Que faire après l’échec relatif de la COP26 ? Quelles seraient les étapes indispensables à une vraie politique de lutte contre le réchauffement climatique ? Creusons le sujet.

Alors que la 26e conférence des Nations Unies s’est achevée le 12 novembre, le pacte de Glasgow pour le climat dont elle a accouché laisse un goût amer pour plusieurs, et notamment Alok Sharma, président de la COP26. Apparaissant fortement ému, il se dit être « terriblement désolé » et comprendre la « profonde déception », tout en insistant sur le caractère vital qu’il y a à protéger cet accord, même s’il n’est pas aussi ambitieux que beaucoup auraient espéré.

Dans notre article Bilan de la COP26 : que retenir de l’accord de Glasgow ?, on vous dressait le bilan mitigé de cet accord auquel sont parvenus les Etats. Malgré les progrès sur certains points, notamment l’obligation pour les Etats de revoir leurs ambitions à la hausse chaque année au lieu de tous les 5 ans comme cela avait été conclu lors de l’accord de Paris en 2015, ce pacte laisse pour certains un goût d’inachevé.

Si tous les pays présents à la COP26 convergent sur l’objectif de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), leurs engagements pour y parvenir, eux, sont très hétérogènes. D’où la question : et maintenant, que fait-on ? Que peut-on espérer pour lutter contre le dérèglement climatique à l’échelle nationale ?

Si les COP réunissant les dirigeants internationaux sont intéressantes pour fixer les lignes conductrices de la lutte contre le dérèglement climatique, fixer un cadre à grande échelle et envoyer des signaux d’alerte à ces dirigeants, elles ne sont pas le lieu pour décider de comment on gouverne la transition écologique et climatique. Il faut pour cela se pencher sur une l’échelle nationale pour réfléchir à la manière dont les Etats doivent s’attaquer au problème.

La nécessité de prendre des engagements ambitieux

Dans un rapport de l’Agence Internationale de l’Energie publié en mai 2021, un investissement massif dans le renouvelable et l’abandon de tout nouveau projet pétrolier ou gazier sont indispensables pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Mais dans la réalité, on en est encore loin : les pays ont bien du mal à se passer des énergies fossiles devenues indispensables à leur développement. La Chine par exemple est le premier pays consommateur de charbon, mais finance aussi un grand nombre de projets de développement du charbon à l’étranger. Depuis l’accord de Paris sur le climat, en 2015, la Bank of China a investi plus de 35 milliards de dollars (environ 30 milliards d’euros) dans des projets de centrales à charbon à travers le monde selon Le Monde.

En septembre 2021, le président chinois Xi Jinping a néanmoins affirmé que la Chine ne construirait plus de nouvelles centrales à charbon à l’étranger. Mais à l’intérieur du pays, d’importantes coupures électriques ont conduit le pays à reprendre la production de charbon de plus belle, ralentie par la crise sanitaire. Quand on sait que le charbon compte pour près des deux tiers de la production électrique du pays, on se rend compte de l’ampleur de la tâche à accomplir pour le pays s’il veut réduire ses émissions de GES.

Les populations aussi a besoin de voir leurs Etats prendre des mesures significatives pour lutter contre le dérèglement climatique. L’éco-anxiété atteint en effet des niveaux record. D’après les données fournies par Google à Grist, une organisation à but non lucratif sur le climat, les recherches sur « l’anxiété climatique » ont augmenté de 565 % entre octobre 2020 et octobre 2021.

Elle se manifeste d’autant plus que les conséquences du dérèglement climatique sont visibles : selon un rapport publié le 27 septembre par le Yale Program for Climate Communication, 70 % des Américains, ce qui est un record absolu, sont désormais très ou assez préoccupés par le changement climatique. Il y a eu une augmentation significative après cet été au cours duquel les États-Unis ont été confrontés à un assaut de vagues de chaleur, de feux de forêt, d’inondations et d’ouragans.
Les marches pour le climat qui se succèdent à travers le monde montrent bien à quel point la question préoccupe la société civile.

Le besoin d’accords juridiquement contraignants, pour tous les pays

Prendre des engagements oui, encore faut-ils qu’ils soient suivis d’effets, et de sanctions le cas échéant. Or dans le cadre de la COP, rien n’est réellement contraignant. Plusieurs promesses ont été faites par des regroupements de pays, concernant la réduction de la déforestation à l’horizon 2030, ou encore la réduction de 30 % des émissions de méthane d’ici 2030 par rapport aux émissions de 2020. Problème : ces accords ne seront en réalité soumis à aucun contrôle, et tous les pays n’y sont pas soumis.

L’accord visant à lutter contre la déforestation d’ici 2030 vient seulement remplacer un accord préexistant, celui de la Déclaration de New York sur les forêts. On pouvait lire dans cette déclaration : « l’objectif commun est de réduire les pertes forestières naturelles de moitié d’ici 2020, en s’efforçant d’y mettre fin d’ici 2030 ». En 2021, force est de constater que les pertes forestières naturelles n’ont pas été réduites de moitié.

Concernant la déclaration sur le méthane, « un peu plus solide » selon cet article de Numerama, des pays fortement émetteurs de ce gaz comme la Chine, l’Inde et la Russie n’ont pas souhaité prendre d’engagement. Pourtant, les émissions de méthane de la Chine n’ont cessé de d’augmenter au cours de la dernière décennie, et l’Inde reste tout aussi dépendante à cette énergie. Or, rappelons que la combustion du charbon émet du méthane.

