Comment mettre en place une vraie politique de lutte contre le réchauffement climatique ? Quelles mesures pour ralentir le réchauffement le plus efficacement ? Que devrait faire un bon ministre de l’écologie contre le réchauffement climatique ?

On parle souvent de transition écologique, on s’alarme que rien ne soit mis en place pour l’écologie. Mais sait-on vraiment ce que devrait être une bonne politique écologique ? Quelles seraient les mesures efficaces ? Pour le comprendre, Youmatter lance une série d’articles qui décryptent les problèmes écologiques et les solutions envisageables pour les résoudre dans le cadre d’une politique écologique.

Premier volet de la série : le réchauffement climatique. Quelles mesures mettre en place en France pour limiter le réchauffement climatique ? Quelles sont les réformes vraiment efficaces ? Voici un aperçu.

Quelle politique pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Le problème : Le problème du réchauffement climatique est relativement simple : la plupart des activités humaines rejettent des polluants que l’on appelle les gaz à effet de serre, dont le plus connu est le CO2. Ces gaz, une fois dans l’atmosphère, entraînent un réchauffement progressif du climat mondial et ce réchauffement perturbe les cycles climatiques et écosystémiques : augmentation des épisodes météo extrêmes, perturbation des cycles naturels des plantes, acidification de l’océan, disparition de la biodiversité…

[box]Pour plus d’informations voir : Définition du réchauffement climatique[/box]

Les causes principales : La principale source de gaz à effet de serre dans le monde, c’est l’énergie. On produit différentes formes d’énergie (électricité, gaz, chauffage, pétrole) pour s’éclairer, se chauffer ou alimenter nos appareils ainsi que l’industrie et à chaque fois que l’on produit ces énergies, on émet du CO2. La deuxième source d’émissions de CO2, c’est le transport, et en particulier le transport automobile individuel via la combustion de carburants. La troisième source, c’est l’agriculture et la gestion des sols : la déforestation, mais aussi l’élevage, sont de grosses sources de gaz à effet de serre.

Alors, quelles solutions ? Voici 5 grandes mesures, soutenues par les experts, qui pourraient être mises en place.

1 – Des mesures pour limiter le transport automobile individuel et les véhicules polluants

Objectif : limiter les émissions de CO2 liées à la sur-utilisation de la voiture

La première source de GES en France c’est les transports. Mais contrairement à ce que l’on entend souvent, ce n’est pas le transport aérien (qui représente un peu plus de 3% des émissions) ou le transport maritime (un peu moins de 3% des émissions) qui posent le plus problème mais bien le transport routier, et en particulier le transport automobile individuel. En France, les voitures individuelles émettent plus que tous les poids lourdsk camions, les avions et les cargos de transport réunis (pour plus d’information voir le bilan carbone moyen d’un français).

Comment : en décourageant l’usage de la voiture et en créant un report modal

Pour limiter la pollution générée par les véhicules individuels, plusieurs choses peuvent-être mises en place. D’abord, il faudrait créer des incitatifs pour encourager les citoyens à moins prendre leur voiture. Les mesures les plus efficaces sont souvent les mesures financières : à Londres par exemple, les automobilistes doivent payer une taxe (11.50 livres sterling) à chaque fois qu’ils prennent leur voiture dans le centre-ville. Forcément, cela encourage les individus à choisir d’autres modes de transport comme les transports en commun. Selon la même idée, une « taxe carbone » serait efficace pour inciter les citoyens à moins rouler. Dans d’autres villes, on a mis en place les transports en commun gratuits. Certaines villes mettent aussi en place des taxes sur les véhicules individuels sous forme de vignettes, d’autres choisissent d’augmenter les prix des stationnements. En bref, l’idée est de combiner les mesures destinées à décourager au maximum le transport individuel en voiture et d’offrir des alternatives : vélo, covoiturage, télétravail, transports en commun. C’est ce qu’on appelle le report modal.

L’autre mesure, complémentaire, c’est d’encourager des véhicules plus propres, notamment de plus petits véhicules, plus légers, qui consomment moins de carburant (jusqu’à 2L/100). Des systèmes de bonus-malus écologiques sont relativement efficaces. mais ils pourraient être renforcés pour encourager producteurs et consommateurs à se tourner vers ce type de véhicules.

Pourquoi ça coince : tout le système dépend de la voiture

La difficulté avec ces mesures est véritablement culturelle, systémique. Tout notre système social et économique a été conçu pour tourner autour de l’usage de la voiture. On habite loin de son travail, souvent dans des banlieues résidentielles éloignées et il faut donc prendre sa voiture pour tout : les courses, le travail, l’école… Difficile de dissuader les gens de prendre leur voiture dans ces conditions (pour plus d’informations, voir : Des villes sans voiture, c’est possible ?). De plus, beaucoup de citoyens sont réticents quand des mesures sont prises pour limiter l’usage de la voiture, ce qui n’encourage pas les élus à les mettre en place.

