L’égalité professionnelle : un combat qui se gagnera par la valorisation du rôle du père

Géraldine Fort - Déléguée générale

Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises

Depuis 2015, Géraldine Fort est déléguée générale de l’Orse (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises). Auparavant, elle a été communicante (Compagne Générale des Eaux, Vivendi Environnement, Veolia) et journaliste (Médias-Culture).

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Convaincu que l’égalité professionnelle passe par une forte implication des hommes et notamment par une valorisation de la paternité au même titre que la maternité, l’Observatoire de la RSE (Orse), qui fait des sujets sociaux un axe majeur de ses travaux, vient de présenter les résultats d’une étude menée conjointement avec Goods To Know : Les hommes en entreprise : regards croisés hommes-femmes. 5 897 hommes et femmes ont été interrogés au sujet de l’égalité professionnelle en entreprise. L’objectif de cette étude était de comprendre la perception des hommes et des femmes sur l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, de connaître plus précisément les attentes des hommes et leur intérêt pour les dispositifs favorisant cet équilibre, et d’identifier les freins qui les empêchent d’en bénéficier. En effet, l’égalité professionnelle passe notamment par un meilleur accès des pères à tout ce qui peut favoriser leurs responsabilités familiales. Décryptage avec Géraldine Fort, Déléguée générale de l’Orse.

Les hommes souhaitent accorder davantage de temps à leur famille et contrer les stéréotypes

L’étude Orse/Goods To Know fait un premier constat : moins d’un homme sur deux est satisfait du temps accordé à sa famille (48,3 %), encore moins lorsqu’il s’agit d’hommes ayant des enfants (42,2 %). Ces chiffres rejoignent un rapport de l’UNAF (Union nationale des associations familiales), qui fait émerger que 47 % des pères déplorent de passer trop peu de temps avec leurs enfants, attribuant la cause de ce manque de temps à leur activité professionnelle, ce qui génère d’ailleurs de l’insatisfaction pour près de 8 hommes sur 10 (79 %).

Pour autant, même lorsque des mesures et dispositifs existent dans le cadre professionnel pour faciliter cet équilibre, les hommes n’en bénéficient pas systématiquement. Ainsi, en France, moins de 10 % des hommes travaillent à temps partiel, alors même qu’un sur deux pourrait être intéressé. Selon l’étude Orse/Goods To Know, quasiment un homme sur deux pense que ne pas travailler à temps plein nuirait à sa carrière.

L’IGAS (inspection générale des affaires sociales) soulignait dernièrement que 7 pères sur 10 en moyenne prennent leur congé paternité. Au sujet du congé parental, seuls 4 % d’entre eux en disposent (moyenne nationale). Si 82,7 % des hommes avancent l’argument que ce congé n’est pas assez indemnisé (étude Orse/Goods To Know), hommes et femmes s’accordent à penser qu’il est mieux perçu que ce soit la femme qui le pose. De même, les femmes affirment prendre davantage de congé enfant malade que leur conjoint, à 70 %. Au-delà de l’aspect financier qui détermine souvent le choix des foyers, le cliché de l’homme carriériste, peu enclin au soin des enfants, a donc encore la vie dure. D’ailleurs, si l’on remet ces chiffres en perspective avec l’étude de l’UNAF, 56 % des pères ont le sentiment que leur rôle est moins reconnu par la société que celui de la mère. Les stéréotypes sont encore bien ancrés.

