Quel sera l’impact de la sécheresse sur les rendements agricoles en 2023 ? Une catastrophe agricole se dessine alors que la sécheresse frappe plus que jamais la France.

Après une année 2022 marquée par la sécheresse, 2023 a débuté par un épisode intense de sécheresse hivernale : plus d’un mois sans la moindre pluie significative sur l’ensemble du territoire métropolitain. Au moment du début du printemps, les réserves d’eau souterraines du pays sont au plus bas.

Dans certaines zones, les restrictions sur l’usage de l’eau ont déjà commencé, et certains villages sont d’ores et déjà privés de leur source d’eau potable, et ce, alors que les températures et les météo estivales sont encore loin.

Alors, quelles conséquences aura cette sécheresse gigantesque sur les rendements agricoles en France ? Comment l’agriculture pourra-t-elle faire face à cette catastrophe sans précédent ? Plus que jamais, le secteur s’inquiète des conséquences de la sécheresse.

Sécheresse 2023 : des réserves d’eau au plus bas

D’après le BRGM, qui évalue les niveaux des réserves hydriques, la situation est critique sur pratiquement toute la France. 75% des nappes seraient en dessous des niveaux moyens en ce début de printemps, et ce, malgré les pluies parfois intenses qui ont arrosé les territoires français depuis la mi-février. En comparaison, seules 58% des nappes étaient dans une situation critique à la même période en 2022, qui était déjà une année particulièrement intense en matière de sécheresse.

Dans certaines régions, notamment dans le Sud-Est et le pourtour méditerranéen, les niveaux sont critiques : jusqu’à 80 à 90% de déficit de pluviométrie sur les derniers mois. Les écosystèmes sont donc pratiquement entièrement secs, et on voit déjà les conséquences de cette sécheresse sans précédent : les incendies dans les Pyrénées Orientales sont déjà parmi les plus importants jamais enregistrés si tôt dans l’année en France.

Des conséquences dramatiques sur l’agriculture

Une telle sécheresse pèse évidemment sur les systèmes agricoles. On sait ainsi depuis longtemps que la multiplication des sécheresses réduit le plus souvent la productivité des espèces cultivées. Une étude menée sur les conséquences de la sécheresse sur la productivité agricole en Europe montrait déjà, en 2021, que les pertes agricoles liées à la sécheresse avaient triplé sur la période 1990-2015 par rapport à la période 1965-1990. Le réchauffement climatique et la hausse de la fréquence des années de sécheresse ont entraîné des pertes de rendement moyennes de près de 8%. En France, les précédents épisodes de sécheresse ont, d’après les études, mené à des pertes de rendements allant jusqu’à près de 20% !

Problème : depuis 2015, la situation climatique s’est encore aggravée, et ces dernières années, le manque d’eau est tel que les pertes pourraient être réellement catastrophiques en 2023. Déjà en 2022, les données ont montré des pertes significatives : -10 à -20% de rendements en moyenne sur le territoire pour les cultures céréalières, par exemple -13-14% sur le maïs. Pour les pommes de terre, on observe en 2022 un rendement au plus bas depuis près de 30 ans.

Ces chiffres cachent des grandes disparités régionales ou entre les cultures : en Midi-Pyrénées, les rendements du maïs ont baissé de près de 50%, alors que les rendements sur les blés d’hiver a été plutôt stable.

2023 : une situation critique à cause de la sécheresse hivernale

Cette année, les conséquences pourraient à nouveau être dramatiques, et même encore plus fortes que l’an passé. En effet, contrairement à 2022, l’année 2023 commence avec une sécheresse hivernale particulièrement forte, et qui vient s’ajouter au déficit hydrologique de 2022.

Si les conditions de températures sont similaires à celles de 2022, avec un mois de mai et un été très chaud, et plutôt sec, les conséquences pourraient s’avérer dramatiques pour l’agriculture française. Or, sur ce plan là, les prévisions météorologiques pour les prochains mois ne sont pas forcément rassurantes. Météo-France prévoit ainsi une fin de printemps et un été chauds, à 1.5 degrés au-dessus des normales de saison. Le mois de mai devrait être sec, comme l’an dernier. Et ce ne sont pas forcément les orages, prévus pour juin et l’été, qui rassurent vraiment : on sait en effet que les orages violents, qui plus est sur des sols secs, ont tendance à ruisseler plutôt qu’à alimenter les écosystèmes.

Ces prévisions sont évidemment peu fiables à ce stade, et on ne peut en tirer des conclusions définitives. Mais une chose est sûre, cette année, et probablement les suivantes, l’agriculture française devra faire avec la crise de l’eau et la sécheresse globale, surtout dans le Sud-Est, et le centre.

Anticiper les conséquences de la sécheresse sur les rendements agricoles

Et c’est peut-être à l’étranger que l’on trouve la meilleure « simulation » de ce qu’il pourrait arriver sur le territoire français, afin d’anticiper et d’adapter l’agriculture française.

En Tunisie, qui subit aussi une sécheresse inédite, la situation est telle que les agriculteurs sont désormais contraints de laisser leurs terres en jachère. Dans certaines régions, on ne récoltera pratiquement rien cette année. Dans certaines régions, à peine 15% des surfaces cultivées en céréales seront réellement productives. La catastrophe est globale et pèsera forcément sur le monde agricole, ainsi que sur les prix agricoles, en alimentant une probable inflation des prix alimentaires.

Alors, comment s’adapter ? L’INRAE a publié, en 2006 (il y a longtemps donc) une étude qui passe en revue les options : sélection variétale, rotation des cultures, transformation des systèmes d’élevage… Une chose est sûre, aucune de ces solutions n’est simple et n’apporte de réponse miracle à cette crise de l’eau, qui frappe de plein fouet le monde agricole. Il faudra donc s’attaquer en profondeur à refonder notre agriculture pour faire face à cette nouvelle réalité climatique.

Photo de Anders Jildén sur Unsplash