Pour ses nombreux avantages économiques, pour la santé et l’environnement, le vélo gagne du terrain comme moyen de déplacement domicile – travail. Malgré une forte progression, la France reste pourtant en retard par rapport à ses voisins européens. Les entreprises multiplient donc les initiatives pour accompagner cette transition de la voiture vers le vélo.
La recette est plutôt simple : un vélo, des pneus bien gonflés, un casque, des lumières et un cadenas. Un matin, vous enfourchez votre vélo pour vous rendre au travail. Vous voilà dorénavant membre de la famille des vélotaffeurs et vélotaffeuses. La pratique plaît, et elle amène même de plus en plus d’adeptes.
Si elle reste encore marginale (moins de 3% des déplacements domicile travail en 2017), l’Insee recensait en 2020 une croissance soutenue des déplacements domicile – travail à vélo dans toutes les collectivités de plus de 500 000 habitants, allant jusqu’à gagner 13,7% pour l’eurométropole de Strasbourg ou 8,3% pour la métropole de Bordeaux. Difficile cependant d’avoir des données précises et récentes sur la tendance nationale.
« Cela fait une bonne décennie, depuis 2014 – 2015, que le ‘vélotaf’ prend son essor », retrace Aymeric Cotard, Chargé d’animation réseau salarié de Mieux se Déplacer à Bicyclette (MDB), une association francilienne de défense du vélo active depuis 1974. Mais sur les cinq dernières années, différents événements ont permis un nouvel élan dans la pratique du vélo.
Le vélo, une solution idéale face aux aléas des transports
« Nous avons d’abord eu les grèves des transports en commun en décembre 2019 qui avaient paralysé les transports et le réseau routier. Puis bien sûr, il y a eu la pandémie du Covid et les nombreuses contraintes que les transports en commun représentaient lors de cette période », rappelle Aymeric Cotard. « À chaque fois le vélo s’est révélé comme une solution idéale pour se déplacer ». Rien qu’en Île-de-France, la fréquentation des aménagements cyclables a connu une hausse de 166% entre 2018 et 2022 selon une enquête de septembre 2023 du Collectif Mobilité, et « 44% des cyclistes Franciliens, ont débuté leur pratique depuis 3 ans ou moins ».
Pour les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), les habitants d’Île de France ont été une fois de plus poussés vers le vélo. Pour faire face aux nombreuses congestion annoncés des transports en commun et du réseau routier, l’Île-de-France s’est dotée de 120 km de nouvelles pistes cyclables pour les JOP, portant à 400 km le réseau cyclable de la région. Plus de 27 000 places de stationnement gardiennées pour les vélos ont été mises à disposition lors de l’événement sportif. « Parmi elles, 11 000 places resteront en héritage, dont plus de 3 000 places pérennes dans les grandes gares parisiennes », note un article du Ministère chargé des transports.
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Le B2B du vélotaf se développe
Vélo de fonction pour les déplacements professionnels, flotte de vélos partagés mis à disposition par l’entreprise, aide à la réparation des vélos des salariés directement sur le lieu de travail, les services se multiplient pour accompagner et faciliter l’usage du vélo. Les entreprises qui développent de tels services en B2B se multiplient comme Tandem qui propose des vélos de fonction en location pour les déplacements professionnels et domicile – travail, mais aussi des flottes de vélos partagés, directement dans les entreprises. Une solution utile pour les grands groupes qui ont plusieurs sites proches.
Des services qui correspondent aux besoins des entreprises. C’est le cas d’Edenred France, spécialisée dans les avantages aux salariés, qui a décidé, en partenariat avec les entreprises BeeToGreen et Betterway, de proposer à ses salariés en amont des JOP une flotte de 15 bicyclettes électriques pour assurer les trajets du quotidien domicile – travail.
