Comment aider les enfants à aimer les légumes ? La Fondation Louis Bonduelle à la recherche de stratégies efficaces

Eloïse Remy-Castagna - Head of Research at the Louis Bonduelle Foundation

Groupe Bonduelle

Ingénieure « Alimentation & Santé » et docteur en Science de l’Alimentation, Éloïse dispose d’une expertise sur l’étude des comportements alimentaires (perceptions, choix, consommation, appréciation). Depuis 2014, elle participe aux activités de la FLB via la définition et le pilotage des projets de recherche menés en son nom. Éloïse pilote également une équipe au sein du Service R&D du groupe Bonduelle, dédiée à l’étude des propriétés nutritionnelles et sensorielles des végétaux et leurs interactions avec le mangeur.

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Bien qu’il ne soit plus nécessaire de démontrer les bienfaits des légumes dans notre alimentation, leur part dans nos rations quotidiennes reste en deçà des recommandations nutritionnelles. Or, les apprentissages alimentaires, comme un grand nombre d’apprentissages fondamentaux, s’opèrent pendant l’enfance. Il est donc primordial que nos enfants apprennent aussi tôt que possible à aimer les aliments les plus sains, et notamment ceux qui trop souvent provoquent grimaces et rejet : les légumes.

Pourquoi les enfants rejettent-ils les légumes qu’ils ne connaissent pas ? Comment les rendre aussi familiers que possible aux enfants ? Avec Epicurium, la Fondation Louis Bonduelle a testé différentes « stratégies » pour identifier les plus efficaces… résultats surprenants !

Faire apprécier les légumes aux enfants, pourquoi c’est si difficile ?

L’enfance est une période au cours de laquelle s’opère un grand nombre d’apprentissages. Y compris les apprentissages alimentaires. Dans notre enfance nous apprenons à dissocier ce qui est culturellement admis de manger ou non, à apprivoiser les couverts (ou pas selon les cultures) mais aussi, au gré des expériences alimentaires, à connaître leur texture et leurs goûts, et à les apprécier en fonction de leur effets sur notre corps. Nous apprenons à aimer ceux qui nous apportent de l’énergie et à déprécier ceux qui donnent mal au ventre, par exemple.

La plupart des arômes se découvrent et s’apprivoisent dès l’enfance, pas seulement la saveur sucrée. De nombreuses études le montrent, ce qui est découvert et apprécié durant l’enfance aura plus de chance d’être encore apprécié à l’âge adulte. C’est donc dès l’enfance qu’il faut découvrir et apprendre à aimer les aliments sains, en l’occurrence un maximum de légumes différents.

A partir de 18 mois, beaucoup d’enfants développent un caractère néophobe qui consiste à rejeter les aliments nouveaux. Principe de précaution oblige, tout ce qui, concernant un aliment, ne ressemble pas à ce que l’enfant à en tête, connaît ou a déjà expérimenté, pourrait être un poison. Ainsi, la néophobie explique qu’un enfant qui aime les carottes râpées rejette une assiette de carottes râpées assaisonnées avec une herbe de couleur verte. Et considérant le risque de « contamination », même si l’objet vert est retiré, l’enfant le refusera, appliquant ainsi malgré lui une forme de principe de précaution.

On le comprend, en termes de diversification alimentaire, la clé pour que les légumes entrent dans le quotidien des individus consiste à les rendre les plus familiers possible, le plus tôt possible. C’est pourquoi les pédagogues cherchent à multiplier, de quelque manière que ce soit pourvu que l’expérience soit agréable, les contacts des enfants avec des légumes : atelier de cuisine, potager, exposition, jeu de plateaux, héros d’histoires pour enfants, figurines, etc.

Le projet Epicalim de la Fondation Louis Bonduelle vise à identifier les stratégies les plus efficaces pour familiariser les enfants avec les légumes

La Fondation Louis Bonduelle, qui agit concrètement pour faire évoluer durablement les comportements alimentaires (lire l’article précédent), a démarré en février 2016 le projet Epicalim, nommé d’après son principal partenaire, le musée Epicurium (pour en savoir plus sur le musée).

Centre de découverte entièrement dédié au végétal, de la graine à l’assiette, Epicurium promeut les principes d’une alimentation durable, favorable à la santé, respectueuse de l’environnement et ancrée sur son territoire (Epicurium se trouve dans le département du Vaucluse en France). Epicurium réalise cette mission d’une manière originale et ludique, à travers différents formats (évènements, ateliers, conférences…), afin de sensibiliser un public qui soit le plus large possible.

Lauréat de l’appel à projets lancé en juillet 2016 par la Fondation Louis Bonduelle, Epicurium a d’abord développé une exposition sur les légumineuses. Par la suite, le partenariat s’est poursuivi autour des différentes actions visant à sensibiliser aux bienfaits de la consommation des légumineuses. Intéressée à la mesure d’impacts (notamment la mesure des impacts relatifs) d’actions réelles sur les comportements alimentaires, la Fondation Louis Bonduelle a ainsi donné naissance au projet Epicalim, articulé autour de deux études in situ.

Les méthodes de ces deux études, établies par l’équipe scientifique de la Fondation ont été validées par Marie-Josèphe Amiot-Carlin, présidente de l’association Epicurium et directrice de recherche en nutrition à l’INRA.