Des accords qui semblent insuffisants, donc. Et le dernier rapport du GIEC montre que le temps n’est plus aux promesses : le groupe d’experts indiquait que les décisions doivent être immédiates, de grande ampleur et concerner la planète entière. Ces deux premiers accords ne remplissent pas encore ces critères, et l’engagement des pays doit être réel.

Une course contre la montre est lancée face au dérèglement climatique

L’urgence à agir n’est plus à rappeler. Une lettre ouverte, datant de début novembre, signée par plus des deux tiers du personnel de santé dans le monde (300 organisations représentant au moins 45 millions de médecins et de professionnels de la santé à travers le monde) appelait les dirigeants nationaux et les délégations des pays participant à la COP26 à intensifier la lutte contre les changements climatiques :

« Nous appelons les dirigeants de chaque pays et leurs représentants à la COP26 à éviter la catastrophe sanitaire imminente en limitant le réchauffement climatique à 1,5 °C et à faire de la santé humaine et de l’équité des éléments centraux de toutes les mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. »

Une situation alarmante, également soulignée par le chef de l’ONU, António Guterres, à l’ouverture de la COP26 qui affirmait « nous sommes en train de creuser notre propre tombe ». La situation presse pour lutter contre le changement climatique et l’ensemble de ses conséquences dont on ne connait pas toute l’ampleur.

Si en France la loi Climat et résilience a jeté les bases d’une société plus résiliente face au changement climatique et ses effets, elle doit être complétée par de nouvelles mesures. Dans de nombreux domaines, il reste beaucoup à faire : rénovation énergétique des bâtiments, accroissement des mobilités douces, transition agroécologique du modèle agricole… Il s’agit alors de mettre en place les solutions que l’on connait et dont on sait qu’elles fonctionnent. Car c’est tous les secteurs qui doivent se décarbonner, et rapidement, si l’on souhaite atteindre la neutralité carbone le plus vite possible.

La négociation et la discussion semblent de mise face aux crispations sociales ou au poids des lobbies économiques face à ces questions. Mais un autre frein devra aussi être étudié : celui de la gouvernance de la transition écologique et de la capacité des pays à s’organiser pour traiter cesles questions environnementales.

La question de la gouvernance de la transition écologique

La question de qui va mettre en oeuvre ces politiques et comment doit être soulevée : une bonne gouvernance conditionne l’efficacité des mesures prises par la suite.

Mais aujourd’hui, pour Pascal Canfin, Président de la commission environnement du Parlement européen et Thierry Pech, Directeur général de Terra Nova, on ne sait pas s’organiser de façon suffisamment performante pour aller plus vite et monter à l’échelle.

Nous avons surtout un problème de gouvernance de la transition : nous ne savons pas organiser convenablement la pluralité des acteurs qui doivent y concourir (entreprises, territoires, citoyens…). On ne peut pas gagner une guerre si on n’est pas organisé pour la gagner.

Rapport Gouverner la transition écologique de Terra Nova

Pour eux, il s’agit de négocier davantage, de mettre tous les acteurs concernés autour de la table et de discuter, à l’instar des Pays-Bas. Ce pays qui se veut leader en matière de lutte contre le réchauffement climatique organise des tables rondes composées d’industriels, de syndicats, de patrons, d’organisations de défense de l’environnement et du monde agricole, pour discuter et élaborer un programme afin de réduire de 50 %, d’ici à 2030 les émissions de gaz à effet de serre du royaume.

Mathilde Imer, coprésidente du collectif Démocratie ouverte et membre du comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) y voit même un nouveau rôle pour la société civile : « ce qui est profondément différent dans ces mobilisations, c’est que l’action pour le climat va désormais de pair avec le désir de nouvelles formes de représentation ». Une demande de mise à jour du modèle démocratique qui expliquerait d’ailleurs la baisse de la participation aux élections selon elle.

Voir aussi : Définition de la démocratie

La crise climatique, un problème collectif

La lutte contre le changement climatique, c’est à la fois un travail des pays chez eux et entre eux.

Il faut bien comprendre que le défi est collectif et que les émissions des autres pays nous concernent tous, déjà car nous cohabitons tous sur une seule et même planète, mais aussi car nous vivons dans un monde globalisé, où l’on s’échange des biens et des services. Nous sommes donc comptables des émissions des pays qui produisent et exportent des biens et services pour nous. On peut penser à la Chine qui réalise une grande partie de l’industrie manufacturée, ce qui génère beaucoup d’émissions, notamment avec son mix énergétique actuel.

Donc qu’une tonne de CO2 soit émise en France ou à l’autre bout du monde, nous sommes concernés de la même manière. Et inversement si l’on émet moins, c’est bénéfique pour tout le monde.

Le défi est de taille, et une montagne d’investissements sont nécessaires à la transition. Or, ces fonds, tous les pays ne les disposent pas. On a donc besoin de sommets d’Etats comme les COP pour discuter et fixer un cap, allouer des ressources aux pays les plus pauvres pour les aider, et ensuite c’est aux Etats eux-mêmes de mettre en application des solutions concrètes.

Alors que certains pays font déjà face aux conséquences du changement climatique, que la société civile somme les Etats d’agir, combien de temps encore devra-t-on attendre pour voir des actions concrètes d’envergure de la part des pays ?

Photo by Callum Shaw on Unsplash

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