Bifurquer, se mobiliser, lutter pour sa survie…les héros et héroïnes des livres que la rédaction vous a sélectionné doivent faire des choix dans un monde en proie à la crise écologique. Si les époques, les styles et le ton est différent, chacun des auteurs nous amène à prendre de la hauteur sur notre monde contemporain, ce qu’on en fait et ce que l’on laisse aux générations futures.
Humus de Gaspard Koenig
Kevin (sans é) et Arthur se rencontrent sur les bancs d’AgroParisTech. A leur sortie, les lombrics, leur passion commune, les emmènent pourtant sur deux voies qui prennent des directions de plus en plus différentes. Le lettré, issu d’une famille d’avocats, choisit la radicalité de la campagne et de la terre. Quand le jeune homme, issu de classe modeste et de la campagne, se retrouve à la tête d’une start up en vue. Mais on le sait, les apparences sont toujours trompeuses.
Avec son roman aux accents balzaciens, Gaspard Koenig nous dresse le portrait de notre civilisation, définitivement déconnectée du vivant. Prête à célébrer les vers de terre quand ils engendrent des levées de fond pour digérer nos déchets et continuer le business as usual mais beaucoup moins à financer des changements profonds de pratiques agronomiques. Fin connaisseur des codes du milieu, on sent l’auteur prendre un malin plaisir à gratter le vernis des salons parisiens, des promesses de la green economy ou du monde de l’activisme écologique. Et, avouons-le, il vise sacrément juste. En mêlant la fresque sociale, le roman d’apprentissage et un quasi traité de géodrilologie (la science des lombrics), l’essayiste permet de rendre ces lettres de noblesse au vers de terre, espèce ingrate et mal aimée mais ô combien indispensable de nos écosystèmes et, à travers lui, à la force du vivant.
Humus, Gaspard Koenig, L’Observatoire, 2023, 22 €, 379 pages
La Petite Princesse (La Révolution Bleue) de Jean-Pierre Goux
Depuis la lune, l’astronaute Paul Gardner lance un appel à la Révolution bleue. Une révolution écologique mue par l’amour de la planète et de l’humanité. Un rêve qui prend forme de façon assez inattendue, fédérant des millions de personnes à travers la planète… et mobilisant en parallèle une opposition forte, prête à tout pour continuer comme avant. A terre, Lucy Spencer et Abel Valdés Villazón, couple d’activistes écologistes, et leur fille adoptive, Janie Tyler, vont se retrouver au cœur du mouvement de la Révolution bleue. On les suit dans la construction de ce grand récit et mouvement planétaire destiné à sauver notre espèce. Une construction semée d’embûches, où sont convoqués pêle-mêle le paranormal, la mobilisation citoyenne, la géopolitique…et les textes d’Antoine de Saint-Exupéry.
Avec le premier volet de sa trilogie sur la Révolution bleue, Jean-Pierre Goux nous entraîne dans une épopée ultra documentée qui flirte avec le thriller. En usant de sa pluridisciplinarité (mathématicien, ingénieur, entrepreneur, écrivain, conférencier et acteur engagé dans l’écologie), il mêle découvertes scientifiques, recherches artistiques et stratégies politiques en nous projetant dans une quête du grand secret de l’humanité, pour nous enjoindre à « aimer la Terre » avant d’essayer de la « sauver ». Un message qui peut sembler un peu naïf mais qui est pourtant indispensable pour espérer opérer la bascule au niveau planétaire. Mention spéciale à la Bande originale du livre de 5h à écouter tout au long de la lecture !
La Petite Princesse, premier volet de la trilogie La Révolution Bleue, Jean-Pierre Goux (Eyrolles), 2024, 515 pages.
Qui après nous vivrez d’Hervé Le Corre
Trois générations de femmes, avec leur fille, affrontent le chaos d’un monde devenu fou. Nous sommes au XXIème siècle et le progrès n’a pas rempli ses promesses. Les être humains, ou ce qu’il en reste, tentent de survivre dans la fournaise ou les orages du changement climatique et dans la peur de l’autre. Les pillages, les viols, les morts et les privations sont devenus leur quotidien. L’espoir d’une vie meilleure apparaît comme un luxe pour ces damnées en fuite perpétuelle mais en quête d’une humanité retrouvée. On les suit de la capitale en villages abandonnés, dans une France qui n’a plus d’institutions, encore moins d’économie, où la terre même ne donne plus grand chose et où la technologie n’a plus d’utilité.
Dans ce récit dystopique, Hervé le Corre, connu pour ses romans policiers, nous donne des nouvelles du monde d’après. Et elles ne sont pas bonnes. On pense bien sûr à La Route de Mc Carthy mais l’épopée proche d’un western post moderne d’Hervé Le Corre apparaît comme plus complexe et moins vaine. Si la déshumanisation et la perte d’espoir n’est jamais loin, l’amitié, l’amour filial et la soif de vivre donnent une profondeur aux personnages et un sens à cette tragédie apocalyptique écrite à la suite du Covid. On y voit davantage une alerte, un message : « vous qui savez, par pitié agissez ! »
Qui après nous vivrez, Hervé Le Corre, Rivages Noirs, 400 pages, 21,90 €
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