Pour s’occuper durant les ponts de mai, pourquoi ne pas écouter les voix de la forêt du peintre Théodore Rousseau, écologiste avant l’heure ? Ou porter un regard artistique sur les voies de la sobriété à la Fondation EDF ? Plusieurs expositions relatives à l’écologie se tiennent à Paris, c’est le moment d’en profiter ! Et attention, dernier moment pour voir les courts métrages contemplatifs sur les populations marginalisées de la plasticienne Bertille Bak, au Jeu de Paume. 

Les paysages forestiers de Théodore Rousseau

C’est au plus près de la Nature que Théodore Rousseau (1812 – 1867), peintre rebelle, bohème et moderne, a trouvé une raison de peindre notre monde. À rebours de ses contemporains, il décide de représenter la Nature et les phénomènes naturels dans leur plus grande fidélité. Ses voyages en France forgeront un talent unique pour raconter la vie des marais, des forêts, des arbres, des troncs, et des feuilles qui peuplent les paysages qu’il observe. Cette vision singulière révolutionne la peinture de paysage de l’époque, ce qui lui vaut autant le statut de “plus grand paysagiste d’Europe” par la critique progressiste que celui d’artiste désavoué par les observateurs plus conservateurs. En 1847, Théodore Rousseau trouve refuge à Barbizon, un petit hameau où se trouvent déjà quelques peintres paysagistes à seulement quelques pas de la forêt de Fontainebleau dans le sud de Paris. Ce terrain de jeu aura laissé une empreinte indélébile dans l’art de Rousseau, qu’il ne cessera de reproduire dans ses peintures jusqu’à la fin de sa vie en 1867.

L’exposition « Théodore Rousseau, La voix de la forêt » retrace le parcours créatif du peintre et de ces paysages naturels qui l’ont inspiré tout au long de sa vie. Au-delà de ses peintures, l’exposition est l’occasion de découvrir le portrait unique de Rousseau, progressiste dans son art, sûrement, mais aussi dans les combats qu’il a portés. Il participe activement en 1853 à la création de la première réserve naturelle au monde, la “réserve artistique”, qui sera officialisée en 1861. Le peintre va lutter pour la protection de la forêt de Fontainebleau, décimée par les coupes massives d’arbres pour l’industrie et le développement du tourisme dans la région. Il peut être considéré, dans une certaine mesure, comme un écologiste avant l’heure. 

Théodore Rousseau | Petit Palais (payant), jusqu’au 7 juillet 2024, au Petit Palais, Paris.

De l’art et des regards sur la sobriété avec «  ̶D̶e̶m̶a̶i̶n̶ ̶e̶s̶t̶ ̶a̶n̶n̶u̶l̶é̶ … »

La Terre s’embrase, la biodiversité disparaît et les sociétés s’érodent. C’est le triste constat que les scientifiques, penseurs et artistes tentent de dépeindre depuis la deuxième moitié du 20e siècle. L’empreinte de l’activité humaine est si grande qu’elle parvient à remettre en question l’existence même de l’Humanité. Donc à quoi bon préparer l’avenir ? Demain est annulé…nous assure l’artiste français Rero sur une toile aux couleurs des warming stripes. Pourtant, tout n’est pas perdu. L’Humanité est capable de se reprendre en main, de faire mieux pour elle-même, et pour la planète. Mais cela nécessite de refondre nos modes de vie, notre consommation excessive, nos besoins inutiles et irrationnels, notre tendance à ne pas prendre soin. Un vaste projet qui commence par la pose d’une première brique : celle de la sobriété. « La sobriété, c’est rééquilibrer complètement les différentes dimensions de l’existence alors qu’aujourd’hui on privilégie la consommation dans tous les domaines, matière, énergie, espace et destruction de la nature », rappelle Dominique Bourg, philosophe et commissaire scientifique de l’exposition. Si ce terme implique de renoncer à notre mode de vie, il n’est pas pour autant synonyme de tristesse. La sobriété peut aussi être heureuse. 

À travers son exposition  «  ̶D̶e̶m̶a̶i̶n̶ ̶e̶s̶t̶ ̶a̶n̶n̶u̶l̶é̶ … », la Fondation EDF tente de nous expliquer la sobriété autrement avec 23 artistes français et internationaux. Les œuvres, et les témoignages des scientifiques du climat (Dominique Bourg, Magali Reghezza-Zitt, Yamina Saheb…) qui les accompagnent, retracent évidemment les causes de la crise environnementale, la surconsommation, la recherche de profit, le gaspillage, mais elles offrent également quelques éléments de réponse à cet enjeu éminemment complexe qu’est le changement climatique anthropique. En premier lieu ralentir pour peut-être atteindre un jour cette sobriété. 

RERO, 2023, SANS TITRE (RÉPARER LE FUTUR…) SANS TITRE (RÉSISTE À TA PROPRE RÉSISTANCE…) SANS TITRE (DEMAIN EST ANNULÉ…), Peintures sur toile.

Demain est annulé… de l’art et des regards sur la sobriété – Fondation groupe EDF (gratuit), jusqu’au 29 septembre 2024, Fondation EDF, Paris.

En savoir + : Les Français face à la sobriété

La mondialisation sous le prime des populations marginalisées par Bertille Bak

Des courts métrages contemplatifs, souvent étranges, des marqueteries faites de cheveux, des boîtes de cireurs customisées et colorées, l’observateur voyage dans le quotidien de populations marginalisées ou stigmatisées aux quatre coins de la planète. Ces cireurs de chaussures de La Paz (Bolivie) anonymes, ces enfants indiens qui extraient du charbon, ces travailleuses et ouvrières marocaines que la société et la mondialisation bousculent et broient. 

L’exposition « Abus de souffle » réunit dix années de travail de la plasticienne française Bertille Bak. Au lieu de s’enfermer dans une description étriquée et erronée de la réalité de cette main d’œuvre “bon marché”, Bak évolue à l’intérieur de ces communautés pendant plusieurs mois pour y étudier leurs habitudes, leurs rituels, et les relations qui la composent. Puis, avec la complicité des protagonistes, l’artiste réalise un récit fictif sur leur quotidien, ludique et souvent absurde, « au moyen d’effets spéciaux bidouillés et low-tech inspirés des jeux d’arcade ou bien avec des techniques du cinéma primitif : montage accéléré, décors en carton-pâte, bruitages désynchronisés », comme le souligne le dossier de présentation de l’exposition. C’est une manière pour les personnes marginalisées, de se réapproprier et de diffuser une partie moins travestie de leur histoire, loin des fantasmes et des idées reçues bien souvent dépeintes dans les sociétés occidentales. A voir en même temps au jeu de paume, l’exposition dédiée à la photographe et militante révolutionnaire Tina Modotti (1896 – 1942).


Exposition Bertille Bak – Jeu de Paume (payant), jusqu’au 12 mai 2024, Jeu de Paume, Paris.

Illustration : détail de l’oeuvre de Rero, sans titre.