Des mesures concrètes prises au sein des entreprises pour concilier carrière et parentalité

Des bonnes pratiques et initiatives existent en entreprise pour favoriser l’égalité professionnelle et la conciliation des temps de vie pour les hommes et les femmes. Toutes ces initiatives s’inscrivent d’ailleurs dans une stratégie RSE tendant vers l’égalité professionnelle et répondent à des obligations légales telles que mentionnées dans le décret n° 2012-1408 du 18 décembre 2012, relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

  • La Caisse des Dépôts a mis en place une mesure favorisant la parité à des postes de direction. Ce critère est directement lié à l’intéressement, ce qui oblige à travailler à tous les niveaux pour bien identifier les potentiels féminins. Résultat : 45 % de nominations de femmes cadres dirigeantes. Également, tout salarié à l’issue du congé maternité ou paternité peut prolonger cette période par un congé de naissance de 28 jours calendaires, ou encore bénéficier d’une dérogation d’horaires pendant les 18 premiers mois de l’enfant, qui lui permet de gérer son rythme comme il le souhaite une journée par semaine, sans perte de salaire.
  • Le groupe Kering, avec son programme « New Parents Back to Work » a mis en place une mesure pilote : un 4/5èmes rémunéré à temps plein pendant un mois au retour du congé retour de maternité/paternité. En outre, l’entreprise a lancé une initiative à l’échelle mondiale, en accordant à tous ses collaborateurs des périodes de congés maternité, paternité ou adoption rémunérées à 100 %. Parfois inexistantes dans certains pays, ces mesures inattendues ont été très bien accueillies !

Résultat : des collaborateurs heureux de pouvoir profiter de leur vie familiale, se sentant valorisés, étant plus impliqués et pour certains, ambassadeurs enthousiastes de l’entreprise sur les réseaux sociaux… une logique vertueuse sur toute la ligne !

D’autres mesures sont également à relever :

  • Le temps partiel vacances, dont 70 % des bénéficiaires sont des hommes. Avec cet aménagement, l’absence est moins remarquée, et du coup mieux perçue au sein de l’équipe, car le collaborateur ne s’absente pas sur une longue période continue mais au contraire, de façon fractionnée.
  • Le job sharing, qui permet d’éviter une rupture brutale dans la carrière, ce qui est bénéfique notamment pour les femmes en congé maternité.
  • Enfin les horaires flexibles, permettant d’alterner un temps de travail plus élevé pendant une semaine et un temps de travail réduit la semaine suivante : cette solution est très positive notamment pour des parents qui pratiqueraient la garde alternée.

Les réseaux d’entreprise, des partenaires de l’égalité professionnelle encore trop peu démocratisés

Des réseaux mixtes ou d’hommes existent, pour favoriser toutes ces initiatives, comme le réseau « Happy Men Share More », qui accompagne de très grands groupes en les sensibilisant au quotidien sur la nécessité de faciliter l’équilibre de vie de l’ensemble des collaborateurs. Selon l’étude Orse/Goods To Know, 73,5 % des hommes pensent que ce type de réseaux peut contribuer à faire évoluer la culture d’entreprise sur le thème de la parentalité. Pourtant, à ce jour, moins de 20 % d’entre eux en font partie.

L’enjeu pour favoriser l’égalité favoriser professionnelle est donc non seulement de mettre en place des actions, mais aussi d’en faire la promotion. En effet, 66,9 % des hommes estime n’être pas suffisamment informé des mesures de conciliation des temps de travail dans leurs entreprises.

Au travers de ses travaux et de ses dernières publications, l’Orse se propose d’accompagner la réflexion des entreprises souhaitant cheminer de façon concrète vers une égalité professionnelle : récemment, Tout savoir sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais également, des publications antérieures avec le guide Permettre aux femmes et aux hommes d’articuler travail et vie de famille, ainsi qu’une étude : Les hommes, sujet et acteurs de l’égalité professionnelle.

Une mine d’informations pour les entreprises sur le sujet de l’égalité professionnelle, et un moyen de construire une vraie stratégie et un plan d’action mesurable pour la rendre effective. En effet, en termes d’égalité professionnelle, c’est parfois toute une culture d’entreprise qui peut être remise en question, ce qui nécessite une appréhension du changement reposant sur un regard averti, lucide, une vision de long terme ajustée et des jalons d’évaluation concrets.

Crédit photo : Business people, father and child, feminist sur Shutterstock.

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