Selon le GIEC, les sécheresses vont devenir plus fréquentes et plus intenses dans le monde. Comment s’expliquent les phénomènes de sécheresse, et doit-on craindre un manque d’eau généralisé à l’échelle du globe dans les décennies à venir ? Tentons de répondre à ces questions.

La question de l’eau n’a jamais autant été mise sur le devant de la scène médiatique que depuis ces dernières années avec les différentes sécheresses.

La conférence des Nations unies sur l’eau qui s’est tenue à New York du 22 au 24 mars 2023 témoigne de la volonté d’engager des discussions autour de l’eau. Près de 50 ans après la première conférence de l’ONU sur l’eau, ce sommet a réuni des représentants des gouvernements des États membres et des organes des Nations unies, des institutions internationales, des organisations non-gouvernementales, des institutions académiques et scientifiques, ainsi que des acteurs du secteur privé et de la société civile. Un large panel pour discuter d’une gestion durable des ressources en eau dans un contexte où elle se raréfie dans plusieurs régions du globe.

En France, le Plan eau publié par le gouvernement en mars 2023 marque une prise de conscience réelle : c’est la première fois que le sujet de l’eau est porté par un président de la République en France et non plus uniquement par des secrétariats d’État ou des Ministères, comme lors du Varenne de l’eau ou des Assises de l’eau.

Sous l’effet de la pression démographique ou encore de nos modes de consommation, la demande pour l’eau ne cesse de croître ce qui augmente les tensions sur la précieuse ressource. Le dérèglement climatique intensifie lui aussi le problème du manque d’eau, avec notamment l’augmentation et l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes comme les sécheresses. En 2050, au moins une personne sur quatre vivra probablement dans un pays touché par une pénurie chronique ou récurrente d’eau douce selon les Nations Unies.

Alors, l’eau de la Terre peut-elle disparaitre ? Comment se répartit l’eau sur la planète et quelles régions vont être les plus touchées par le manque d’eau à l’avenir ? Tentons de comprendre.

L’eau dans l’environnement

Pour mieux comprendre les pénuries d’eau actuelles dans le monde, il est utile de se demander d’où provient l’eau que nous consommons.

La Terre est souvent appelée la « planète bleue » puisque l’eau recouvre plus de 70% de sa surface. Pour autant, toute cette eau ne peut pas être utilisée par les Hommes. Tentons d’en savoir un peu plus sur cette ressource naturelle pour mieux comprendre les enjeux qui se cachent derrière.  

L’eau se trouve sous différentes formes sur Terre : à l’état solide (glaciers, calottes polaires), à l’état liquide (océans, mers, cours d’eau, lacs, eaux souterraines), et à l’état gazeux (vapeur d’eau). L’hydrosphère désigne l’ensemble de ces zones du globe occupées par de l’eau. Au total, il y aurait 1 385 990 800 kilomètres cubes d’eau dans l’hydrosphère. Cependant, environ 97% de cette eau est salée et donc non consommable en tant que telle. Les 3% restants sont des réserves d’eau douce, que l’être humain peut consommer lorsqu’elle est rendue potable. En revanche, elles ne sont pas toutes accessibles. La majeure partie de l’eau douce est stockée sous forme de glace et ne peut donc être utilisée. Au final, nous trouvons de l’eau douce à l’état liquide dans des réservoirs naturels ou artificiels (lacs, barrages…) et dans les nappes phréatiques de faibles profondeurs (autrement, son exploitation est trop complexe et trop coûteuse). Ainsi, le volume d’eau douce disponible pour la consommation humaine est inférieur à 1%.

Cette eau que nous consommons est la même qu’il y a des milliards d’années. C’est en effet grâce au cycle de l’eau que celle-ci est recyclée. Les réserves d’eau à l’état liquide se vident lentement par le phénomène de l’évaporation et se remplissent notamment par l’eau de pluie, la neige, la grêle. C’est avec le cycle de l’eau que la masse d’eau totale de l’hydrosphère reste relativement constante au cours des siècles.

Voir aussi : D’où vient l’eau sur Terre ?

Mais alors, si les quantités d’eau restent inchangées au fil des siècles, d’où vient le problème ? Pourquoi entend-on parler de pénuries d’eau ? On peut l’expliquer par plusieurs raisons.

Une inégale répartition des ressources en eau

Bien que le volume d’eau douce reste stable, sa répartition sur la surface de la terre est inégale. Les pays comportant des zones désertiques et arides sont fortement exposés au stress hydrique, et ils sont nombreux à la surface du globe.

