Quatre ans après la loi anti-gaspillage (Agec), les résultats sont mitigés selon une commission d’évaluation. Faute d’accompagnement, les filières du réemploi et de la réparation ont des difficultés à trouver un équilibre économique, rendant difficile le développement d’une véritable économie circulaire.

Voilà un peu plus de quatre ans que la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) a vu le jour en France. Créée par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, cette loi instaurée le 10 février 2020 vise à réduire drastiquement les déchets et le gaspillage des ressources. Malgré une forte ambition, la loi reconnue comme avant-gardiste par les acteurs de l’économie circulaire, n’a pas les résultats escomptés. 

C’est du moins le bilan d’une commission d’évaluation de l’impact de la loi Agec menée par   Véronique Riotton (RE, Haute-Savoie) et Stéphane Delautrette (SOC, Haute-Vienne). Les rapporteurs déplorent, en dépit de données parcellaires, que « plusieurs dispositions de la loi soient peu appliquées, voire pas du tout appliquées, ne fassent pas l’objet de mesures de suivi ou de contrôle, ou se heurtent à divers blocages, que ce soit à l’échelle locale, nationale ou européenne »

Un constat partagé par les associations France Nature Environnement, Les Amis de la Terre France, No Plastic In My Sea, Surfrider Foundation et Zero Waste France. Dans leur bilan commun publié quelques semaines plus tôt, elles soulignent que « la quantité de déchets produits, tous secteurs confondus, continue d’augmenter en France ». Contrairement à la trajectoire de réduction de 20 % fixée par la loi pour 2025, le tonnage des emballages à usage unique mis sur le marché a augmenté de 3,3 % entre 2018 et 2021 selon le bilan 2024 de l’Ademe. 

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Prévention, réparation et réemploi, les « parents pauvres de la loi Agec »

Cet échec, les rapporteurs l’expliquent en partie par « une mise en œuvre de la loi focalisée sur la collecte, le tri et le recyclage, au détriment d’une approche globale de l’économie circulaire ». La création de nouvelles filières REP (Responsabilité élargie du producteur), qui rend responsable, selon le principe pollueur-payeur, une partie des acteurs économiques de l’ensemble du cycle de vie des produits qu’ils mettent sur le marché, ainsi que l’extension des filières préexistantes, a entraîné le doublement du nombre de filières. 

Mais tous les secteurs de l’économie circulaire n’ont pas connu le même développement. La majorité des investissements ont été dirigés vers les acteurs du tri, de la collecte et du recyclage des déchets, pointe la commission. Et ce, « alors que la hiérarchie des modes de traitement des déchets impose de privilégier d’abord la réduction, le réemploi et la réparation, avant d’améliorer le recyclage des déchets”, souligne-t-elle. La grande majorité des gisements ont été orientés directement vers la filière du recyclage, rendant encore plus fragile le modèle économique du réemploi. Ainsi, les volumes étudiés pour le réemploi ne représenteraient que 7 % des 625 000 tonnes collectés et ceux réellement réemployés que 1,4%, soit 9 000 tonnes. 

Le renforcement des filières REP, et les différents dispositifs incitatifs à la réparation, à l’instar du fonds de réparation financé par les fabricants introduit dans la Agec, ont en outre exercé une contrainte particulièrement forte sur les acteurs du milieu. Le dispositif, déployé fin 2022 pour encourager la réparation des produits électriques et électroniques, et les textiles, linges de maison et chaussures depuis novembre 2023, présente des premiers résultats également décevants.

Quant au fonds de réparation, « il a été bénéfique pour les citoyens », estime Nesrine Dani, directrice « Partenariats et Innovation » de Envie Le Labo (Paris) lors d’une table ronde sur le « soin des choses » Pour autant, le bonus réparation s’est accompagné mécaniquement d’une hausse de la demande des consommateurs, à laquelle les acteurs de la réparation n’ont su répondre. « Les politiques publiques n’ont pas été au rendez-vous, nous avons oublié de former de nouveaux réparateurs. Ces emplois, pourtant d’avenir, sont en plus dévalorisés, avec des salaires peu attractifs et des conditions de travail difficiles », alerte-t-elle. 

Accélérer le développement de l’économie circulaire

Si les résultats sont décevants, le bilan dressé par les rapporteurs de la commission n’est cependant pas totalement négatif. En témoignent les premiers résultats encourageants de l‘affichage environnemental. Cependant, « les transformations actuelles, encore balbutiantes, devront s’accélérer pour permettre un véritable changement de modèle économique vers l’économie circulaire »

Le rapport propose 100 recommandations destinées à renforcer les filières de la réparation, du réemploi, et du recyclage, et à prévenir la production de déchets. Elles concernent entre autres la consigne pour le réemploi du verre, le tri à la source des biodéchets, le respect de l’interdiction de vaisselle jetable dans la restauration sur place et la définition de trajectoires de réduction.

De leur côté, les ONG France Nature Environnement, Les Amis de la Terre France, No Plastic In My Sea, Surfrider Foundation et Zero Waste France appellent conjointement l’État à se saisir au plus vite de ces recommandations. « Mais il faut aller plus loin, en sortant du statu quo du « pollueur décideur » et en interdisant une bonne fois pour toutes les produits non recyclables, en particulier le polystyrène », déclare Charlotte Soulary responsable du plaidoyer de Zero Waste France.

Illustration : canva