Alors que l’agriculture biologique est en perte de vitesse, les acteurs se mobilisent pour trouver des solutions. Parmi celles mises en avant par le secteur : la mise en place d’un soutien financier pour les fermes bio en difficulté, un travail de réassurance auprès du consommateur et le respect de la loi Egalim. Explications.

Un soutien financier de la filière biologique

« La priorité est d’apporter de la trésorerie aux fermes qui sont en danger, menacées de retourner à l’agriculture conventionnelle », assure Philippe Camburet, président de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB). La crainte du secteur est que la crise de la bio poussent des agriculteurs à la déconversion, c’est-à-dire qu’ils reviennent à l’agriculture conventionnelle pour sauver leur exploitation. 

En 2023, sur 60 000 fermes certifiées bio, 4 à 5 % des exploitations seraient repassées en agriculture conventionnelle, contre 3 à 4 % auparavant. Sur un an, l’augmentation est de 42 %. Si ces chiffres prennent en compte les départs à la retraite, « il ne s’agit cependant pas d’un épiphénomène ». De fait, les conversions connaissent un net ralentissement : entre janvier et août 2022, on enregistrait une baisse de 37 % par rapport à 2021, selon le sénateur Christian Redon-Sarrazy. Un problème de taille pour la France qui s’est engagée auprès de l’Union européenne à convertir 18% de sa surface agricole utile (SAU) exploitée en agriculture biologique d’ici 2027. En 2024, elle atteint moins de 11%.

La FNAB appelle donc l’État à soutenir l’agriculture biologique et à prendre en charge les pertes financières liées à la crise dans certaines filières. Selon la fédération professionnelle, les aides proposées par l’État, dont le nouveau plan de soutien à l’agriculture biologique avec un dispositif d’aide de 90 M€ annoncé en 2024, ne sont pas encore suffisantes pour stopper le déclin de l’agriculture bio. 

Redonner confiance dans l’agriculture biologique

La filière AB doit en outre faire face à de nombreux labels concurrents (Haute Valeur Environnementale (HVE) ou Zéro Résidu de Pesticide par exemple). Ces labels ont cependant des cahiers des charges nettement moins ambitieux sur le terrain de l’environnement et de la santé. « Il y a tellement de labels que finalement, le consommateur est perdu. Il ne sait plus quoi choisir, il ne sait plus quelles sont les promesses de tel ou tel label », explique Magali Catteau, économiste au service d’Études économiques et prospective à l’instance nationale du réseau des Chambres d’agriculture. 

Si la communication est l’un des axes principaux pour sensibiliser les consommateurs à l’agriculture biologique, les armes sont inégales entre le conventionnel et la bio. Les chiffres de la publicité le montrent de manière flagrante. Ainsi, en 2021, le budget communication du discounter Lidl s’élevait à 516 millions d’euros, selon un rapport de Distribook, dont seulement 500 000 euros étaient destinée aux produits biologiques.

Outre l’aspect financier, Magali Catteau mise sur une nouvelle façon de communiquer, plus en lien avec « l’attente des consommateurs ». Ainsi, « la communication sur le Bio concerne souvent l’environnement. Mais en fait, les consommateurs recherchent d’abord dans l’alimentation le plaisir ou la santé », souligne l’économiste. 

EGAlim, un levier pour redynamiser l’agriculture biologique

Le dernier point relevé par les professionnels concerne la loi EGAlim. Celle-ci est vue comme un levier de développement pour l’agriculture biologique. Depuis le 1er janvier 2022, la loi introduit en effet l’obligation de proposer au moins, en valeur, 50% de produits durables et de qualité dans les repas de cantine, dont 20% de produits certifiés Bio.

Seulement, la loi EGAlim n’est pas respectée. La part de produits bio atteint seulement 13% parmi les quelques cantines ayant déclarées leurs achats, selon le dernier bilan statistique sur EGAlim. « 10% du marché est à portée de main, mais nous ne sommes pas capables de s’organiser pour que l’on puisse bénéficier de cette bouffée d’oxygène », s’indigne Philippe Camburet.

Le gouvernement s’est récemment engagé à respecter les objectifs d’EGAlim au sein du service public, lors de la présentation, le 28 mars, de son plan de transformation écologique de l’État. L’enjeu est de taille. « Les cantines de l’État, ce sont 400 millions de repas servis chaque année », avait alors rappelé le Premier ministre Gabriel Attal. L’exemplarité de l’Etat sur le sujet serait aussi un signal majeur envoyé à la filière. 

« La filière bio doit être rémunérée sur les services environnementaux » qu’elle fournit

« L’agriculture biologique n’est pas une niche pour “bobo”, pour les consommateurs qui en ont les moyens. Notre objectif c’est de nourrir le monde », assure Frédéric Faure, Vice Président de Biocoop. Pour cela, il souhaite que les bénéfices environnementaux et de santé, de l’agriculture biologique soient reconnus par l’État. Il demande également à ce que la filière bio soit « indemnisée, rémunérée sur les services environnementaux, donc les services publics, qu’elle rend à la collectivité en produisant de l’eau potable ».
Rappelons en effet que le coût caché de l’alimentation pour la santé et l’environnement, dominé par l’agriculture conventionnelle et l’agro-industrie, atteindrait au moins 10 000 milliards de dollars par an selon la FAO. 

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