A l’inverse, 9 pays sont qualifiés de « puissances de l’eau » par les Nations Unies : le Brésil, la Russie, l’Indonésie, la Chine, le Canada, les Etats-Unis, la Colombie, le Pérou et l’Inde. Ils se partagent 60% des ressources naturelles renouvelables d’eau douce. Pour autant, même ces pays connaissent des périodes de carence en eau.

De plus, ces inégalités risquent de s’accentuer avec le changement climatique. Les pluies risquent d’augmenter dans les régions équatoriales et de diminuer dans les régions méditerranéennes.

La raréfaction des ressources en eau dans certaines régions à cause du changement climatique 

Un climat sec ou une sécheresse participent à une raréfaction voire une pénurie d’eau. Selon les critères de l’OMS, on parle de stress hydrique si un être humain dispose de moins de 1 700 m3 d’eau par an, et de pénurie s’il a moins de 1000 m3 par an.

Or, l’élévation des températures causée par le dérèglement climatique favorise les épisodes de sécheresse. Comme il fait plus chaud, l’air a besoin de plus d’eau pour assurer son équilibre, en particulier dans les climats tempérés comme en France. Cela augmente l’évaporation de l’eau des sols et tend à assécher les réservoirs d’eau douce. L’eau évaporée retombera sur le sol avec le cycle de l’eau, mais on ne peut prévoir à l’avance où ni quand cela se produira.

C’est aussi à proximité des montagnes que le manque d’eau fait peur. Dans ces zones, la fonte des glaciers constitue une source essentielle d’eau potable et d’eau d’irrigation pour plusieurs centaines de millions de personnes. Pour autant, le réchauffement climatique accélère la fonte, ce qui réduit la disponibilité en eau pour les générations futures.

Approfondir : Comprendre le réchauffement climatique : définition, causes, dangers

Une mauvaise gestion de l’eau, source potentielle de pénuries

La remise en question de nos modes de consommation

Les façons de consommer dans les pays développés sont très gourmandes en eau. On peut prendre l’exemple des régimes carnés, puisque les produits d’origine animale consomment en moyenne davantage d’eau que les produits d’origine végétale. Si l’on regarde la quantité totale d’eau qui a été utilisée pour chacune de ces denrées (l’empreinte eau du produit), on s’aperçoit qu’il a fallu environ 3 400 litres pour 1 kg de riz contre 15 500 litres pour 1 kg de viande de boeuf. L’empreinte eau, c’est donc la quantité d’eau dite « virtuelle » nécessaire à la fabrication d’un produit. Elle est constituée de l’eau prélevée dans les ressources naturelles (appelée eau bleue), d’eau de pluie (eau verte), et de l’eau utilisée pour diluer les polluants issus de la production du produit, afin de rejeter l’eau dans la nature (eau grise).

La réduction de la consommation d’eau ne se joue pas seulement dans la salle de bain, en prenant des douches plus rapides ou en fermant le robinet en se brossant les dents. Elle se joue aussi dans l’assiette, mais pas seulement.

Prenons un autre exemple : la culture du coton, utilisé en grande partie pour l’industrie du textile. Sa production nécessite un climat particulier : il doit bénéficier d’une grande quantité de soleil (120 jours par an environ) et ne surtout pas être exposé au gel. En même temps, il a besoin d’une irrigation importante : la production d’un kilo de coton nécessite 10 000 litres d’eau. Ramené à la production d’un t-shirt en coton de 250g, cela donne 2 500 litres d’eau soit l’équivalent de la consommation d’un Français en eau potable pendant 17 jours. Le problème, c’est que comme le coton est souvent cultivé dans des régions chaudes et a des besoins d’irrigation élevés, il peut entrainer des pressions sur les ressources locales.

L’exemple fréquemment cité est celui de la mer d’Aral (qui en réalité est un lac). Ses principaux affluents ont été détournés à partir des années 1960 pour l’irrigation, principalement des cultures de coton. La diminution progressive de sa surface a engendré une hausse de son taux de salinité et la mort de millions de poissons. Ces mêmes poissons nourrissaient les populations aux alentours qui ont été contraintes d’abandonner leurs villages. Aujourd’hui, la mer d’Aral a perdu 75% de sa surface, 14 mètres de profondeur et 90% de son volume. De nombreux autres lacs subissent le même sort. On peut citer le lac Poopó en Bolivie, le lac d’Ourmia en Iran ou encore le lac Meredith aux États-Unis, qui rétrécissent en raison du détournement de leurs affluents pour l’agriculture et l’industrie, mais aussi à cause du dérèglement climatique qui accélère l’évaporation.

