L’immersion au service des métiers de la RSE

Alexandre Bader - Consultant

Des Enjeux et Des Hommes

Passionné par les nouveaux enjeux sociétaux depuis son enfance, Alexandre a toujours cultivé cette aspiration et particulièrement en Ecole de Commerce à l’ESSCA. À travers ses expériences professionnelles notamment chez Nexity, Lemontri, Lavazza, Coca-Cola et Nestlé, ou d’autres plus personnelles comme des voyages (Chine, Brésil, USA, Nouvelle-Zélande,) ou projets (associatifs, sportifs,), il nourrit progressivement une réflexion sur le marketing et la communication responsable, l’accompagnement au changement, l’innovation durable, les 3R (réduire, réutiliser, recycler), l’agro-alimentaire, l’éducation ... pour l’enrichir aujourd’hui chez Des Enjeux et Des Hommes.

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Dans le panorama actuel français de la RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise), de nombreux cabinets de conseil et agences spécialisées proposent aujourd’hui aux Directions RSE de vivre un voyage d’étude sur un sujet spécifique, sous le nom de « Learning Expedition ». Si l’on assiste à une nette progression de ce type d’expériences depuis 2010, elles recouvrent néanmoins des réalités très différentes.

L’immersion divise paradoxalement au sein des entreprises. Sans remettre en cause la vertu pédagogique de ce temps d’observation et d’échange, pour certains, il semble difficile de mesurer a priori les transferts vers leur métier et les impacts positifs sur leur entreprise. Mais pour une grande majorité en recherche de benchmark, elle répond au besoin d’exploration et d’apprentissage.

Alors, activité récréative voire touristique pour séduire des responsables RSE en quête « d’autre chose », ou véritable agitateur de curiosité ? Quatre vérités proposées par Alexandre BADER, consultant RSE et accompagnement du changement, au sein du cabinet Des Enjeux et des Hommes.

VRAI : l’étonnement philosophique est un accélérateur de changement

Les « Learning Expeditions » sont aujourd’hui démocratisées en France par les professionnels du conseil, de l’innovation ou encore de la communication. Elles possèdent toutes un trait de ressemblance : la promesse de se retrouver dans un milieu inconnu.

Comprendre un environnement étranger est en effet la proposition de valeur de ces immersions. Elles cherchent à déclencher pour chaque participant une prise de conscience et pourquoi pas motiver l’envie d’un changement. Elles sont d’ailleurs souvent vécues collectivement, avec des pairs en poste dans d’autres entreprises ; une manière de mieux se rendre compte de la situation vécue. En théorie, l’immersion est une expérience de l’étonnement, au sens philosophique, par opposition à la surprise. La méthode procède en deux étapes 1) réaliser consciemment 2) afin de remettre en question.

Concrètement, la preuve empirique est fondamentale pour un expert du Développement Durable comme pour un profil intégré au sein une Direction (chef de projet achats responsable, ingénieur économie circulaire, directeur de la communication et RSE…). Cette invitation à prendre de recul questionne les pratiques et les comportements du quotidien.

Compliqué de comprendre la filière de recyclage des emballages plastiques ménagers en France, sans visiter un centre de recyclage. Ou de cerner les mutations dans le monde du travail, du fait de la technologie et du développement de l’intelligence artificielle, sans se rendre dans une école des talents (en opposition à l’école des compétences). Ou encore d’évaluer la finesse d’une démarche d’écologie industrielle territoriale, sans rencontrer quelques entrepreneurs locaux révolutionnaires qu’ils soient en Gironde ou au Japon.

L’observation est une manière pour les essaimeurs de la RSE d’explorer ces phénomènes, de les documenter pour son entreprise et ainsi développer une longueur d’avance.

Elle les met en capacité de mieux appréhender les impacts (directs ou indirects) liés au cycle d’activités de leur entreprise. Ils pourront par exemple mieux évaluer le « coût caché » (d’ordre environnemental, économique, social ou sociétal) d’une industrie, d’un produit ou d’un service. À quelles fins ? Déterminer la priorité de l’enjeu pour le business (à partir de ses impacts positifs et négatifs), avec les actions à conduire sur le court, moyen et long terme.

Au même titre que des lanceurs d’alerte, ils contribuent ainsi à nourrir la réflexion stratégique de leur entreprise puisque leur regard porte autant sur le centre de coût de l’entreprise que son centre de profit.

Mais attention, l’art de faire le tri dans le catalogue des voyages immersifs disponibles s’apprend aussi.

FAUX : Tous les voyages immersifs au sujet de la RSE permettent des transferts et produisent des effets

L’immersion vécue doit correspondre aux enjeux RSE priorisés pour le business de son entreprise. Elle doit aussi proposer un programme pédagogique sérieux, qui se distingue d’une simple sortie scolaire.

À titre d’illustration, le centre pédagogique Infinéo situé près de Beaune (Bourgogne) accueille tout au long de l’année des scolaires, des collectivités et des entreprises sur ses 280m² dédiés à l’économie circulaire des emballages ménagers.

Ce centre unique en France (plus de 4 000 visiteurs, depuis son ouverture en octobre 2013), à l’initiative de Coca-Cola European Partners, Plastipak Packaging et Eco-Emballages, travaille sur des sujets-clés tels que l’éco-conception des emballages, la sensibilisation du grand public au tri et l’organisation des filières de recyclage en France.