« Cela a été l’opportunité pour des gens qui n’avaient jamais testé le vélo pour leurs trajets domicile – travail, ou juste le fait d’essayer un vélo électrique dans Paris, de pouvoir le faire, explique Antoine Du Teilleul, fondateur de BeeToGreen, spécialiste de la micro mobilité en entreprise. En plus de proposer des ateliers de réparation directement sur le lieu de travail, l’entreprise a fournit dans le cadre de ce partenariat avec Edenred France les vélos et les équipements (casques et cadenas), et a dispensé une formation à la sécurité routière aux salariés.
Le vélotaf : un enjeu RSE
« Tout l’enjeu est d’arriver à ce que ces petites actions poussent les gens à prendre le vélo pour leurs déplacements quotidiens. Tout cela est vertueux et va notamment alimenter la politique RSE de décarbonation des trajets pour les entreprises concernées », complète le fondateur de BeeToGreen qui accompagne à ce jour plus d’une centaine d’entreprises. Le trajet domicile/travail est le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre des activités de bureau et 13% des émissions de GES des transports proviennent des déplacements entre le domicile et le travail indique une étude de 2023 de l’Insee selon des données de 2019.
La flotte de vélos, qui va être disponible pour les employés pour un mois supplémentaire, complète un autre service de mobilités offert depuis 2022 aux salariés d’Edenred France, le Forfait Mobilités Durables (FMD). Ce dispositif financier de soutien aux salariés du secteur privé et du public, mis en place par l’État français, permet à l’employeur de prendre en charge les frais de déplacement bas-carbone (vélos, covoiturage, mobilité partagée). Et ce, jusqu’à 800 euros (défiscalisés) par an et par salarié . « D’après le dernier baromètre 2024 de France mobilités durables, 30% des organisations du secteur privé ont déployé le FMD », souligne Denis Saada, PDG de Betterway et président de l’Alliance des mobilités, et 46% des entreprises qui n’ont pas encore déployé ce mécanisme prévoient de le faire.
Pour le salarié, prendre son vélo peut avoir un vrai bénéfice économique. Quand le salarié loue un vélo de fonction, « le plus souvent l’entreprise prend en charge 70% du loyer, et le reste est à la charge du salarié », précise Pauline Juvigny, responsable marque et marketing de Tandem. Pour l’entreprise, la location mensuelle de 50 vélos coûte environ 2075 € après déduction d’impôts et pour chaque salarié, cela revient à environ 23,7 € par mois. Plus généralement, le vélo coûte bien moins cher au km que la voiture, « 10 km par jour représentent 100 € par an à vélo contre 1 000 € par an en voiture », rappelle l’ADEME,.
Des nouveaux services à déployer dans les entreprises
Bon pour la santé des salariés, économiquement plus rentable pour leur portefeuille et ceux de l’État que la voiture, plus vertueux pour l’environnement et le climat, le vélo cumule donc de nombreuses qualités comme le souligne une étude de 2024 de The Lancet Regional Health. Et pourtant, malgré une forte progression du vélo, sa pratique reste marginale en France par rapport aux autres pays européens. Seulement 3% des trajets domicile-travail effectués en France sont à vélo et 60 % des trajets domicile-travail de moins de 5 km sont effectués en voiture contre seulement 5 % à vélo, indique une note de l’ADEME. C’est deux fois moins que la moyenne des pays de l’Union européenne (7 %) et encore bien loin des Pays-Bas (20 %), le pays européen du vélo.
Pour permettre son développement dans l’Hexagone, plusieurs freins restent en effet à lever comme la sécurité sur les routes et le risque de vol qui inquiètent le plus les vélotaffeurs. « On part d’un peu plus loin, dans des villes de taille un peu plus modestes que pour les grandes métropoles, mais on voit bien que le développement d’infrastructures sécurisées pour les vélos, et de subventions publiques et privées pour les salariés facilitent grandement le déploiement du vélotaf », estime Denis Saada. Mais les entreprises doivent elles aussi faire leur part pour mieux répondre aux besoins des salariés, notamment par la création de parkings sécurisés pour les vélos, de casiers de recharge pour les batteries des véhicules électriques et de douches pour les salariés.
Crédits : ateliers BeeToGreen