Étude 1 : mesure de l’impact relatif d’ateliers ponctuels sur les comportements alimentaires

L’objectif de cette première étude était double :

  1. Mesurer et comparer les impacts de trois formats d’ateliers ludiques (de cuisine, de jardinage, ou la visite guidée d’une exposition) sur la consommation d’une recette de fèves, chez des enfants d’âge primaire.
  2. Mesurer si l’impact de ces ateliers est différent lorsque les fèves sont préparées telles qu’elles se présentent de prime abord lors des activités proposée (entières, en salade) ou sous une forme culinaire différente (en purée). Ce deuxième objectif aborde une notion jamais étudiée dans la littérature, pourtant centrale puisque les légumes sont des aliments qui ont la particularité de pouvoir être cuisinés de nombreuses façons différentes.

L’expérience s’est déroulée avec 218 enfants, en classes de CP, CE1, CE2 de huit écoles de quartiers urbains et ruraux divers, représentatifs des alentours d’Avignon. Préalablement à l’expérience, les enfants ont répondu à un questionnaire permettant d’évaluer leur tendance à la néophobie. Trait de tempérament, la néophobie est aussi variable chez les êtres humains que la capacité à prendre des risques. Par groupe de 10, les enfants ont participé à l’une des trois activités : cuisine, jardinage, visite guidée d’une exposition ludique. Puis, avant de manger leur pique-nique, les enfants se sont vus proposer simultanément deux recettes (salade et purée) de fèves. Après la consommation, et à l’abri des regards, chaque bol a été pesé au gramme près afin de déterminer les quantités consommées.

Les résultats de cette étude sont les suivants :

  • les enfants qui ont participé à l’atelier cuisine ont mangé significativement plus de fèves que ceux qui ont participé à l’exposition ludique ;
  • l’atelier jardinage tend à être aussi impactant que l’atelier cuisine mais uniquement pour les enfants peu néophobes. Pour les enfants les plus néophobes, l’effet de l’atelier jardinage se rapprochait de celui de la visite de l’exposition ;
  • ces résultats ont été observés quelle que soit la recette proposée (purée et salade).

Étude 2 : mesure de l’impact d’un jeu de Memory sur les comportements alimentaires

Conçue pour mesurer les effets d’un jeu de mémoire sur la consommation de légumes par des enfants âgés de 4 à 5 ans, cette étude a elle aussi deux objectifs :

  • comprendre si un jeu de mémoire qui contient des images de légumes peut stimuler la consommation de légumes chez les enfants ;
  • comprendre si l’effet n’est remarquable que pour un légume bien connu et apprécié ou également pour un légume peu connu des enfants.

Lors d’une sortie scolaire au musée Epicurium, 92 enfants, de 4 à 5 ans, issus de cinq écoles différentes, ont été invités à jouer quinze minutes avant l’heure du déjeuner à un jeu de type memory. La moitié d’entre eux jouait avec un jeu présentant des objets, l’autre moitié avec un jeu présentant des carottes (familier) et des lentilles corail (peu familier). Puis au sein de chaque groupe, la moitié des enfants ont été invités à consommer une salade de carottes râpées, l’autre moitié, une salade de lentilles corail. Là encore, après la consommation, et à l’abri des regards, chaque bol a été pesé au gramme près afin de déterminer les quantités consommées.

Les résultats indiquent que le fait de jouer à un jeu type Memory représentant des légumes tend à montrer un effet positif sur la consommation de légumes, mais uniquement lorsque celui-ci est familier.

Choisir les activités ludiques en fonction de tempérament des enfants

Bien sûr, une recommandation évidente, face au phénomène de néophobie, est de familiariser les enfants avec un maximum de légumes différents dès le plus jeune âge. Un type d’activités, l’atelier culinaire, semble fonctionner mieux sur tous les enfants, quel que soit leur tempérament. Concernant l’atelier Jardinage, la recommandation diffère selon le caractère de l’enfant. Si vous observez que votre enfant présente un caractère néophobe, lui faire découvrir un légume nouveau dans un potager risque d’en limiter la consommation. En revanche, si votre enfant n’est pas néophobe, lui permettre de récolter lui-même le légume et lui faire découvrir la plante en favorisera la consommation.

Toutefois ces recommandations découlent de travaux ayant étudié l’impact d’une intervention ponctuelle sur la consommation d’un légume peu familier. Elles ne peuvent se généraliser à l’impact de la visite régulière d’un potager, ou à la consommation d’un légume familier.

Suite aux premiers résultats intéressants obtenus grâce au projet Epicalim, la Fondation Louis Bonduelle souhaite valoriser ces travaux ainsi que la littérature scientifique existante dans un guide de bonnes pratiques à destination des acteurs souhaitant développer des actions concrètes de sensibilisation destinées aux enfants.

En 2018, la Fondation Louis Bonduelle poursuivra ses travaux avec un autre partenaire, l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec, dont le centre de recherche anime de nombreuses opérations de sensibilisations. Autant de terrain de jeu pour la Fondation Louis pour continuer à mettre en œuvre ses méthodologies de mesures d’impacts sur différents comportements alimentaires.

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