Mardi et mercredi 19 et 20 avril derniers se sont déroulées les Rencontres Nationales des Directeurs de l’Innovation. L’évènement, organisé par L’Institut Européen de Stratégies Créatives et d’Innovation, s’est tenu au siège social de la Poste, réunissant plus de 200 responsables de l’innovation de sociétés et écosystèmes d’innovation en France et à l’étranger.

A propos de l’évènement

Je ne reviendrai pas sur le détail des participants et du programme, déjà évoqué dans l’article La Rencontre Nationale des Directeurs de l’Innovation, c’est dans 5 jours.
Cette année, les conférences s’intéressaient plus particulièrement au thème des eco-systèmes d’innovations au coeur des entreprises, collectivités et associations.
Les rencontres ont débuté par une remise à niveau de Marc Giget, à redécouvrir entre autres dans l’article Un écosystème d’innovation peut en cacher beaucoup d’autres. S’en sont suivis 2 jours de conférences intenses où les speakers ont pu partager leur manière de concevoir et analyser leur propre écosystème d’innovation. Les fins de prises de parole engageaient le débat au travers de Questions/Réponses, souvent poursuivi autour d’un verre.

Quelles tendances retenues ?

Je pensais me concentrer sur 1 ou 2 interventions liées aux innovations liées au développement durable. Il en a été tout autre. J’estimerai que plus de 50% des interventions étaient liées à ces sujets. Le changement est en marche.

Des business models pour l’humain et l’environnement = BETTER

L’intervention la plus remarquée fut sans aucun doute celle d’O3B (Other 3 Billion). Ce nom de société a le mérite d’être clair. La mission d’O3B est de fournir accès à Internet aux 3 milliards d’individus qui en sont aujourd’hui dépourvu, faute d’infrastructure, de capacité financière ou de rapport prix/service rendu. Leurs innovations ont permis d’adresser ces trois limites : pas ou peu d’infrastructure (Internet via satellites), un modèle économique abordable pour les pays et régions les plus démunies, pour un débit Internet proche de la fibre optique. Cette initiative, récompensée lors de l’évènement par un Hermès de l’Innovation, fera l’objet d’un article dédié dans les jours à venir.

Peter Boehm, Directeur RSE et Développement Durable a pris la parole pour la Joint-Venture BSH. Cette société n’est pas connue du grand public mais est à l’origine des réfrigérateurs, lave-linges et autres appareils électroménager des marques Bosch et Siemens. Forts d’une capacité d’innovation en matière de conception d’électroménager peu gourmand en énergie, la société a pris le virage de l’économie d’énergie ces dernières années.
Ce changement est d’abord passé par de la R&D, en concevant de l’électroménager au maximum des standards actuels (A++ et A+++), ensuite valorisé via une communication adaptée pour mettre en avant leurs avantages concurrentiels (formation du personnel, site Internet dédié, calculette d’économies d’énergies), et enfin au niveau des circuits de ventes, en définissant des objectifs en terme de performance de vente sur ce segment de marché.
En quelques années, la Joint-Venture est passée de 9% à 29% de ventes sur le marché des « super efficient appliances« .
Ce changement d’orientation business ne bénéficie pas qu’au porte-monnaie de la société. Un use case présenté lors de la conférence annonce une économie pour l’usager de 681€ sur toute la durée de vie du produit, entre un réfrigérateur de classe A+++ et un autre de classe A, pour 1900KWh et 1.8 tonnes de CO2 économisés.

Si vous demandez à William Hitchon, Business Innovation Manager de Bormioli Rocco, si produire des flacons à base de verre et plastique recyclé permet d’économiser de l’argent et de l’énergie, sa réponse sera : OUI. Bormioli Rocco est une entreprise productrice de flacons, ayant entre autres pour client l’Occitane en Provence. Lors d’un premier test pour le marché japonais, ils ont souhaité proposer un flacon éco-conçu, à base de plastique recyclé. L’entreprise devait faire face à un triple défi :

  • se lancer sur un marché inconnu pour eux
  • permettre à la société de suivre la ligne directrice de rejets d’émissions de CO2 définie pour 2020
  • proposer des flacons sans imperfection pour répondre aux exigences de qualité des consommateurs japonais

Ce test couronné de succès les a incités à aller plus loin pour l’Occitane, qui propose désormais des éco-recharges et flacons aux pièces démontables et remplaçables.

Alexandre Hoffmann, Directeur Général de Paypal France, ainsi que Yann Depoys, Directeur Advertising d’Ebay Europe du Sud sont aussi venus décrire comment leurs solutions permettent aux indépendants et petites entreprises d’accéder à des moyens de facturation et de commerce à moindre coût.

Des innovations et systèmes conduits par les usagers = SMARTER

Et l’usager dans tout ça ? Concevoir des produits et services en faveur du développement durable, c’est bien, mais s’ils ne répondent pas à de véritables besoins ou n’améliorent pas le quotidien, ils ne servent à rien ! Cette affirmation parait évidente, cependant à voir les différents produits mis sur le marché, on peut se demander dans quelle mesure les entreprises co-construisent avec les utilisateurs finaux.
Une nouvelle tendance semble cependant se dégager des RNDI : un certain intérêt apporté aux usagers. La faute aux réseaux sociaux, je ne sais pas, mais les entreprises semblent leur accorder plus d’importance.
Cela donne lieu à de belles innovations conduites par et pour les usagers.

