On parle de plus en plus de « devoir de vigilance » des entreprises, en matière sociale et environnemental ? De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que cela implique pour les entreprises ? Quelles sont les lois, les règles, les obligations ?
Le devoir de vigilance : définition
Le devoir de vigilance est une notion juridique selon laquelle les grandes entreprises ont le devoir de mettre en œuvre des mesures pour identifier, prévenir et atténuer les risques liés aux droits de l’Homme, à l’environnement, à la santé et à la sécurité tout au long de leur chaîne de valeur.
Cette notion a été introduite pour la première fois dans le droit Français par la loi n°2017-399, dite loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
Devoir de vigilance : quelles obligations pour les entreprises ?
Le devoir de vigilance s’inscrit dans une lignée de réglementations qui ont pour objectif d’encadrer la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), en créant des obligations pour les entreprises en matière sociale et environnementale notamment. Concrètement, dans le cadre du devoir de vigilance, les grandes entreprises ont l’obligation d’élaborer et mettre en œuvre un plan de vigilance, qui doit contenir des mesures de prévention, des procédures d’évaluation des risques et des moyens pour remédier aux atteintes constatées en matière de droits humains, d’atteintes à l’environnement, à la santé ou encore à la sécurité. Le plan de vigilance doit être rendu public et transmis aux partenaires sociaux de l’entreprise. Les obligations des entreprises incluent également la mise en place de dispositifs de suivi pour vérifier l’efficacité des mesures de prévention mises en œuvre. En cas de manquement à ces obligations, les entreprises peuvent être tenues responsables civilement et pénalement.
L’obligation de vigilance porte pour les entreprises sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, ce qui signifie que les entreprises ont le devoir de faire en sorte de limiter les risques humains, sociaux et environnementaux à la fois au sein de leurs activités propres, mais également au sein des activités de leurs fournisseurs et partenaires commerciaux. Concrètement, cela oblige donc les entreprises à faire en sorte que leurs fournisseurs et prestataires soient eux aussi plus responsables en matière sociale et environnementale.
Qui est concerné par le devoir de vigilance ?
Le devoir de vigilance s’applique s’applique aux grandes entreprises ayant leur siège social en France ou aux filiales contrôlées par une entreprise française et employant plus de 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 salariés dans le monde. Elle s’applique également qu’aux entreprises qui ont leur siège social à l’étranger mais exercent des activités en France et remplissent les critères de seuil d’effectifs.
Devoir de vigilance : quelles conséquences pour les entreprises ?
La plupart des réglementations liées à la responsabilité de l’entreprise se contentent de mettre en place un devoir de transparence et de reporting. C’est le cas de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), ou des précédentes réglementations françaises (Loi NRE, puis Loi sur la Croissance Verte, Loi Pacte…). Le devoir de vigilance constitue en ce sens une exception puisqu’il pousse la responsabilité juridique plus loin : on passe d’une obligation de transparence à une obligation de mise en oeuvre d’un plan de vigilance, qui doit comporter des actions concrètes et raisonnables.
Le devoir de vigilance constitue donc une réglementation plus contraignante pour les grandes entreprises, qui peuvent alors être tenues responsables pénalement et civilement des atteintes aux droits humains, sociaux et environnementaux qui ont lieu sur leur chaîne de valeur.
D’ailleurs, ces dernières années, plusieurs affaires judiciaires ont été liées au devoir de vigilance. C’est en vertu du devoir de vigilance qu’a pu être prononcée notamment la condamnation en 2021 du groupe Total pour manquement à son devoir de vigilance suite à une pollution de la raffinerie de Donges en 2008. En 2020, le groupe français de distribution Carrefour a également été poursuivi pour non-respect de son devoir de vigilance dans le cadre de la gestion de sa chaîne d’approvisionnement en Colombie. Ces affaires ont montré que les entreprises peuvent être tenues responsables de leurs activités, y compris celles de leurs filiales et fournisseurs, et que le devoir de vigilance est une obligation importante pour les entreprises pour assumer leur responsabilité sociale.
Voir aussi : Devoir de vigilance : quelles conséquences juridiques ?
Vers un devoir de vigilance européen ?
En février 2022, la Commission Européenne s’est saisie du concept de devoir de vigilance en proposant une directive prévoyant d’intégrer cette notion au droit européen. Il s’agit de la CSDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive). Si elle est adoptée, cette directive élargirait le champ d’application du devoir de vigilance à toutes les grandes entreprises européennes ou opérant sur le territoire européen.