des eaux, ce qui pourrait entraîner leur disparition complète. Des épisodes comme la tempête Xynthia en 2010 ont déjà montré la vulnérabilité de ces écosystèmes, mais aussi des infrastructures humaines face aux tempêtes et aux intempéries.

La Provence-Alpes-Côte d’Azur en proie aux flammes

Troisième région économique de France en 2022, la Provence-Alpes-Côte d’Azur attire par ses paysages du sud de la France et ses températures d’habitude clémentes. Mais pour combien de temps ? Le changement climatique représente  une menace sans précédent pour les forêts de la deuxième région la plus boisée de France métropolitaine. « La moitié des peuplements régionaux étaient considérés comme dépérissants en 2018 », précise le RAC. Parmi les essences les plus exposées : le sapin, le pin sylvestre, le chêne pubescent ou encore le pin d’Alep. Mais « Même les espèces les plus résistantes montrent un fort taux de mortalité ».

Les habitants de la région ne peuvent que constater l’intensification des sécheresses et des paysages défigurés par les feux de forêt réguliers dans la région, notamment dans le département du Var qui chaque année voit des centaines, voire des milliers d’hectares, partir en fumée. Et c’est sans compter une vulnérabilité accrue des forêts face au stress hydrique, et aux maladies et ravageurs.