Chez EDF, Philippe Commaret, Directeur Marketing à la Direction Entreprises et Collectivités territoriales a insisté sur un projet mené en Allemagne.
Un constat initial a été apporté par un anthropologue : les décisions en entreprise sont prises suite à un rapport de force avec les parties prenantes, et selon les thèmes de prédilection de l’entreprise (ex pour un hôpital : la santé, la sécurité).
Compte tenu de ce retour, EDF a abordé les problématiques énergétiques orienté client. EDF a proposé des groupes de discussion au travers d’un blog, où les clients ont partagé leurs expériences internes sur la manière dont les clients pensent pouvoir réduire leur facture énergétique. Les retours ont permis ensuite à EDF de proposer des solutions adaptées aux usagers, qui permettent in fine d’économiser 100€ d’électricité pour 1€ investi.
D’autre part, EDF a lancé une initiative similaire en interne pour puiser l’innovation de l’intérieur de l’entreprise pour faire évoluer leurs offres : l’Observatoire de l’énergie. Coût de l’opération : environ 300 000€/an pour environ 1 000 visiteurs mensuels venant des employés.

Guillaume Parisot, Directeur de l’innovation chez Bouygues Immobilier a partagé un retour sur la manière dont ils conçoivent désormais leurs bâtiments. Tout est parti d’un constat des usagers : les escaliers ne sont jamais utilisés car trop loin des portes d’entrée et souvent trop sombres, au milieu du bâtiment. Bouygues Immobilier conçoit désormais de nombreux bâtiments en mettant en valeur un escalier externe, proche de l’entrée et souvent transparent. Ce type de construction permet de diminuer l’usage des ascenseurs.

1 + 1 = STRONGER

Réseau réels, virtuels, la notion de réseau m’est apparue aussi comme une tendance forte des RNDI.

Pour Peugeot, le réseau passe par la construction d’un réseau d’excellence par la création d’un doctorat exécutif ainsi que l’animation d’un hub « openlab » sur un campus académique.

Pour le territoire de Curitiba au Brésil, l’innovation est passée au niveau de l’école, par la création du SESI, un système éducatif totalement « recyclé ».

  • Les fondements de leur école reposent sur le fait qu’il faut
  • apprendre à travailler en équipe pour apprendre à cohabiter
  • apprendre à faire et à résoudre des défis pour « apprendre à apprendre »

Le résultat est surprenant. Les compétences relationnelles sont mélangées aux compétences cognitives. Tous les élèves travaillent toujours en équipe. Dans une même classe, fonctionnant par « ateliers d’apprentissage », on pourra retrouver des élèves de classes différentes qui traitent du même sujet.
En 6 ans, 44 classes ont été proposées pour 11 000 élèves éduqués.
La mise en réseau se fait aussi au travers de leur écosystème. Les industries sont les partenaires majoritaires de l’école, ce qui a permis à 60% des élèves d’étudier avec une bourse. Les autres élèves ont des aides des collectivités locales.

Les limites des rencontres

J’estime que les jeunes et les startups sont les vrais innovateurs des écosystèmes d’innovation et étaient les grands oubliés des rencontres. J’ai pu en rencontrer des entrepreneurs ambitieux lors de l’évènement… plus dans les couloirs que sur le plateau. Les fondateurs de Facebook et Google n’étaient-ils pas encore étudiants lorsqu’ils ont fondé leurs sociétés ?
D’autre part, les interventions étaient des successions de success stories. Il aurait été intéressant de pondérer les interventions par de véritables failure stories, comme on peut les retrouver lors des Fail Con, par exemple.
Un des retours principaux donnés par les conférenciers était sur le format des rencontres. Les prises de paroles étaient selon eux trop académiques pour appliquer les use cases à leur activité. De plus, la plupart aurait préféré moins de conférences, sur des thèmes moins « écosystème d’innovation-centrique », pour plus de moments d’échange avec leurs pairs.
Enfin, je mettrai un carton rouge sur la connexion Internet, bloquée pour de nombreux sites de partage… lors qu’elle fonctionnait.

Is it worth it ?

Tout dépend de votre taille d’entreprise et de votre motivation.
A plus de 1000 euros pour deux jours, le retour sur investissement est faible pour une startup désireuse d’échanger sur leurs bonnes pratiques avec d’autres entreprises innovantes. Si votre motivation première est de networker, identifiez dès la première heure les interlocuteurs qui vous permettront de « rentabiliser » votre venue. Compte tenu des faibles temps d’échange, le temps va passer très (trop) vite. D’ailleurs, dans quelle mesure serait-il possible de proposer un prix TPE/PME et un prix Grands Groupes ?
Si votre motivation principale est de veiller pour le compte de votre entreprise, foncez. Vous rattraperez l’équivalent d’un an de veille de tendances macro en l’espace de 2 jours.
Enfin, si vous cherchez avant tout des réponses concrètes à des défis internes de votre entreprise, consultez le programme en premier lieu pour identifier quelles interventions pourront le mieux vous apporter des pistes de réflexion.

Avez-vous participé à l’évènement ? Quels sont vos retours ?

A découvrir aussi :

Crédit photo : Pierre Métivier, en licence CC sur Flickr, Feuilllu