Les autres mesures complémentaires : encourager via des incitatifs financiers le passage à des véhicules moins polluants comme le véhicule électrique, même si c’est loin d’être une solution idéale (pour plus d’informations : La voiture électrique est-elle vraiment écologique ?), mais aussi bien sûr limiter le transport en avion, grâce à des taxes plus élevées par exemple.

2 – Mettre en place un grand plan de rénovation des bâtiments et d’efficacité énergétique

Objectif : réduire les gaspillages énergétiques

En France, la seconde source d’émissions de CO2 (juste après les transports) c’est la consommation énergétique des bâtiments. L’électricité, le gaz et le fioul que l’on utilise pour se chauffer ou alimenter ses appareils ménagers représentent environ un quart des émissions de CO2 du pays. Sauf qu’une grande partie de cette énergie est gaspillée car nos logements sont mal isolés ou mal conçus.

Comment : la rénovation énergétique

On pourrait donc largement limiter cet impact en commençant par rénover l’ensemble des bâtiments du pays, notamment grâce à une meilleure isolation et à l’optimisation énergétique et l’efficacité énergétique. Selon les estimations, un logement rénové peut consommer jusqu’à 50% d’énergie en moins par rapport à un logement mal isolé. Selon The Shift Project, rénover tous les logements construits avant 1990 en Europe permettrait d’atteindre pratiquement 1/5 des réduction d’émissions de CO2 nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques de la COP21, ce qui en ferait l’un des premiers gisements de limitation de nos émissions.

Pourquoi ça coince : très compliqué, très cher, très long

Le problème, c’est que c’est un chantier immense et qui demande beaucoup d’argent : selon l’ADEME, la rénovation performante d’un logement coûte en moyenne 25 000 euros. Et c’est aussi très complexe car beaucoup de questions se posent. Qui paye les travaux (propriétaire, l’Etat) ? Où trouver l’argent pour ces travaux pharaoniques ? Qui les réalise ? Comment rénover autant de logement ? Comment gérer les ressources issues des travaux ? À l’heure actuelle, les plans des gouvernements successifs consistent surtout à créer des incitatifs fiscaux pour encourager les propriétaires à rénover leurs logements. Cela fonctionne car de plus en plus de Français se lancent, mais les choses vont très lentement. L’autre problème, c’est que les propriétaires vivant dans des logements très mal isolés (ceux que l’on devrait isoler en priorité) n’ont souvent pas les moyens d’entreprendre les travaux, même avec les aides.

Les autres mesures complémentaires : L’ADEME préconise d’encourager l’habitat collectif (immeubles) plutôt que l’habitat individuel (maisons), mais aussi des logements moins grands (moins complexes à chauffer). En effet, les logements collectifs ont tendance à être plus écologiques que les logements individuels : plus faciles à chauffer et à isoler, ils contribuent moins à l’étalement urbain. S’ils sont plus petits, ils consomment moins d’énergie et d’espace également. Autres possibilités : encourager l’achat d’appareils plus efficients sur le plan énergétique, et bien sûr, l’éducation aux éco-gestes, même si ce n’est pas le plus important en termes d’impact final.

3 – La transition vers des énergies décarbonées

Objectif : produire une énergie moins polluante

Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, il est aussi nécessaire d’être capable de produire de l’électricité à partir de sources moins polluantes : les énergies décarbonées. En effet, aujourd’hui dans le monde la majeure partie de l’électricité est produite à partir de charbon, très émetteur de CO2. Pourtant, il existe plusieurs sources d’énergies qui émettent peu de CO2 : les énergies éoliennes, solaires ou l’hydraulique, ou encore le nucléaire.

Comment : un mix électrique décarboné

Un peu partout dans le monde des politiques de transition énergétique sont déjà en cours de mise en place et tentent de passer à des énergies moins carbonées : fermeture des centrales à charbon, transition vers les énergies renouvelables… En France, l’ensemble des sources d’énergie que l’on utilise pour produire notre électricité, le mix électrique, émet déjà peu de CO2, notamment grâce à l’énergie nucléaire. Beaucoup de français pensent que le nucléaire contribue beaucoup au réchauffement climatique, mais c’est une idée reçue. En fait, le nucléaire est l’une des énergies qui émet le moins de CO2 sur l’ensemble de son cycle de vie (de la construction jusqu’au démantèlement). Grâce au nucléaire qui représente 71% de notre production, et à l’hydraulique qui en représente près de 11%, notre électricité est déjà l’une des moins émettrices de CO2 sur la planète. La loi sur la Transition énergétique prévoit d’aller encore plus loin en limitant notre dépendance au nucléaire et en augmentant la part des énergies renouvelables.