La responsabilité des activités humaines sur les ressources en eau : l’exemple de la déforestation

D’après les chiffres de la FAO, la perte de couvert forestier est en immense partie attribuable à l’expansion agricole, donc liée à l’activité humaine. Cependant, la déforestation a un impact sur le cycle hydrologique.

Comment ? Via une réduction de l’évapotranspiration. Il s’agit du processus de transfert d’eau, sous forme de vapeur, vers l’atmosphère, soit par l’évaporation au niveau du sol, soit par la transpiration des végétaux. Ce pouvoir d’évapotranspiration est supérieur en forêt que dans les milieux ouverts comme les terres cultivées. Ainsi, une végétation dense améliore l’humidification de l’air. C’est d’ailleurs pour cette raison que la température est plus fraiche en forêt. La déforestation, par une réduction de l’évapotranspiration peut donc diminuer localement les précipitations et aggraver les sécheresses.

Dans certaines régions, le reboisement est présenté comme devant faire partie intégrante de la lutte contre la désertification, à l’image du projet de la Grande muraille verte dans l’Afrique sahélienne.

Voir aussi : Grande muraille verte : quel bilan, quels effets ?

Quantité et qualité de l’eau : deux notions liées pour préserver la ressource

Nous avons parlé de la quantité d’eau, mais sa qualité est tout aussi primordiale, et les deux notions sont en réalité liées. En effet, lorsque sa qualité se dégrade, cela contribue à raréfier l’eau car elle n’est plus aux standards nécessaires pour certains usages. La remettre aux standards pour la consommation humaine engendrera des coûts. Les sources de contamination peuvent être des polluants organiques (excréments ou ordures ménagères par exemple), des polluants chimiques (herbicides, insecticides ou métaux dangereux par exemple), ou des polluants physiques (rejet d’une eau à température trop élevée dans les milieux aquatiques par exemple). Tout dépend de la quantité déversée, et on parlera de contamination lorsqu’un certain seuil, établi par les scientifiques, est dépassé, et que cela met en danger la santé humaine et la biodiversité d’un milieu.

Donc pour résumer, la quantité d’eau douce reste constante mais du fait du changement climatique et des activités humaines, elle peut venir à manquer par endroits. Or, un être humain ne peut pas survivre plus de trois jours sans eau, et il s’agit également d’une ressource essentielle à l’hygiène.

Notre dépendance à l’eau

L’eau est partout, derrière tout ce que l’on consomme. En moyenne, dans le monde, 70 % de l’eau douce est utilisée pour l’agriculture, 19% pour l’industrie et enfin 11% pour l’usage domestique. Bien entendu, des disparités existent selon les régions. Au sein de l’Union européenne ou en Amérique du nord, l’eau douce est majoritairement utilisée pour l’industrie par exemple.

Quoi qu’il en soit, nous dépendons tous de cette ressource et sa consommation ne cesse de croitre. La demande mondiale en eau augmente en moyenne de 1% chaque année depuis 1980 et la tendance devrait se poursuivre. Selon le rapport des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau (2019), la demande sera 20 à 30% plus élevée que le niveau actuel en 2050.  

Plus de 2 milliards de personnes vivent dans des pays soumis à un stress hydrique élevé et environ 4 milliards de personnes font face à une grave pénurie d’eau au moins un mois par an. Ce stress hydrique ira en s’exacerbant à mesure que la demande en eau augmentera et que les effets des changements climatiques s’intensifieront.

Or, il faut bien garder à l’esprit que les réserves en eau douce à l’autre bout du monde nous concernent aussi, étant donné que nous vivons dans une économie mondialisée. Comment nourrir la planète si d’immenses régions agricoles comme la Californie connaissent des sécheresses historiques ? Comment continuer à fournir aux habitants des quatre coins du monde des consoles de jeux, des smartphones ou des voitures si les puces électroniques, composants essentiels à leur fabrication, viennent à manquer en partie en raison d’une pénurie d’eau à Taïwan qui assure l’essentiel de la production ? TSMC, leader du secteur, a utilisé 156 000 tonnes d’eau par jour dans ses trois complexes industriels en 2019, soit plus de 60 piscines olympiques. Dans le même temps, l’État a débloqué des subventions pour compenser les pertes des riziculteurs.

Trouver le bon équilibre est donc une opération délicate et nécessite de prioriser les usages. L’incertitude croissante sur la disponibilité en eau douce oblige à repenser la gestion de cette ressource à l’aune des futures pénuries. Autrement dit, cela pose 2 questions majeures : comment se répartir l’eau douce dans ce contexte et comment limiter notre consommation de cette précieuse ressource dans une logique d’adaptation ?

Photo par engin akyurt pour Unsplash

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