Plusieurs rapports ont été publiés ces dernières semaines sur l’état du climat et de la lutte contre le réchauffement climatique. L’occasion de faire un bilan à quelques jours de la COP27, qui doit réunir les dirigeants mondiaux autour de cet enjeu majeur.

Alors que la COP27 débute le 6 novembre prochain, de nombreux organismes scientifiques et d’analyse internationaux publient leurs rapports annuels sur l’état du climat. L’occasion de faire un bilan de l’évolution de l’état du climat et la lutte contre le réchauffement climatique avant cet évènement international crucial.

Alors, où en est l’évolution du climat en cette fin 2022 ? Comment ont évolué les politiques climatiques nationales et internationales ? Est-on sur la bonne voie, ou non ? Grâce aux rapports de l’Organisation Météorologique Mondiale, du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, de l’Agence Internationale de l’Énergie, ou encore du Climate Action Tracket, on peut avoir une vision globale de l’enjeu. Alors, que retenir de ces rapports ?

Voir aussi : Le résumé complet des rapports 2022 – 2023 du GIEC

Des concentrations en gaz à effet de serre toujours plus élevées

Sans surprise, ces rapports apportent leurs lots de mauvaises nouvelles. La première vient de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), dont le Rapport Global sur les Gaz à effet de Serre est paru récemment. Le constat fait par l’organisation est claire : les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’ont jamais été aussi hautes.

Le monde a désormais dépassé le seuil symbolique des 415 ppm (parties par millions) pour la concentration en CO2 dans l’atmosphère (contre 275 avant l’ère industrielle). La concentration en CO2 est donc à 150% des niveaux préindustriels. Pour le méthane, deuxième gaz à effet de serre le plus important, le constat est encore plus net : les niveaux sont actuellement à 260% des niveaux préindustriels. Les émissions de ce gaz (principalement émis par les fuites sur les exploitations de gaz fossile, l’élevage, et certains processus naturels) ont augmenté de façon brutale ces dernières années.

D’après l’OMM, cette hausse pourrait indiquer le début d’un point de bascule (tipping point) climatique : celui que l’on appelle vulgairement la « bombe méthane ». Pour résumer : la hausse des températures mondiales perturbe les écosystèmes naturels humides (rizières, marais, mangroves) qui relâchent alors le carbone qu’ils contiennent sous forme de méthane. Cela indique qu’il est plus que jamais urgent de réduire nos émissions pour éviter un emballement climatique.

Un climat qui se dégrade rapidement, des conséquences dramatiques

D’autres rapports vont dans le même sens, et montrent que le système climatique est en dégradation rapide. Le rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement sur les émissions (l’Emission Gap Report) indique qu’en poursuivant nos politiques climatiques actuelles, on se dirigerait vers un réchauffement autour de 3 degrés à l’échelle mondiale, avec des zones plus touchées que d’autres. Pour l’Europe, par exemple, les rapports scientifiques montrent que la région est en proie à des vagues de chaleur de plus en plus intenses, qui vont s’aggraver. Un rapport récent du CNRS prévoyait que les températures en France pourraient se situer à +3.8 degrés d’ici la fin du siècle par rapport aux moyennes préindustrielles, avec des pics à au moins +5 degrés en été. Comme chaque année, on a observé un peu partout dans le monde une hausse des phénomènes météorologiques extrêmes : incendies, inondations, sécheresses, tempêtes…

Ce constat est partagé par la revue scientifique The Lancet, qui publie son rapport sur la Santé et le Climat. Là encore, constat sans appel : les catastrophes naturelles et climatiques se multiplient, avec un impact direct sur la santé des populations. Ces 5 dernières années, les morts liés aux chaleurs extrêmes ont augmenté de près de 70% dans le monde par rapport aux niveaux du début des années 2000. Ce mêmes chaleurs auraient causé près de 250 milliards de dollars de dégâts à l’échelle mondiale, et pesé pour entre 1 et 6% du PIB en pertes de productivité dans les différents pays affectés (les pays les plus pauvres étant évidemment les plus touchés).

