Les députés ont voté le 4 avril l’adoption d’une proposition de loi pour interdire les PFAS dans les cosmétiques, les produits de fart pour les skis et les vêtements. Une première victoire entachée par certains reculs, cédés aux industriels, selon les députés écologistes qui portaient le texte.

C’est une première victoire dans la lutte contre les PFAS. Les députés ont voté en première lecture la proposition de loi portée destinée à limiter la diffusion des substances per- et polyfluoroalkylés (PFAS) le 4 avril. Porté par une forte actualité, le texte a réussi à rassembler 186 voix « pour », sans vote « contre ». Les 27 abstentions montrent cependant les réticences des Républicains et du Rassemblement national à contraindre les industriels. 

Ceux-ci ont en effet mis les moyens pour les convaincre des « effets pervers » d’une telle loi sur les emplois et la compétitivité des entreprises. Lors de la séance d’examen du texte, le ministre de l’industrie, Roland Lescure, a ainsi dénoncé un texte « inopérant » à l’échelle nationale. Regrettant l’absence de distinction entre les PFAS, il a notamment soutenu que la proposition de loi menaçait de « tuer l’industrie française ». Tout en assurant ne pas être « l’avocat des industriels ». 

Pour en savoir + : Les PFAS, c’est quoi ?

Le principe du pollueur payeur adopté 

La proposition adoptée vise à interdire la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits non essentiels. Sont concernés des cosmétiques, le fart des ski, et des vêtements (hors vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile) contenant des PFAS dès 2026. Puis tous les produits textiles seront concernés d’ici 2030.

La proposition de loi a également été enrichie par l’introduction d’une trajectoire de « réduction progressive des rejets aqueux de PFAS des installations industrielles de manière à tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de 5 ans à compter de la promulgation de la loi ». Celle-ci devra être définie par décret. 

La loi prévoit en outre un contrôle sanitaire des eaux potables pour toutes les substances PFAS connues d’ici à 2026, ainsi qu’un système de redevance financière par les industriels concernés, sur le principe du pollueur-payeur, Celle-ci sera versée aux agences de l’eau pour le traitement et la surveillance de l’environnement. Les coûts induits par ces substances chimiques, des frais de santé aux coûts potentiels de dépollution, sont ainsi estimés à 16 000 000 000 000 d’euros par an au niveau mondial. Pour la France, on estime ce coût potentiel à 2 274 milliard d’euros par an, rappelle l’ONG Notre Affaire à Tous

Derrière les reculs, les lobbies en embuscade 

Reste un goût amer pour les porteurs de la loi qui demandaient initialement l’interdiction des ustensiles de cuisine pour 2026. La veille de l’examen en séance plénière, des ingénieurs, médecins et chercheurs avaient ainsi publié une tribune dans le journal Le Monde pour alerter sur la dangerosité des PFAS. Ils y soulevaient notamment « la question de l’exposition à long terme à ces substances présentes dans les “ustensiles de cuisine en PTFE ». 

Mais, pour la majorité présidentielle, l’interdiction apparaissait trop soudaine pour les industriels. Celle-ci avait alors proposé de la repousser en 2030. « Nous espérons que d’ici là, l’Europe aura avancé grâce au règlement Reach et que nous aurons une meilleure connaissance scientifique des polymères », a ainsi déclaré le député MoDem Cyrille Isaac-Sibille, auteur d’un récent rapport commandé par le gouvernement sur les PFAS,  lors des débats. Faute de consensus, l’interdiction des PFAS dans les ustensiles de cuisine a donc tout simplement disparu du texte voté par les députés. 

Quant aux emballages alimentaires, une autre source importante d’exposition aux « polluants éternels », leur réglementation a été renvoyée à la réglementation européenne qui doit prochainement les encadrer plus strictement. 

Quelles suites pour le texte ? 

« Nous regrettons d’avoir constaté le lobbying grossier d’un industriel qui a malheureusement trouvé un écho auprès du gouvernement », a ainsi déploré Nicolas Thierry  dans un post Linkedin, à l’issue du vote. L’industriel visé, c’est SEB, dont la filiale Tefal est un fabricant historique de poêle anti-adhésive. Le PDG du groupe,  Thierry de la Tour d’Artaise, est ainsi monté au créneau pour assurer que ses produits ne représentaient « aucun danger pour [ses] salariés et donc pour le consommateur ». La veille de l’examen de la loi, le 3 avril, une centaine de salariés de l’entreprise avaient manifesté devant l’Assemblée nationale pour alerter les députés sur la menace que la loi faisait peser sur leur emploi. 


Surtout, la question se pose sur l’avenir de ce texte qui doit encore passer devant le Sénat, peut-être durant la niche écologiste du 30 mai. En saluant une victoire, « emportée grâce à un travail collectif » et « une mobilisation citoyenne », l’ONG Générations futures, a appelé « les sénateurs et sénatrices à faire preuve d’un même esprit de responsabilité » que les députés en votant un texte à l’identique. Cependant, « sans une volonté politique affirmée de l’État de lutter contre ces polluants éternels, il est à craindre que le texte ne soit encore amoindri voire mis en danger dans la suite du processus législatif puis dans sa mise en œuvre effective par le gouvernement », alerte Notre Affaire à Tous.

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