Pourquoi ça coince : des énergies vertes pas toujours vertes… pas si simple

Le problème, c’est que ces sources de production d’électricité faibles en CO2 ne sont pas forcément 100% écolo pour autant. Les énergies renouvelables par exemple nécessitent des ressources naturelles comme les métaux rares. D’autre part, ces énergies sont intermittentes, ce qui signifient qu’elles ne produisent pas en continu : elles doivent donc être associées à des infrastructures de stockage (batteries) qui peuvent être très polluantes. Et même ainsi, leur gestion est assez difficile sur de grands réseaux qui consomment beaucoup par pics de consommation. Le nucléaire quant à lui n’émet pas de CO2 mais produit des déchets difficiles à gérer et surtout c’est une ressource finie dont les stocks risquent de s’épuiser à moyen terme.

C’est pour cette raison que la transition vers les énergies renouvelables ou vers les énergies décarbonées comme le nucléaire n’est pas une solution miracle. Ces mesures doivent être associées à une vraie révolution énergétique passant notamment par la réduction de nos consommations d’énergie.

Les autres mesures complémentaires : réduire nos besoins en énergie grâce à l’isolation et à un mode de vie plus sobre, améliorer le stockage et la production d’électricité (notamment grâce à la recherche), progresser sur la gestion et le recyclage des infrastructures énergétiques

4 – De vraies réglementations sur la déforestation

Objectif : préserver l’un des boucliers de la planète contre le réchauffement

La forêt est (avec l’océan) l’un des principaux boucliers de la planète contre le réchauffement car elle absorbe une partie du CO2 que nous émettons. De ce fait, en détruisant des arbres, on amoindrit la capacité de la planète à stocker le CO2, et donc par extension, on contribue au réchauffement. Résultat : la déforestation, représente l’équivalent de 13% des émissions de CO2 mondiales. Partout sur la planète, on détruit des forêts pour plusieurs raisons : la principale c’est l’agriculture (l’agriculture de subsistance pour 35%, l’agriculture commerciale pour 45%, dont 14% pour l’élevage), mais il y a aussi l’étalement urbain et les infrastructures (13%) et les activités minières (6%).

[box]Plus d’information : Lutter contre le réchauffement climatique en luttant contre la déforestation[/box]

Comment : en imposant des réglementations plus contraignantes sur la gestion des forêts

On pourrait pourtant limiter ce phénomène. D’abord en imposant des moratoires sur l’exploitation des ressources forestières, puis en mettant en place des politiques de reboisement. C’est ce qui a été fait en France depuis assez longtemps puisque l’on impose aux gestionnaires forestiers plusieurs règles d’exploitation : demande d’autorisation de coupe, interdiction du défrichement, maîtrise de la surface de forêts… Depuis plusieurs décennies, la surface de forêt en France augmente : entre 0.5 et 0.8% par an.

Si en France, on est donc peu concerné par le problème, certaines entreprises françaises contribuent parfois à la déforestation à l’étranger. Des incitatifs économiques comme des taxes pourraient être mises en place pour encourager les entreprises à ne plus participer à la déforestation ou à la compenser.

Pourquoi ça coince : le dilemme écologie / développement, notamment dans les pays du Sud

Le problème c’est qu’une grande partie de l’activité économique de certains pays (Brésil, Indonésie) dépend de l’exploitation de la forêt. Les gouvernements sont donc souvent face à un arbitrage difficile : protéger leurs forêts et leurs espaces naturels revient souvent à sacrifier leur croissance, l’emploi et le développement. On ne peut pas non plus interdire aux paysans pauvres des pays du Sud de couper du bois pour leur agriculture, sans quoi la famine deviendrait un problème.

Les autres mesures complémentaires : de plus en plus, certains évoquent des systèmes à base d’algues pour stocker le CO2 sur un système similaire aux arbres. Mais pour l’heure, ces systèmes sont peu fonctionnels et peu rentables. On pourrait aussi planter des arbres dans des zones non-boisées, mais au risque de bouleverser les écosystèmes. De plus, ce n’est pas très efficient. Le plus simple et le plus efficace reste de protéger la forêt existante.