Les chercheurs rappellent par ailleurs que le réchauffement climatique pèse sur la stabilité alimentaire mondiale : les vagues de chaleur et les modifications climatiques auraient réduit de 6 à 9 jours la période de croissance des principales céréales que sont le blé et le maïs. Près de 100 millions de personnes supplémentaires dans plus d’une centaine de pays feraient face à la faim à cause de l’effet du climat sur l’agriculture. Enfin, le rapport indique que le réchauffement climatique favorise la diffusion de pathologies comme le paludisme, la dengue, et favorise le développement de bactéries comme les vibrio (qui transmet le choléra).

Des politiques climatiques en progrès, mais insuffisantes

Le rapport du Climate Action Tracket et celui du PNUE permettent aussi de voir que les politiques climatiques mises en oeuvre actuellement sont profondément insuffisantes pour faire face au problème climatique.

D’après le PNUE, les politiques actuelles impliqueraient que nos émissions de gaz à effet de serre vont continuer à augmenter (de 10% environ) d’ici 2030. Or, le rapport du groupe 3 du GIEC publié en début d’année indique que pour suivre une trajectoire climatique acceptable, capable de maintenir le monde sous 2 degrés de réchauffement, elles devraient au contraire baisser de 45%. Cet écart montre de façon saisissant le décalage qui existe entre les ambitions climatiques des différents pays du monde et la réalité physique du climat.

Globalement, le rapport montre aussi que les politiques actuelles sont encore trop peu ambitieuses par rapport aux engagements pris par les Etats à la COP précédente. Et pour avoir une chance d’éviter un réchauffement catastrophique, il faudrait encore relever ces engagements de manière significative. Sur le schéma ci-dessous, la courbe bleu foncé indique celle de nos politiques actuelles, quand la courbe bleu clair indique l’objectif pour se maintenir sous les 2 degrés (les courbes NDC indiques les engagements pris à la COP précédente).

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Le rapport du Climate Action Tracker montre d’ailleurs qu’aucun des objectif de politique climatique globale n’est réellement en voie d’être atteint pour 2030. Seuls 6 objectifs vont à peu près dans la bonne direction, principalement en lien avec le développement des véhicules électriques et des énergies renouvelables. En ce qui concerne le développement des réseaux de transports en commun ou de vélo, la baisse de la consommation de produits d’origine animale, la lutte contre la déforestation, on est loin du compte. Sur certains objectifs, comme la dépendance à la voiture individuelle ou les émissions agricoles, la tendance va même dans la mauvaise direction.

Cop27 : agir sur les problèmes structurels encore trop mal traités

De ces différents rapports, on peut tirer la conclusion que la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas encore réellement traitée à la racine par l’ensemble des pays du monde. Les politiques mises en place sont à la fois insuffisantes et mal calibrées. Insuffisante car les objectifs internationaux sont bien en deçà de ce qui serait nécessaire, mal calibrées car elles ne traitent pas suffisamment des enjeux essentiels.

Par exemple, en matière de transport, le développement du véhicule électrique se fait sans stratégie globale permettant de sortir du modèle du véhicule individuel. On se contente de remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques sans changer réellement le système de transport dans son ensemble, sans penser une transition vers la sobriété, dont le GIEC a rappelé cette année qu’elle était essentielle. C’est la même chose concernant le système de production énergétique.

La protection des écosystèmes (lutte contre la déforestation, contre la dégradation des mangroves, contre la dégradation des puits de carbone) est encore largement oubliée des politiques globales. Des enjeux cruciaux comme la coopération internationale, et l’aide financière apportée aux pays en développement sont aussi largement ignorés.

À quelques jours de la COP27, tous les rapports convergent sur une conclusion : les voyants sont (encore) au rouge et il faudra un véritable coup d’accélérateur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Or, avec la guerre en Ukraine, le virage autoritaire de la Chine, la crise énergétique et l’inflation en bruit de fond, il n’est pas certain que les voix de la lutte contre le réchauffement climatique parviennent à se faire entendre cette année encore…

Photo par Guy Bowden sur Unsplash