Si les répercussions des PFAS sur la santé humaine et celle des écosystèmes sont longtemps restées un angle mort des politiques publiques, des preuves de plus en plus solides démontrent une contamination mondiale aux PFAS. Mais où et comment peut-on les trouver ? Tentons de répondre à ces questions.

Eau potable, air, alimentation, notre quotidien est parsemé de ces substances chimiques nommées les PFAS, les substances poly ou perfluoroalkylées. On en compte des milliers disséminées en France, en Europe, dans le monde. Et pourtant ces substances sont aussi dangereuses qu’elles sont incontrôlables. Ou plutôt, la production irraisonnée de ces substances toxiques a rendu la gestion des PFAS dans l’environnement très complexe.

Utilisées par de nombreuses industries pour ses capacités exceptionnelles, on estime aujourd’hui que plus de 4000 substances diverses de PFAS seraient disséminées dans l’environnement. Fortes de leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisants, résistants aux fortes chaleurs, les PFAS sont largement employés depuis 1950 dans les industries tout aussi diverses pour du textile, de l’emballage alimentaire, de la mousse anti-incendie, des revêtements d’ustensiles de cuisine, des cosmétiques, des produits phytosanitaires, en bref, des objets du quotidien.

Et pourtant, même si tous les risques ne sont pas encore avérés, de nombreux effets ont été observés par les scientifiques sur la santé du vivant, notamment chez l’Homme où l’exposition aux PFAS pourrait avoir de nombreuses répercussions sur le taux de cholestérol, la fertilité, le développement du fœtus, l’obésité, le développement de cancers, ou bien être un perturbateur endocrinien…

Mais reste donc à savoir où sont les PFAS ? À quelle concentration ? Si toutes les molécules sont dangereuses ou non… Et c’est toute la difficulté lorsque l’on étudie plus de 4000 molécules.

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PFAS : Où sont-ils ?

Les PFAS sont appelés des « polluants éternels » de par leur stabilité chimique. Une fois dans l’environnement, ces polluants sont très persistants, très mobiles et bioaccumulables, en d’autres termes, les PFAS sont absorbés par les êtres vivants (végétaux, fongiques, microbes, humains). L’inhalation de l’air et de ses poussières, l’eau ou l’alimentation sont autant de vecteur de mobilité pour les PFAS dans l’organisme, l’alimentation étant le moyen principal de contamination chez l’Homme.

« Peu connus, ils [les PFAS ] ne sont devenus un sujet de préoccupation pour la communauté scientifique et les pouvoirs publics que depuis une vingtaine d’années dans le monde et plus récemment en France« , peut-on lire dans le rapport d’analyse des risques de présence des PFAS dans l’environnement de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Une découverte pour le moins récente à l’échelle de la recherche scientifique.

Si les États-Unis se sont dotés en 2021 d’une carte interactive des contaminations au PFAS, produite par le PFAS Project Lab de l’Univesité Northeasten (Boston), l’Europe, elle, reste plutôt aveugle sur l’ampleur des contaminations sur son territoire. Très récemment, Le Monde a publié sa propre carte interactive le 23 février 2023. Une enquête inédite qui permet de visualiser pour la première fois les zones contaminées par le PFAS.

Et à l’évidence, l’ensemble des pays européens est concerné par l’éparpillement des PFAS dans l’environnement. Le Monde répertorie pas moins de 2100 « hot spots », des sites où la concentration de PFAS atteint des limites considérées par la communauté scientifique comme dangereuses (100 ng/l), et près de 17 000 sites contaminés au total.

La carte référence en outre plus de 21 500 sites « présumés contaminés« , des sites où des industries utilisatrices de PFAS sont implantées, et où les contaminations sont très probable. Elles sont présumés contaminées car pour le moment, « aucun prélèvement dans l’environnement n’a été effectué pour le confirmer ».

Le Monde souligne cependant que les données récoltées lors de l’enquête sont largement sous-estimées. Le travail des scientifiques est encore à ce jour fastidieux.

