L’économie du partage existe depuis des millénaires mais elle connait ces dernières années des mutations significatives grâce à la révolution du numérique. Dans un contexte de crise écologique, les pratiques du partage apparaissent instinctivement comme des pratiques économes et respectueuses de l’environnement. Pourtant, selon une étude publiée par l’IDDRI, la réalité est toute autre : l’économie du partage doit encore intégrer certains critères pour prétendre à une véritable performance durable.

Les modèles de l’économie du partage

Avant de rentrer plus en détail dans la problématique, une explication de ce qu’on appelle « économie de partage » s’impose. La définition de ce terme est très floue et aujourd’hui personne ne s’entend vraiment sur son sens. Le périmètre des activités et des acteurs légitimes de l’économie du partage sont les principales pierres d’achoppements.

On peut néanmoins identifier clairement trois modèles de partage : le réemploi, la mutualisation et la mobilité partagée.

Le réemploi est le modèle le plus ancien et le plus utilisé. Il consiste à réutiliser un objet que son premier propriétaire ne désire plus. Il peut prendre la forme du don, du troc ou encore de la vente d’occasion, l’automobile étant le produit phare. Le numérique a permis de développer cette forme de partage en rapprochant les consommateurs. Selon une étude de lAdeme, les plateformes internet dédiées comme Le Bon Coin ou donnons.org représentent la moitié des produits réemployés.

La mutualisation consiste à louer (payant) ou emprunter (gratuit) un objet. C’est le modèle le moins développé car la plupart des objets ont des usages trop quotidiens qui limitent les échanges. Mais là encore, le numérique a permis de faire tomber des barrières et désormais cette forme de partage se développe rapidement à l’aide de certaines plateforme comme Zilok ou Airbnb.

La mobilité partagée rassemble les formes de partage autour des transports individuels. Le covoiturage et la location de voiture sont les offres les plus développées. Autant l’auto-partage est une forme de mutualisation que le covoiturage a la particularité d’être une offre de service. Le covoiturage de longue durée est le succès le plus notable comme l’atteste le développement de BlablaCar mais la location de courte durée (AutoLib) comme celle de pair à pair (Buzzcar, DewaysDrivy…) affichent de beaux potentiels de croissance.

Enfin, il ne faut pas confondre économie du partage et économie collaborative car cette dernière possède un sens beaucoup plus large. Elle renvoie à la consommation mais aussi à la finance, l’éducation et la production collaborative.

de en haut à gauche à en haut à droite : le Bon Coin, Zilok, Donnons.org de en bas à gauche à en bas à droite : Air Bnb, BlablaCar, Drivy
de en haut à gauche à en haut à droite : le Bon Coin, Zilok, Donnons.org
de en bas à gauche à en bas à droite : Airbnb, BlablaCar, Drivy

 

Les conditions de la performance durable

Le bilan environnemental d’un produit se calcule à l’aune du bilan énergétique de sa production, de son utilisation et des déchets qu’il génère. Il existe peu de documentation pour évaluer si l’économie du partage permet de répondre correctement à ces trois critères. Cependant elle possède de fortes potentialités à condition que les produits respectent certaines caractéristiques.

Chaque forme de partage possède ses propre modalités d’application mais nous pouvons identifier des conditions générales. L’élément clé que les constructeurs doivent intégrer dans la conception de leur produit est la durabilité. Concrètement, les produits doivent être conçus pour être plus résistants à l’usage. Dans le cadre d’une mutualisation, cette résistance accrue compensera la hausse de la fréquence d’utilisation, et dans le cadre du réemploi, elle permettra d’augmenter la durée de vie. La durabilité consiste aussi à concevoir des produits recyclables pour minimiser la réduction de la durée de vie causée par la mutualisation.

En approfondissant l’analyse sur chaque modèle, une multitude de conditions spécifiques s’ajoutent aux conditions générales, a tel point que le bénéfice environnemental de l’économie du partage n’apparait plus aussi évident qu’au premier abord. Il y a donc un véritable enjeu à prendre conscience de ce défi pour que notre intuition se traduise réellement.

Les pistes d’actions

Les auteurs de l’étude appellent à mobiliser tous les acteurs. Les entreprises doivent prendre conscience de l’enjeu, intégrer ces données dans la conception de leur produits et valoriser leur initiatives. Les consommateurs, dont la principale motivation est le gain économique, doivent être sensibilisés aux enjeux environnementaux pour influencer les entreprises et marginaliser l’hyper-consommation sur certaines plateforme telles qu’Ebay. Les pouvoirs publics, enfin, doivent animer la dialogue entre les acteurs pour adapter rapidement les réglementations et promouvoir les projets innovants.

Ce n’est qu’à la suite de la mobilisation de ces acteurs qu’une véritable prise de conscience obligera les constructeurs à intégrer la durabilité dans leur produit, et ainsi permettre à l’économie du partage de se mettre au vert.