Quand le cabinet Des Enjeux et Des Hommes a conduit à deux « Learning Expedition » en mai 2016 et en septembre 2016, chaque professionnel présent (responsable RSE, chef de projet marketing, ingénieur emballages…) cherchait des réponses au sujet des emballages, un enjeu matériel parmi tous les sujets de la RSE. Autrement dit :

  • important parce que pouvant compromettre la capacité d’opérer de son entreprise ou au contraire permettre de saisir une opportunité.
  • en prenant en compte la performance actuelle de l’entreprise et celle visée dans le futur, pour y répondre.

Pour ces visiteurs d’entreprises variées (Evian Volvic World, Groupe Bel, Henkel France ou encore Altavia), mais partageant des préoccupations communes, un programme pédagogique a été construit en escalier pour :

  • conforter des acquis (connaissances, motivations) : la visite du centre de recyclage et la présentation des bonnes pratiques RSE de Coca-Cola European Partners en France.
  • identifier des transferts vers leur métier (des pour action en fin d’immersion, par rapport à leur contexte) : un atelier d’intelligence collective sous la forme de CODEV.
  • favoriser des effets sur la performance de leur entreprise (comportements, pratiques, outils…) : un temps de rebouclage à chaud pour transposer les enseignements de la journée dans le quotidien de chacun.

Pour Marine Regal, ingénieure packaging pour le Groupe Bel, l’intérêt d’échanger avec d’autres acteurs économiques sur la question de l’économie circulaire, dans le cadre d’une Learning Expedition est indéniable : « Ce type d’expédition est l’opportunité d’enrichir nos connaissances, d’élargir notre vision, et surtout d’échanger avec d’autres industriels concernés par ces problématiques. Ce sont des journées énergisantes qui nous permettent de créer et délivrer les meilleures solutions pour les consommateurs. ». Même constat avec Laure Souche, cheffe de produit et développement durable chez Henkel France : « La séance d’intelligence collective réalisée m’a donné la possibilité d’interagir avec des personnes de secteurs variés et finalement de ne pas être centrée sur mes propres idées mais plutôt de rebondir sur d’autres que nous n’aurions pas forcément eues individuellement. Je repars avec une autre façon de penser et la conviction qu’il y a quelque chose à faire, qu’il faut se donner les moyens d’agir. »

Tout compte fait, s’il n’est plus surprenant de voir des tiers-lieux ouvrir leurs portes à des entreprises (in)directement concurrentes pour faire avancer l’intégration du Développement Durable par le secteur privé, leur seule visite ne suffit pas. Parce qu’elle ne peut pas garantir la construction d’une réflexion mûrie et appropriée pour son entreprise. Il semble donc indispensable pour les participants d’y intégrer des échanges cadrés (et d’autres informels) entre pairs, et des temps de confrontation à leur contexte. C’est une condition pour faire avancer l’intégration de la RSE à leurs activités et au sein de leurs métiers. Voici quelques incontournables à retrouver, pour vous permettre de faire le tri dans le catalogue des voyages immersifs disponibles aujourd’hui sur le marché :

  • en préparation : la prise en compte du point de départ de chaque participant, voire un travail préalable pour arriver avec de la matière le jour J.
  • pendant l’immersion : la présence d’un atelier en intelligence collective pour aller au-delà des échanges informels.
  • avant que la vraie vie ne reprenne : un temps de rebouclage collectif à chaud voire de coaching individuel pour transposer la matière brute.

VRAI : La pratique de l’immersion donne aussi à voir l’état d’esprit de l’entreprise

Elle renseigne sur l’ouverture des décideurs (qui ne pensent pas l’entreprise comme un système fermé) et sur leurs modes de management. C’est également une manière de vivre son métier.

Ceux qui la pratiquent ont compris le potentiel de transformation à grande échelle de l’expérience. Quel que soit le stade de maturité de la démarche RSE de leur entreprise, ces décideurs misent sur la contribution de leurs équipes, dans ce monde en profondes mutations. Ils croient en leur potentiel d’observation et leur capacité à stimuler l’innovation en interne. Vers une « troisième révolution industrielle » et responsable, ils considèrent l’impact comme nouvelle mesure du succès de l’entreprise. Cette attitude est un message positif envoyé à la société.

L’immersion illustre enfin de la posture que doivent avoir les experts de la RSE (et qui prévaut sur toute autre forme de compétences pour conduire le changement) : apprendre en marchant, embrasser de nombreux sujets, avancer par essai erreur, progresser selon son sustainability context. Le talent de viser une performance inclusive et globale passe par de multiples étapes… ils en font une démonstration de faisabilité (– proof of concept).

VRAI : Osez le jump

Si chaque immersion peut être vécue « en solo », il est plus beaucoup plus impactant de réunir plusieurs personnes de la même entreprise à cette occasion : le caractère fédérateur est irrécusable et favorise les suivis sur le terrain.

Les programmes pourront varier selon les envies et les besoins : des visites, des conférences, des temps d’échanges, des interventions d’experts, des mises en situation, des travaux pratiques, des ateliers d’intelligence collective… Il est possible et recommandé de challenger les organisateurs sur des scénarios inédits, dès lors que les quelques incontournables évoqués préalablement sont bien au rendez-vous.

Il convient aussi de veiller au positionnement des accompagnateurs tantôt facilitateurs, tantôt experts.

Afin de préparer la participation à l’une de ces Learning Expedition, il est conseillé d’écrire au préalable par écrit ce que vous venez y trouver « Cette journée de déplacement sera réussi si… ». La définition préalable de vos besoins/mandats et de vos capacités/limites vous permettra de mieux y répondre.

Enfin, après le succès des deux premières Learning Expedition au centre pédagogique Infineo, des Enjeux et des Hommes propose une nouvelle date le vendredi 1er décembre 2017.

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