Deux méthodes pour trouver les PFAS

Si le retard de l’Europe en matière de gestion des PFAS est à souligner, elle n’est pas non plus étonnante. Les répercussions des PFAS sont nombreuses, et surtout difficilement quantifiable en l’état tant que les industries continuent d’émettre ces polluants et continue d’en créer des nouveau. Ces PFAS sont nombreux dans l’environnement, mais leur concentration est très faible, rendant difficile la détection de ces substances toxiques. À cela s’ajoute de potentiels effets cocktails de toutes ces substances qui restent, à date, encore largement inexplorés.

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Pour le moment, la détection des PFAS dans les eaux, les sols, les sédiments et les biotes se fait selon deux approches, aux limites bien définies.

La première consiste à analyser spécifiquement une substance PFAS donnée. Les méthodes « spécifiques » permettent de détecter une substance dans une zone précise et de la quantifier. Mais d’après le rapport de l’IGEDD, « Une quarantaine de PFAS peut être analysée avec des limites de quantification désormais très faibles (2 ng/l) ». Quarante, sur les milliers de PFAS qui sont disséminés dans l’environnement… Les difficultés à analyser correctement les PFAS résident dans leur faible concentration dans les milieux et dans leur diversité, tant en termes de composition, que dans leur environnement de diffusion (eau, air, alimentation…). L’analyse spécifique est à un défi technologique qui nécessite à la fois des moyens importants et des recherches approfondies sur chaque molécule.

C’est pourquoi une seconde approche est utilisée afin d’esimer globalement la pollution des PFAS dans un espace. Cette approche englobe diverses méthodes d’analyses dîtes « globales », à l’image de la méthode TOPA (Total Oxidizable Precursors Assay). Ces méthodes d’analyse permettent d’estimer la pollution globale des PFAS, sans pour autant permettre d’identifier individuellement les substances présentes. Mais une fois de plus, ces méthodes sont complexes à mettre en place. Une récente étude publiée dans la revue Science of The Total Environment démontre par exemple que le foie de sanglier pourrait servir de biomarqueur, un indice sur la présence des PFAS, afin de déterminer les hot spots de seulement 31 PFAS.

Si la méthode scientifique peinent encore à décrire avec précision l’ampleur de la vague PFAS, la potentielle crise sanitaire qui en résulte pose de sérieux problèmes pour les gouvernements, les collectivités, les citoyens et la biodiversité qui pâtissent de cette pollution.

Éviter la consommation de PFAS

Au niveau Européen, comme au niveau national en France, seulement quelques substances sont ainsi ciblées par les politiques de réglementation, notamment les sous-familles des PFOA (acides perfluorooctanoïques) et les PFOS (sulfonates de perfluorooctanes). Le règlement Reach de l’UE, visant à encadrer la fabrication et l’utilisation des substances chimiques doit justement être revue d’ici fin 2023 pour combler une partie des nombreux manquements dans la gestion des PFAS.

En France, la prise en compte de ces substances toxiques est tout récente, à telle point que l’hexagone est pointée par l’IGEDD dans son rapport pour son manque d’action dans l’étude et la détection de ces substances sur la santé humaine, des animaux et sur l’environnement, mais également dans la dépollution et l’élimination des PFAS, notamment dans l’eau potable.

Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a annoncé en début d’année 2023 l’instauration d’un plan d’actions ministériel sur les PFAS pour réduire les nombreuses lacunes de la France, non sans subir quelques critiques, notamment de la part de l’ONG Générations futures spécialisée dans l’agriculture durable qui dénonce dans un communiqué un « manque d’ambition pour vraiment réduire l’exposition de l’environnement et des Français.e.s aux PFAS et les risques associés ».

Analyse des risques de présence de per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans l’environnement. (2023, avril 14). vie-publique.fr.

Bonato, M., et al. (2020). PFAS Environmental Pollution and Antioxidant Responses : An Overview of the Impact on Human Field. International Journal of Environmental Research and Public Health.

Futures, G. (2023, janvier 17). Générations futures réagit à la publication du plan d’actions ministériel sur les PFAS. Générations Futures.

Plan d’action ministériel sur les PFAS. (2023). Ministères Écologie Énergie Territoires.

« Polluants éternels » : Explorez la carte d’Europe de la contamination par les PFAS. (2023, février 23). Le Monde.fr.

Photo de Catherine Sheila, Pexel.