La biodiversité disparaît, c’est un fait. Mais est-ce vraiment grave ? Si l’on en croit les études récentes : oui. Cela pourrait même menacer notre sécurité alimentaire.

On le sait, la perte de la biodiversité est particulièrement inquiétante. Disparition des espèces, fragilisation des écosystèmes, multiplication des maladies sont autant de problèmes liés à la diminution de la biodiversité. Mais on a parfois du mal à identifier comment la perte de la biodiversité nous affecte concrètement. Pourtant, tout cela a bien un effet direct sur notre vie, notamment sur notre alimentation. En effet, la perte de la biodiversité menacerait notre système alimentaire. Explications.

Biodiversité : nos aliments menacés

circuits-alimentaire-alternatifsQuel est le lien entre la biodiversité et notre alimentation ? Difficile à imaginer au premier abord. Certes, on comprend bien que si la population d’abeille diminue par exemple, on aura moins de miel. Ou que si la population d’insectes diminue, la pollinisation sera moins efficace. Mais en réalité, les choses sont beaucoup plus graves selon plusieurs études publiées récemment.

L’organisation Biodiversity International qui étudie l’impact de la disparition de la biodiversité vient par exemple de publier un rapport inquiétant à ce sujet. En effet, les scientifiques à l’origine du rapport ont montré que près de 75% de nos apports alimentaires proviennent de 12 espèces végétales et de 5 espèces animales principales. C’est très peu. 90% des espèces cultivées auraient disparu depuis un siècle, soit détruites par les pollutions, les maladies ou le réchauffement climatique, soit abandonnées au profit d’une agriculture standardisée. Le problème c’est que nous sommes donc très dépendants de ces espèces pour vivre. En résumé : s’il arrive quelque chose à ces espèces, c’est l’ensemble de notre chaîne d’approvisionnement en nourriture qui est potentiellement en danger.

Or face à la disparition de la biodiversité, beaucoup d’espèces végétales et animales comestibles sont déjà menacées. L’étude montre que plus de 1000 espèces cultivées dans le monde sont désormais considérées comme menacées, notamment à cause du réchauffement climatique, de la pollution et de la destruction de leur écosystème, mais aussi de nos choix agricoles (la monoculture intensive notamment).

Il semble donc nécessaire de protéger la diversité de nos cultures, mais aussi la diversité du biotope dont dépendent nos cultures. Si la tendance à la disparition de la biodiversité se poursuit, il se pourrait bien que cette menace finisse par affecter directement les espèces dont nous dépendons. On en voit déjà certains signes : certaines cultures comme le mais s’adaptent de moins en moins bien aux conditions climatiques et à la diminution des capacités organiques des sols. Ainsi, le rendement des principales céréales a d’ores et déjà commencé à diminuer un peu partout dans le monde et en particulier en Europe de l’Ouest, signe que ces espèces sont en souffrance. Si le réchauffement climatique se poursuit et que la biodiversité continue à être menacée, il pourrait rapidement y avoir des pénuries, et des zones entières où ces céréales essentielles pourraient ne plus du tout pousser. Une étude publiée l’année dernière prédisait ainsi une diminution de 40% des rendements des principales céréales à cause du réchauffement climatique et notamment de la crise de biodiversité qu’il engendre.

Pourtant, il existe des variétés de céréales résistantes à la chaleur, capables de produire dans des environnements secs, comme l’ont montré les recherches menées en 2017 sur les variétés éthiopiennes de durum. Seulement, il faut les préserver.

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Nos cultures plus fragiles et moins nutritives dans un monde sans biodiversité

agriculture-pauvrete-liensMais surtout, la biodiversité agit comme un agent protecteur pour les écosystèmes. Plus un écosystème est divers, plus il est riche en biodiversité, plus il est résistant et résilient. Et inversement : moins un écosystème est divers, plus il est fragile. Certaines espèces peuvent ainsi agir comme des barrières protectrices contre les maladies, d’autres peuvent servir de protection contre le pestes et les parasites. Si ces espèces barrière disparaissent, cela laisse la voie libre aux contaminations ou aux destructions.

Quand la biodiversité diminue, nos cultures sont donc plus exposées à ces risques. Par exemple, il existe dans la vigne un parasite nommé le ver de grappes. S’il n’est pas contrôlé ce parasite peut rapidement détruire toute une récolte de raisins. Mais heureusement, certaines espèces de chauve-souris sont un prédateur naturel du ver de grappes. Protéger ces espèces (et notamment les pipistrelles) est un moyen efficace de protéger les vignes contre ce ver.

D’où l’importance de protéger toute la chaîne de biodiversité, avant qu’un de ses maillons les plus importants ne finisse par disparaître et emporter avec lui nos cultures les plus essentielles.

Enfin, la biodiversité a un impact fondamental sur la qualité des sols. L’essentiel de la biodiversité mondiale est composée d’insectes, dont la majorité vivent dans les sols. Or les activités humaines (pollution, réchauffement climatique, pratiques agricoles) ont d’ores et déjà un impact fort sur la vie de cette biodiversité du sol. Sans elle, les qualités organiques du sol, sa richesse en minéraux et en nutriments, diminue. Et cela se ressent dans les fruits, les légumes, les céréales et l’ensemble des cultures végétales qui sont moins riches en nutriments. Moins de biodiversité, c’est donc des aliments moins nutritifs, plus pauvres.

Plus exposés, plus fragiles, moins nutritifs : voilà ce que risquent nos aliments dans un contexte de disparition de la biodiversité. Une raison de plus, s’il en fallait, de prendre en compte de façon urgente la disparition des espèces vivantes. Comment ? Par une refonte globale de nos systèmes de production agricole vers une agriculture plus durable, plus locale, à taille humaine. Et pourquoi pas une agriculture proche de la définition de l’agriculture biologique. Par une réduction de notre empreinte écologique, de nos pollutions diverses et de notre utilisation des pesticides. Bref, par une transition écologique globale.