5 – Encourager une agriculture plus écologique et plus végétale

Objectif : réduire les émissions de l’agriculture intensive et fonder une agriculture écologiquement utile

L’agriculture est l’un des gros contributeurs aux émissions de CO2 (le troisième en France avec environ 15% des émissions, 25% pour l’ensemble de la planète). Plusieurs raisons expliquent cela. D’abord, l’agriculture est bien souvent à l’origine de la déforestation : on coupe des forêts pour faire pousser des palmiers à huile, du soja, des céréales ou encore pour élever du bétail. L’agriculture c’est aussi l’un des plus gros émetteurs de méthane (un gaz à effet de serre encore plus polluant que le CO2) : l’élevage bovin ou encore la culture du riz représenteraient chacun environ 100 millions de tonnes de méthanes par an. L’agriculture intensive est aussi responsable de la dégradation de la qualité des sols ce qui limite le CO2 stocké dans les terres.

Comment : une refonte globale du système agricole

Les mesures possibles pour répondre à ces défis sont multiples mais aussi très globales. Certains experts internationaux assurent qu’il y a une nécessité de transformer nos pratiques agricoles : il faut trouver un équilibre entre une agriculture intensive, permettant de produire ce dont nous avons besoin sans trop nous étaler, et une agriculture plus respectueuse de l’écosystème, adoptant des pratiques préservant mieux les sols.

Il faudrait aussi réorienter nos productions : limiter la production de produits carnés, notamment le boeuf et l’agneau pour se tourner vers des sources de protéines moins polluantes (volailles, légumineuses, protéines végétales). Toutes ces réformes impliquent d’être soutenues par des financements, des incitatifs fiscaux par exemple : offrir des facilités financières aux exploitations dotées d’une certification écologique, encourager les exploitations agricoles vertueuses et les productions écologiques.

Autre piste fondamentale : limiter le gaspillage alimentaire. En effet, dans le monde, près de 40% de la nourriture que l’on produit finit à la poubelle. Et ce sont les consommateurs les premiers responsables ! C’est ce qui incite certains experts à proposer de taxer les ordures ménagères afin d’encourager les citoyens à faire plus attention.

Pourquoi ça coince : le système agricole mondial ne se réforme pas facilement

Mais tout ces réformes peuvent être difficiles à mettre en place car en imposant des réglementations trop contraignantes aux agriculteurs, on met en danger leur viabilité économique dans la mondialisation face aux pays qui n’ont pas les mêmes normes. De plus il faut parvenir à trouver des normes agricoles qui permettent de combiner une productivité suffisante pour nourrir les individus et une réelle prise en compte des enjeux écologiques, et ce n’est pas toujours évident. En effet, l’agriculture biologique ou même la permaculture sont moins productive que l’agriculture intensive à court terme, elles nécessitent aussi plus d’espace et parfois plus de ressources (humaines ou naturelles). Les volontés d’interdire tel ou tel pesticide ou intrant chimique se heurtent aussi souvent à des réalités de terrain difficiles à contourner : les producteurs n’ont pas toujours d’alternative, ou alors elles sont trop chères, trop complexes. Pour plus d’informations voir : Doit-on interdire le glyphosate ?

D’autre part, ce changement veut aussi dire qu’en tant que consommateurs nous devons accepter de payer plus cher pour une nourriture plus écologique et de meilleure qualité, mais plus difficile (et coûteuse) à produire. Or ce n’est pas évident pour une grande partie de la population, qui n’en a pas toujours les moyens financiers. Nous devons aussi accepter de manger très différemment et notamment de réduire massivement notre consommation de produits d’origine animale.

Les autres mesures complémentaires : taxer les productions agricoles les moins écologiques, mettre en place des campagnes de sensibilisation sur le gaspillage ou sur l’alimentation écologique.

6 – Et le reste ?

Ces 5 grandes catégories de mesures seraient les plus efficaces et les plus urgentes pour limiter le réchauffement climatique. Il y aurait bien sûr bien d’autres mesures à prendre : imposer des réglementations sur l’obsolescence programmée des produits de consommation, encourager les circuits courts (mais pas tout le temps, car il arrive que les circuits ne soient pas si écologiques qu’on le pense), développer le low-tech ou les innovations écologiques.

Mais globalement, si l’on était capable de mettre en place ces 5 grandes mesures, on accomplirait déjà un pas immense dans le bon sens de la lutte contre le réchauffement climatique. Le problème, c’est que toutes ces mesures sont très complexes à mettre en place techniquement et politiquement, et bien souvent, elles impliquent de sacrifier une partie de nos consommations, de notre confort ou de nos habitudes de vie. En parallèle, il faudrait aussi mettre en place des mesures pour s’adapter au changement climatique, qui semble-t-il, devient de plus en plus inévitable suite à notre inaction collective.